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L’homme-Président s’en va

L’homme-Président s’en va…

Lassé sans doute par les « trahisons », par la distorsion entre son envergure à l’étranger, partout ailleurs qu’en France et le presque mépris dans lequel il était tenu ici, François Hollande tire sa révérence. Comme un homme qui a donné beaucoup, et qui se retourne, et ne retrouve plus les siens, (enfin certains « proches » dont il ne tarit  pas d’éloge dans le livre # Unpresidentne devraitpasdireça, Valls notamment. Finalement Macron aura été plus « propre » dans son départ..)

C’était sans aucun doute une des personnes les plus exemplaires de cette République, sans embrouilles, sans intrigue flagrante en tout cas. Notre Président. « Président » qui le nommait ainsi ? Personne  ou presque ne le nommait ainsi dans les media! L’avait-il à ce point  voulu,  provoqué? Sans but, sans cap, voilà comment on l’habillait,  alors que tous ceux qui le connaissent disent sa grande détermination en chaque chose. Ne pas oublier son implication et son efficacité et sa respectabilité à l’étranger. Ne pas oublier comment les choses se sont améliorées, et tout cela que d’ici peu nous allons tant regretter. Etre conscient de ce qu’il a fait, ce qu’il fut, ce qu’il dit, comment il a oeuvré pour le pays,  ce qu’il sait de la politique,  l’homme « de la synthèse », le « mou- comme-un-caoutchouc-flou-comme-un -loup », tous ces qualificatifs sans respect, de toujours, dès le début. Les attaques les ricanements…

Un homme que j’ai appris à connaître, et qui a orienté sa politique par le réel, l’alliance avec Merkel par exemple est au delà des conventions partisanes et idéologiques.  Un homme sans doute bien mal servi par ses amis ici ou là, ceux qui disent qu’il ferait mieux de  faire ci ou ça, se répandant dans les media..pas très top!

Certes le démarrage fut difficile, les réformes opportunes lentes à se faire, voire ne pas se faire comme cela aurait dû (la réforme fiscale notamment). Mais qui peut dire que la France est en pire état qu’en arrivant? Qui, honnêtement? Pourtant, écoutons les insupportables analyses de M. Seux ou  bien d’une Madame Figaro assassine..tout cela à France-Inter, et tant d’autres, jour et nuit, matin et soir… rien ne va, la France est au plus bas…

 / Merci pour le livre, merci G. Davet et F. Lhomme /

Je ne l’ai pas aimé au début, ce n’était pas mon choix;  il arrive après le passage à l’acte DSK, et récupère rapidement des voix comme par enchantement (sondages!). Voila que l’on pourrait penser que lui aussi passe à l’acte avec le livre, j’ai pensé ça aussi, j’ai trouvé ça plutôt pas mal comme acte pour sé dégager de tout cet embrouillamini, cet insupportable de l’acte présidentiel permanent. Et puis  non, il n’est pas celui-là, cela n’a pas été calculé ainsi. Si acte manqué il y aurait, il serait du côté d’une croyance indéfectible en l’Homme;  ce qui l’a fait socialiste,  cette naïveté dont on l’affuble, croire que l’homme est bon, croire qu’il ne sera pas trahi, croire que le MEDEF et les entrepreneurs vont le suivre, vont adhérer, croire que la CGT va cesser d’être faussement révolutionnaire…  C’est dans le livre que l’on repère à la fois cette naïveté, (le meilleur exemple n’est-il pas cette sorte d’aveuglement au sujet de la fidélité du Premier Ministre?), mais aussi son scepticisme, son interrogation toujours sur le sens de l’action, sur les arcanes du pouvoir, une certaine désolation devant la comédie humaine.  Il la connaît pourtant, il était au centre au congrès de Reims, silencieux, absent, pas concerné ( ou trop?) par les mauvaises manières faites à la motion « Royal » et au revirement nocturne. Encore dedans pour la campagne Royal 2006, ou plutôt non, ailleurs pas là.. Sa façon à lui d’être contre? Et son clip de campagne ou l’on zappe Royal. Qui s’occupe de ça à ce moment-là? Valls? Celui qui avec Royal disait « On nous a volé notre victoire? »

Donc il les connaît les coups bas. Pas un ange.  Cependant l’étoffe prise, la progressive prise de conscience quant à l’écologie, les valeurs humaines toujours là, les mesures économiques fondées.. les choix internationaux, les idéaux,  tout cela vaut. Mais voilà, il devient le bouc émissaire, l’homme à abattre, il ne se garde pas à droite, à gauche, au plus près, au plus loin. Sous un certain angle, l’intrigance vallsienne fait écho à la nuisance valérienne. « Hollande poussé dans l’escalier » laisse entendre Françoise Degois sur C8 le 7 décembre 2016 (excellent!)

Mais pourquoi donc avoir accepté ce piège de la  primaire auquel il n’était nullement tenu? Président de tous les français, il se range là comme n’importe lequel candidat socialiste, ce qu’il n’est pas, n’est plus;  il n’est plus premier secrétaire. Personne pour lui dire ça, au bon moment, dans ses grands amis? Qui a pu construire ce piège? C’est pour moi un gâchis, une continuité de politique était nécessaire en ces temps troubles. Pourquoi aussi un tel aveuglement sur son PM? Il fallait en changer bien sûr après le fourvoiement déchéance et 49-3. Lui envoyer le signal de n’être pas dupe, de ce forçage d’aller contre soi-même? Ou alors est-il dupe à ce point? Là réside le « mystère » Hollande..

Sa cote remonte, il n’a pas un mauvais bilan dit BFMTV qui l’a lynché non-stop; on ne peut s’en étonner, l’objet perdu est toujours tellement plus désirable que celui que l’on a; encore plus si l’objet que l’on croit avoir lâché, lynché, abimé, est plutôt un  sujet qui décide de s’en aller, de vous laisser, qu’il n’est pas à votre main, qu’il n’a au fond que faire de vous.. toute psychologie infantile connait cela. C’est cela qui reste préoccupant dans notre République, cette demande d’un père à lyncher (pas étonnant que ses enfants réels aient plutôt pencher pour stop); une demande de Père auquel on reproche de ne pas être tout-puissant, pourvoyeur de tous nos besoins,  tout en l’accusant de trop décider.  Devrait-on le tenir toujours responsable de tout, des frondeurs, des intrigues de palais, des marchés financiers, de la guerre en Syrie…? Il ne s’est pas posé comme père, mais (est-ce une erreur?) comme homme normal? Ce qu’il n’est bien évidemment pas, même s’il y aspire. Provoque-t-il ce vide à dessein? Se sacrifie-t-il? Si c’est le cas je crains que ce soit à perte, tant le candidat à venir ne fait guère l’unanimité chez un certain nombre (et pour cause..).

Ce fut un choc, un vide.

Un choc, un vide, ce jeudi soir 1er décembre 2016. Digne. Prêt à se « sacrifier »; c’est nous tous qui sommes sacrifiés par la gaminerie utopique et mensongère des vrauchistes de tous poils, leur inconséquence parlementaire et leur dérobade.  (Car dérobade il y eut : être député est-ce seulement être récepteur des demandes et des plaintes, ou bien  aussi être éclaireur des réformes à venir? Sauf à juste vouloir garder son siège.. ) Vers qui s’orienter pour que cette République préserve, comme il l’a fait, le modèle social tout en modernisant notre société, écologise davantage nos vies (même si la prise de conscience fut bien longue), garantisse nos libertés malgré les menaces permanentes des crimes racistes et fondamentalistes. Trop de marigots, trop de tambouilles..les socialistes n’ont jamais été en reste pour magouilles, coups de poignards, trahisons, batailles de pouvoirs sans aucun intérêt collectif. Ils mettent à nu les enjeux des motivations inconscientes de chaque humain pour le pouvoir.

Et puis, rire de lire et d’entendre les journalistes parler d’un homme blême à la voix tremblante, moi  j’ai rarement vu un homme aussi assuré de son acte. Dès son arrivée au pouvoir, il pleuvait, et ça jouissait d ‘en faire un petit homme ridicule, gris, sans envergure, (méchants gamins grimaçants!), ça lui taillait déjà un costume,  de partout, ah media! et vos libertés jamais analysées, certes légitimes, mais sans nuances et peut être parfois contraintes, en êtes-vous conscients? Et tous ces alliés objectifs de nos libertés perdues!!! Mais aussi dire merci Agnès B. Biolay Deneuve Laure Adler.., tous ces soi-disant people et leur grande lucidité, merci Philippe Caubère libé 201116Silvia Ullmo Le Monde 291016Fethi Benslama Le Monde 021216; tiens! tout cela ne circule pas beaucoup, mais pourquoi donc, ah oui ça préfère ricaner, ce fut non- stop, non cela n’est pas une vue de  l’esprit, si j’en avais eu le temps,  j’aurais noté chaque jour les mensonges erreurs balivernes oublis censures déformations etc.. quant aux actions du pouvoir.

Je n’ai pas de réserve à faire sur sa façon de conduire la Nation. Sinon mon exaspération au sujet de la déchéance de nationalité, qu’il a reconnu lui -même, et la maladresse des 49-3, agité par un certain M. Valls. La conduite intérieure, la dignité affichée qui dissimule l’ébranlement intérieur lors des attentats, là encore cette croyance en l’humain (après la marche de janvier qui rassemble tant de nous tous) qui l’amène à s’engager sur la déchéance, croyant rassembler..

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M. Valls:  une laïcité rigide, fermée, plutôt démolisseur, non écolo…les #roms la #République en boucle comme un slogan la #laïcité étroite le #burkini la #déchéance, les manoeuvres peu honorables participant à l’empêchement de FH… tout ça tout ça…#Valls sanguin, rigide emporté par ses passions et sa vérité peu dialectique. Sa propre muleta à lui tout seul;  faire un foin pareil, une telle intox au sujet d’un livre plus qu’honorable, auquel il a d’ailleurs participé, c’est faire preuve de peu de discernement ou/et de grand besoin de nuire. mais ça y est nous y sommes, il y est presque :

Hollande Valls "la créature" Davet Lhomme 2016
Hollande Valls « la créature » Davet Lhomme 2016

 « Putain, tu es là.. » et si c’était cela, juste cela l’insupportable pour Manuel Valls? La révélation faite dans et par ce livre de son ambition et de son dessein? La com’ se charge du reste, hurler avec les media et la droite à l’infamie du Président.. Et.. ça marche… J’ai dit bien avant déjà ce que j’anticipais (voir billets infra par exemple nov12 : « De M. Valls, que nous avions vu si engagé (tardivement) avec SR au congrès de Reims, on ne dira guère. La prise de position avec les Roms est tout simplement pour moi insupportable. .. C’est tout de même très inquiétant que M. Valls ait une telle cote chez les Français en surfant sur les pires idées de ségrégation et de rejet. « Servir la France, pas se servir » dit SR. Au choix, en ce qui le concerne. Mon opinion est faite. Il vise plus haut.. ».)

Là, donc, il en faudra(it) beaucoup pour me convaincre..

Je vous renvoie aussi à cet excellent billet : (bruno roger petit) : « Manuel Valls ou l’art de la dissuasion en politique, jouant de la menace de la rupture, de la démission, du départ en fanfare, coup d’éclat permanent exercé à l’encontre d’un président qui déteste qu’on lui impose ce type de rapport de force, ne l’affronte jamais, et préfère l’esquive et la fuite dès lors qu’il se sent prisonnier. » Sinon? Macron? à voir.. à suivre… côté écologie en tous les cas c’est le grand néant partout…

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Ces années furent pour moi un trop plein de ricanements malsains…un étonnement agacé et parfois douloureux permanent sur la discordance entre ce que j’entends, ce que je vois, ce que je pense, ce que je suis, et et l’écho assourdissant des fausses vérités, des mensonges, des dénis, des intox entretenues. Bon je ne suis pas naïve, je suis plutôt même au fait des noirceurs et perversités humaines,  mais je ne m’explique pas bien encore (même si des clarifications se font) comment on en est arrivés là? Et.. je n’oublie rien des stratégies et de ceux qui les agissent..Et je reste par quelques côtés convaincue que, hors primaire, face au peuple de France, avec un autre premier ministre, et l’évolution récente d eta baisse du chômage, ça aurait pu le faire… Trop de si.. sans doute! Gâchis!

president-hollande-capt-ecran-27nov15
president-hollande-capt-ecran-27nov15

 

                                                                 Merci pour tout  Mister President 🇫🇷

 

Un barrage contre le crime

Un barrage contre le crime

“ Il n’y a que les martyrs pour être sans pitié ni crainte. Croyez moi, le jour du triomphe des martyrs, c’est l’incendie universel “ Jacques Lacan Livre VII 1986, p 311

Shadows Warhol Palais de Tokyo oct15 ©evah5
Shadows Warhol Palais de Tokyo oct15 ©evah5

Penser le crime terroriste

Face aux crimes abjects, il nous faut ne pas cesser de penser la complexité, humblement, pas à pas, mais sans reniement.

De tous temps des hommes ont voulu tirer dans le tas, tuer, zigouiller, loin du précepte chrétien « aimer son prochain comme soi-même », vaste programme nourri d’illusions. Mais, la plupart du temps, presque tout le temps, la limite-distance-zone qui nous tient éloigné du passage à l’acte est le fantasme, telle est l’une de ses fonctions, ou tout aussi bien le délire quand il est construit, en phase résolutive et qu’il fait métaphore suppléante. Cela a tendance maintenant, dans nos civilisations, à s’évanouir, à disparaître, à ne plus faire fonction ainsi. L’objet du fantasme devient lui-même réel, le petit autre devient l’autre-cible, est notre alter ego dont la face spéculaire se retourne pour nous devenir ennemi, voir persécuteur, cause de tous nos soucis (de l’amour à la haine, l’« hainamoration » dit Lacan). On devrait d’ailleurs s’alarmer davantage de l’influence désastreuse de certains jeux et vidéos sur des enfants fort jeunes, si malléables (dont l’esprit surprend pourtant de tant de maturité et de si peu d’affect!), pour lesquels les parents n’ont guère de souci. Certes, la dimension du jeu est excitante et sans doute formatrice, mais la représentation à outrance de morts, machabées, zombies, pendus, etc..passe la barre: le Symbolique ne noue plus l’Imaginaire de la bonne façon, c’est la parole d’un parent qui peut et devrait mettre cela « droit ». La zone est franchie entre réalité et Imaginaire, et la construction subjective en prend vraiment un coup, qui prend l’autre pour un zombie et un zombie pour l’autre, matérialisant sans cesse le danger et l’ennemi…de la graine de violence à venir…Le glissement des discours et le brouillage des instance psychiques court sur la terre entière, alimentant une haine constitutive et un rapport spéculaire de haine, et de pousse-au-crime, qui n’a comme partenaire qu’une sorte de déification erronée, idolâtrée, et usurpatrice du nom même de Dieu. Et cela dans toutes les religions, dans tout fondamentalisme. C’est la même structure que le délire, on s ‘éprend, on se prend pour Dieu, et on organise le crime pour le bien du monde. On justifie ainsi et donne cause à sa propre pulsion de mort, et sa nullité d’être, son impasse, qui n’a solution que dans la mort.

Une libération par la mort.

L’idéologie terroriste (et ses chefs) fondamentaliste a très bien pigé ça. Elle donne le feu vert, cautionne alimente, autorise tous ceux dont le nouage est « fragile » (ah! cette fragilité!! quel mot passe-partout!) à pouvoir tirer dans le tas, cela leur donne une cause, une garantie, parfois même post-mortem, qu’importe!! Là où le père décline dans l’Occident, un dieu de rigidité et de fermeté vient se loger comme légitime et vrai/ un faux dieu pourtant, une fausse barbe, un nom du Père autorisateur de Jouissance de mort, un Père Jouisseur qui dit « go! », un dieu qui n’est qu’un simulacre pour la tuerie. Jouant sur le refus de la division subjective, dont chaque être doit se débrouiller, sur le déni de la complexité humaine, cette idéologie offre le refuge d’un récit et d’un lieu inventé (le « cham ») où se réfugier et mourir. Elle érige une loi hors-la-loi, un retournement du croyant à son dieu, une imposture. Qu’importe que certains n’y soient jamais allés, qu’ils puissent être du côté sombre des « déviances », ou bien toute autre chose humaine, le mythe de l’origine pure fonctionne à pleins tuyaux, comme une mission.

Les idéologues de la terreur ont bien pigé le manque d’idéal, la désespérance, la terre promise, la structure en délire de l’impur, du mécréant, l’attrait du nettoyage, d’être le pur qui va mourir, la pratique des ordalies, des sacrifices, des tueries, des sectes, tout ce maelström qui court au long des siècles comme terrorisme, fascisme, fondamentalisme, sectes, et qui peut faire signe pour certains dans leur désordre/ordre du monde, psychose ou pas. Car c’est là que vient s’accrocher dans la chaîne signifiante ce qui va faire garantie et vérité pour l’être, retour et retournement de la pulsion : tuer/être tué // exister post mortem/gloire éternelle // destruction des impurs, thème délirant récurrent … au fond, fou de dieu, fou à lier/ fou délié, délivré, purifié; c’est de jouissance humaine dont on parle; celle qui s’identifierait au phallus Un sans autre possible, à la fois infini et UN. (Toute religion a tendance à marcher comme cela, mais ici la tromperie est telle, l’accès au savoir et à la dialectique tellement interdit, le doute non permis, que le sujet n’existe plus que dans la mort). C’est une libération par la mort. Le passage à l’acte ne peut s’éclairer que de cette extrémité-là, de cette causalité-là pour chaque « terroriste ». Ça fait la différence avec le névrosé ordinaire, lui qui rêverait d’être fou et/ou de franchir son fantasme.

La résonance médiatique

Si, par là-dessus, le déchaînement incessant de la jouissance médiatique, où trop ont perdu la boussole de la raison et de la sagesse, esclaves qu’ils sont des intérêts financiers de leurs maîtres, à se faire la course au click et au buzz, à ne plus même relire leurs chapeaux parfois si obscènes, si cela vient faire sa grosse caisse de résonance partout en boucle, en ritournelle, injectant de l’obscène comme on gave les oies, jouant une fausse interactivité où la parole se libère, roulant parfois dans une fange infecte, là où un journaliste devrait avant tout informer, rectifier, corriger, « remettre droit »… Alors bingo!!! Le DAECH viral est assuré de son coup épidémique. Car il y a viralité extrême!

Si aussi, de par nos contrées, la psychiatrie joue si mal son rôle, de ne plus savoir comment nommer ses petits (oui il est ci, mais pas complètement ça, non ça c’est pas si sûr..), de crainte d’oser dire non à la pharmacologie souvent suicidaire, de crainte d’être montrée du doigt de s’orienter encore des grands Freud et Lacan; de passer pour « old-school » alors que la praxis psychanalytique est une réinvention permanente, orientée par la clinique, mais pas sans boussole (on pourrait en apprendre encore sur cette période troublée, ses passages à l’acte, sa fascination pour la mort, sa jouissance en place de désir, sa double face surmoïque etc..) alors, laissons les dérives dériver, les esprits se fissurer, se lézarder… et le tout venant ne pas bien comprendre ce qui arrive. Laissons croire qu’un être humain est juste un cerveau (sur pattes?) selon les modernes énoncés des « psys » en tous genres, oubliant les belles inventions du sujet freudien, de l’inconscient, de la « substance jouissante » et du « parlêtre » lacaniens… « Adieu au langage » comme disait l’autre (JLG).

Ne pas montrer du doigt, ne pas désigner un malade mental comme coupable, dire simplement qu’il peut être, comme un petit délinquant, comme un(e) jeune paumée, comme un(e) ado désorienté(e), presqu’autant qu’un salafiste avéré, au bon endroit pour venir faire de son corps la bombe humaine, attiraillé de ceinture-camion-couteau que sais-je encore, au bon endroit pour liquider les impurs et mécréants, puisque de toute façon la duperie salafiste fondamentaliste promet que le martyre sera lavé de tous ses péchés (et 50 de ses proches aussi je crois). Juste, ils appuient là où ça fait mal: car ça fait mal, quelque chose chez tous ceux-là sans doute a fait trop mal, à un moment donné, pour décider, choisir cette bascule dans le suicide et l’hétérosuicide; le crime. Là où il est question de corps, de langage, et de jouissance, et donc de… réel, et donc de…politique.

Alors? Certes remettre du lien partout, du soin, de l’échange; du savoir, de l’étude pour tous, de la pensée, des arts au coeur des villes et des cités, que chacun s’y mette de la plus juste façon, comme un chantier; remettre quelque chose plus droit; plus régulé, sublimé. Je ne sais si c’est cela l’ »ordre juste » qui a tant fait ricaner. Oeuvrer pour plus de civilisation humaine (pas une contre l’autre/ pas l’une sans l’(es) autre(s)).

Civiliser, faire barrage, nouer le corps à du désir, par la langue.

Cependant, je suis sceptique.

D’abord parce que la machine média est emballée, liée qu’elle est au « pur » (tiens!!) profit, c’est assez insupportable, le pire étant qu’ils ne s’en rendent pas du tout compte..les politiques aussi sont emballés, pas tous, mais un certain nombre de tous bords, ils participent à la déraison, sous couvert de débat démocratique, ils entretiennent la « bête » de façon assez irresponsable, dans cette période que l’on dit noire, visant inlassablement le pouvoir, qui pour être à la tâche, aux prises avec ce réel si rude, fait ce qu’il peut, mais parfois aussi surenchère et c’est dommage, car alors il en rajoute à la Jouissance mortifère.

L’insondable

Et aussi parce que quelque chose dans l’humain toujours est incalculable, indécidable. Et l’ « accident  » toujours arrive. Pourquoi celui-là, alors, et pas l’autre? Nous le savons nous, cliniciens, qu’un sujet va croiser un signe, et que pour lui ce signe va faire sens, signification, voire interprétation, va pousser à l’acte, au crime.. pour un autre cela pourtant ne marchera pas; ça vient répondre chez un sujet et pas chez un autre, preuve de la singularité subjective, de la contingence subjective, du moment opportun..si l’on peut dire.

Il faut garder en tête la logique de la causalité psychique, et tout à la fois la psychologie des masses; c’est cette conjonction qui est à l’oeuvre.. seule la sagesse éclairée et orientée dans une éthique pourrait donner la voie; mais si certain(e)s savent encore l’accueillir et la faire leur, elle n’est pas assez bankable pour résonner de par le monde..

La visée « politique » criminelle de DAECH est de créer le Chaos.

Si nous même ne sommes pas assez sages pour savoir comment amenuiser, contourner, défier, et défaire cette entreprise perverse (car elle dit et fait ce qu’elle n’est pas, son acte est tout entier à l’inverse de son désir « proclamé », elle vise la jouissance de l’autre), autrement qu’en affaiblissant et dénigrant sans cesse l’Etat et ses actions, (franchement je préfère ceux-là aux commandes que beaucoup d’autres..) alors nous perdrons. Déjà forcément nous y perdons; des corps, des amis, des idées, des idéaux, des assurances, des convictions… mais le pire serait d’offrir à leur délire notre République, notre démocratie, notre Etat de droit. La réponse armée, guerrière, est nécessaire, incontournable, mais elle ne suffit pas, l’incantation non plus. Il faut aussi du discours, qui oriente, et des actes pour la reconnaissance de tous et de chacun. Pour cela il faut jour après jour, s’interroger chacun, de sa place, sa fonction, son désir : qu’ai-je fait ce jour qui ne mérite pas que je sois digne de moi?

 

ps / tout cela étant dit, on reste tout de même avec plein de questions sur cette idée de destinée, ces termes et concepts de radicalisation, conception, franchissement, bascule, il faudrait y revenir. Qu’est ce qui déclenche?  Dans la foi, dans l’engagement, dans la conviction, … vers le crime? (à suivre)…

 Quelques références 

Jacques-Alain Miller « Il y a crise, au sens psychanalytique, quand le discours, les mots, les chiffres, les rites, la routine, tout l’appareil symbolique, s’avèrent soudain impuissants à tempérer un réel qui n’en fait qu’à sa tête. Une crise, c’est le réel déchaîné, impossible à maîtriser. » Marianne oct. 2008

Jacques Lacan La jouissance « c’est le tonneau des Danaïdes, et une fois qu’on y entre, on ne sait pas jusqu’où ça va. Ça commence à la chatouille et ça finit par la flambée à l’essence ». L’envers de la psychanalyse, p. 83

Jacques Lacan « que la férocité de l’homme à l’endroit de son semblable dépasse tout ce que peuvent les animaux, et qu’à la menace qu’elle jette à la nature entière, les carnassiers eux-mêmes reculent horrifiés » Écrits, p. 147

Olivier Roy « DAECH fait feu de tout bois »

Jacqueline Chabbi « Les djihadistes ont une représentation sacralisée du passé. La communauté musulmane idéale qu’ils imaginent, formée de pieux compagnons, n’a jamais existé… le Coran reflète une société traditionnelle tribale qui était extrêmement pragmatique..quand l’islam intègre au IXe siècle des populations extérieures / on se fabrique alors un le fantasme d’un passé idéal.. / il n’ y a pas de notion de guerre sainte pour les califats arabes.. »

Fethi Benslama « L’islamisme a produit une fiction qui séduit ce qui est plus grand qu’un moi, essentiellement inauthentique : un surmoi d’origine, incarné par la figure du « surmusulman »./ l’une des significations majeures du nom « musulman » est l’humble. C’est le noyau éthique fondamental de l’islam. Avec le « surmusulman », il s’agit au contraire de manifester l’orgueil de sa foi à la face du monde/ les « surmusulmans » se veulent des bouches ouvertes de Dieu dans le monde, proférant leur haine de ceux qui n’ont pas la croyance../ un pouvoir de tout se permettre/ ils ne se soumettent à dieu qu’en le soumettant à eux/ si le musulman cherche dieu le « surmusulman » croit avoir été trouvé par lui ».

Richard Rechtman « Anticiper cette jouissance narcissique dont il s’imagine pourvoir profiter post mortem../ la rencontre d’un individu avec l’offre qui lui est faite/ avec le califat il n’y a plus de limite à la destruction des impurs.. »

Eric Fassin « La stratégie de la terreur renvoie donc à une politique du pire »

Myriam Benraad  « La survivance  de cet idéal-type est bien réelle, même sous une forme virulente. /.. islamistes djihadistes, nostalgiques d’un âge d’or politique mythifié dont la quête acharnée n’a d’égal que l’inexistence saisissante. » Religions p. 81

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Republique ©evah5
Republique ©evah5

République/ On « lave », on « toilette »/ La trace est dans nos coeurs, elle y restera, on gardera en mémoire ces uns et ces autres venant chacun, ou en groupes, silencieux, respectueux, déposer leur pensée, leur mot, leur image, leur chant. Un « tous ensemble » sans revendication, un « tous ensemble » de sagesse, de présence éthique, pas un « je veux ci je veux ça j’ai droit ci ça » ; un « nous sommes là chaque-un », ni un slogan, ni un militantisme, une phrase, des phrases, des mots, chacun parle, dit au plus près de sa douleur et aussi de sa détermination, dit son silence. C’est cela aussi qui fait peuple. C’est surtout cela.

 

 

D’autres Nuits Debout..

république janvier16
#république janvier16 © evah5

D’autres nuits debout.

La nuit/ les bars les clubs les rues les jardins  les apprentis dans les boulanges dans les garages dans les halles les femmes de ménage traversant l’Ile de France les  infirmier(ère)s dans les couloirs les paysans dans les champs  les poètes les solitaires dans leur chambre insomniaques les rêveurs des quais de Paris et d’ailleurs  les baby- sitters les créateurs les peintres les fous les travailleurs de l’ombre  les soldats les policiers  les défoncés les thésards les étudiants des CAP des BTS les filles arpentant les jardins les dealers sans espoir les errants magnifiques perdus les amoureux dans les fourrés les voyageurs solitaires  et tant d’autres… Le peuple quoi ou ce qui en tient lieu. Il n’y a pas plus d’espoir/de désespoir et de vie à #République ou ailleurs. Pas plus d’intelligence ou de savoir ou de vérité..

#République. Les signes intimes et intenses et partagés des mausolées disparaissent, nos signes, nos solitudes silencieuses côte à côte. A la place, sur la place, une banderole dit « démocratie t’es où? ». Ouf on peut encore le dire!!!  Des nuits entières..

Si la mémoire ne peut sans cesse rester intacte, le souvenir doit rester vif de ce qui de façon quasi certaine resurgira. Comme un signal. Sont-ils si éveillés ceux qui veulent s’enchanter de se croire le peuple et la jeunesse sans partage? Sont ils si ouverts sur le Monde? Sinon de se prendre pour une élite Platonicienne pure? Sont-ils conscients de ce qui nous engage précisément comme démocrates, garants des libertés des égalités des fraternités des laïcités?

Que vivants et libres ils respirent, et qu’ils sachent que nous tous respirons  cet air souvent  nauséabond, mais aussi que nous portons en nous depuis longtemps l’amour de la démocratie, de la liberté, et du vivant. S’ils y  contribuent, c’est tant mieux.

Les ratages ne sont pas des échecs ou des désespérances. Les idéalismes utopiques sont  souvent, in fine, côté mort plutôt que côté vie. La vie est aussi un consentement, et la liberté un acquiescement.

*This is my contribute to the #nuitdebout

© evah5

être–et-ne pas être /#Charlie/ ensemble/différents

Peu après les massacres.. « Ils allaient mettre la clé sous la porte, ceux-là les ont ressuscités ». dit une kiosquière. « On n’a pas de travail pas d’argent on prend la kalach.; oui les jeunes st perdus » dit l’autre.. Chacun veut donner son sens, sa signification.

république #charlie janvier 2015
république #charlie janvier 2015

«Pourquoi?» dit une banderole à République, sous la statue. Pourquoi? Eux, ils ont dit « Allah ! » le nom de leur Dieu. Aussi : « Venger le prophète! » Inconcevable! Ensuite dans les pays arabes on réagit : « Je suis muslim et j’aime mon prophète. ». Mais personne ne les empêche de l’être, muslim, là où ils sont, si ça leur va. Ici en France laïque il n’y a pas l’interdit du blasphème, il y a la laïcité qui signifie aussi le respect des religions.

#Jesuischarlie, beaucoup se rangent sous ce hashtag ; pour d’autres c’est non, je ne suis pas Charlie, je ne veux pas me ranger là-dessous. Si on veut la liberté d’expression on doit respecter ça.

Ce #, symbole, signe, fanion de ralliement pour une marche en silence émouvant, alternant avec la Marseillaise. Déjà, dès le 7, les rassemblements sur la place Répu, silence triste, recueillement, mots qui surgissent, banderoles, chacun vient mettre son mot, son message, son dessin, son crayon. Le créateur de ce « slogan » (c’est ainsi qu’il le nomme) J. Roncin en donne sa version signifiante : « je suis libre »-« je n’ai pas peur », dès sa création sur twitter. Sous le choc, la nécessité se fait des corps rassemblés, pressés, cette foule compacte.. comme enfants, quand on se serre dans le lit, face à l’angoisse du cauchemar.

Seulement, ce Un est éphémère. Ce « rassemblés » a valeur de fiction trompeuse, trompeuse et nécessaire. Mais c’est beau et fort quand même quand ça parle de la République. Car c’est cela au fond le lien par en-dessous. Un semblant qui nous tient contre les obscurantismes. Ça, la République et son tryptique, à la « place » de Dieu, notre nouage collectif. (Avant on disait « nous », « nous sommes tous des.. juifs allemands », des ceci, des cela, on est passés du nous au je plutôt maintenant..). Et puis du Signifiant #charlie on est passé à l’objet a agalma, si précieux, la parole, le livre, le journal, la liberté, et aussi son envers, objet dérivé, monnayable, du commerce, destiné à quoi ? Une boîte, un placard, la poubelle ? Ainsi de la folie Charlie, les kiosques dévastés, il me le faut, je dois le voir, l’avoir cet objet.. que j’ai tant ignoré précédemment, mais qu’importe. Bientôt je l’oublierai, peut-être, un autre surgira.

Dans son for intérieur, pour chacun avec sa vérité singulière, qu’est-ce qui mobilise, qu’est ce qui pousse à être là, quelle jouissance, quel désir, quelle morale, quelle haine enfouie éventuellement ? Car sans doute pour certains, ne soyons pas naïf, il devait bien y avoir tout de même –un peu- d’amalgame dans les fantasmes au fond, dans des mobilisations de Jouissance guère avouable (tout de même ces musulmans, ces.. arabes..) Et puis reviennent à flots, comme un automatisme, les discours essentialistes, les vieux réflexes de confondre musulmans et banlieues, même si bien d’autres français de religion musulmane ne sont pas dans les ghettos et que « la communauté musulmane en tant que telle n’existe pas » (Olivier Roy). En tout cas pas plus ou moins que toute autre, ici, dans notre pays.

Je ne lisais plus Charlie depuis pas mal de temps. J’avais cessé. Bien sûr je savais qu’il était là, qu’ils étaient là dans notre monde, je jetais un coup d’œil sur les Unes en passant, mais l’envie m’avait quittée.. Je ne sais depuis quand (avant le clash Val/Siné déjà, même si cela n’a pas aidé). Parfois, pour le train, mais tant d’autres livres à lire. Sans doute cette outrance parfois m’insupportait ou plutôt ne me disait rien, les textes non plus. Dernièrement je ne sais, je ne peux dire.. Cela n’empêche pas de les pleurer, de pleurer tous les morts de ce terrible massacre. De vouloir que l’ironie et la moquerie et le persiflage puissent avoir libre court dans les limites de la loi. (Trop de lois peut-être d’ailleurs qui empêchent la parole, l’insulte ? Non ?). C’est là un premier hic, car il faut interpréter la loi, et de préférence à géométrie pas trop variable. Car il y a une certaine sensibilité chez les musulmans, quant au « deux poids-deux mesures ». On peut le penser comme parano ou pas, mais cela est bien réel et bien ancré. Je n’oublierai pas la tête de mon kiosquier le jour des caricatures : accablé, désemparé, comme si l’atteinte avait été physique.. Lui un homme éclairé, éveillé, imaginons bien d’autres..

Je suis.., un Signe, unité Symbolique un instant, comme un seul Homme, et.. « le sang impur des « féroces soldats » qui viennent égorger nos fils nos compagnes ». Je suis ceci, je suis cela, registre des identifications, comme appartenant à un ensemble ou s’en différenciant, comme Un ou comme tous, en tout cas toujours dans le registre des semblants, et soumis à une incomplétude fondamentale de l’être, ou comme dit la psychanalyse au manque-à- être. Aucune identité ne me définit tout. Peut-être est-ce une différence avec le « sujet » de la religion, déjà et toujours identifié, identifiable avec son Dieu? Comme un Tout.

Etre-ne pas être, qui suis-je, où puis-je me ranger, avec qui, contre qui? Qui me reconnaît comme enfant de sa patrie, et qui pourtant m’exclue dans ses discours et me discrimine ? A foison, les questions fusent, les reproches, les certitudes voire les convictions ; quand elles se disent, c’est déjà mieux, mieux que le silence et la fausse quiétude qui dissimulent la détermination criminelle à venir.. (Mais comment pouvaient-ils tenir ainsi, déterminés à tuer, et en apparence si conformes, si bons voisins, sinon convaincus par une telle « foi », une sorte d’envoûtement? (selon les témoignages de Dounia Bouzar : tentatives de déstabilisation, d’isolement, de déconsidération des proches des familles.. surfer sur les crises existentielles des adolescents. « Ma famille est pourrie » me dit une adolescente..)

Détermination des désespérés, construite sur un sentiment d’abandon de l’autre (Les deux frères « retournés » en venant dans la ville, et passage par la prison) ? Je n’excuse rien n’est ce pas, je parle pour créer un peu de vérité et de sens. « Si à la sortie du foyer, on s’était occupé des Kouachi, cela ne serait peut-être pas arrivé », peut-être.. Quelle est la part de chacun dans son destin, dans la conduite de son destin, dans des rencontres qui sont des mauvaises rencontres…Il faudrait faire la genèse d’une conversion, et puis.. d’un crime. Sa causalité inconsciente. Comment se noue pour eux intimement le destin : par exemple, l’ironie de se faire abattre dans une imprimerie ? Calcul, stratégie, message ? Et puis abattre une policière, intention, vengeance d’un ami abattu lors d’un vol ? Ces « coïncidences » sont glaçantes.

La parole des imams, sans aucun doute, doit changer, leur formation, leurs prêches. Déjà cela bouge ; certes, pour certains, c’est sciemment qu’ils endoctrinent, convaincus eux aussi, mais pour d’autres, c’est faute de pouvoir oser se démarquer.. Il leur faut faire preuve de courage et de clairvoyance, mais quelle est leur marge de manœuvre ? Comment s’opposer aux positions idéologiques, aux enjeux autant politiques que religieux ? On dit qu’il faut construire l’Islam de France, certains évoquent l’idée d’un clergé. Eclairer sur les malentendus, les mésinterprétations volontaires (djihad, charia, prophète..). Les imams doivent expliquer, mais il n’y a pas une seule parole, pas une seule ligne ; inventer un islam français ? « La théologie n’incombe qu’au croyant. Le blasphème aussi », « Dans ces caricatures, je ne voyais pas d’insulte. La liberté en général, c’est ce qu’il y a de plus cher », « Chercher le martyre à travers le crime c’est une aberration théologique » des paroles sont celles de Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux. ici et ici.

Nous ne sommes pas exclus de la crise de mutation profonde de l’Islam, ses extrémismes rivalitaires, salafistes, djihadistes, ses tactiques (ennemi proche, ennemi lointain), ses lectures et ses interprétations multiples, ses orientations plus religieuses ou politiques, le chisme chiite-sunnite. Ce qui, peut-être, à contre-courant d’un obscurantisme à l’oeuvre (on le voit ces jours-ci), se lève dans tous ces états au pouvoir fort, où la religion n’est pas séparée du pouvoir, redouble ainsi la crise par un conflit entre aspiration à la démocratie (printemps arabes), et pouvoir fort de la religion. (Contre ce mouvement djihadiste politique, ne pas perdre de vue que pour les « djihadistes » les musulmans sont aussi des mécréants, et les premières victimes). Tout cela qui s’agite partout nous traverse du coup aussi, pour le meilleur et pour le pire. On ne peut être à l’abri des effets de cette crise généralisée. Espérons que l’islam d’éveil, dans sa richesse (soufisme etc..) viendra à bout des monstres. (Sophie Makariou l’Obs). Espérons qu’ici même les musulmans, par ce choc, oseront plus sortir du bois, et affirmer à la fois leur appartenance religieuse et leur appartenance citoyenne, leur fierté d’être à la fois les deux, et diront que cela n’est pas incompatible. Qu’ils sauront faire exister auprès des jeunes notamment cet Islam ouvert et cultivé, là où grandit hélas un Islam appauvri, étiolé, obscurci. Comme dans ce hadith « L’ encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr » (hadith prophétique de Mohammed rapporté par Nu’man ibn Bashir, et ‘Imran ibn Hussayn). Enseigner les jeunes, mais encore faut-il soi-même être éveillé..

République #jesuischarlie 14 janvier 2015
République #jesuischarlie 14 janvier 2015

Alors réjouissons-nous de ceci par exemple : Le manifeste des 5oo noms arabes essentiellement « je suis musulman et je suis Charlie » – « nous ne cèderons pas à la peur ». Des intellectuels musulmans s’unissent contre la terreur. (Dominique Eddé). « Nous sommes Charlie » s’inscrit sur la façade de l’IMA en français et en arabe.

Quant à la politique étrangère française, elle se doit de tenir ferme dans ses décisions, ses choix, sans se mettre sous influence. Tache ardue. Complexité géopolitique, forces destructrices apparemment ennemies, et au fond très complices. Alliés objectifs. Oui bien sûr nous sommes en guerre, la France est en guerre, au Mali, en Irak, en guerre contre DAECH, contre une force criminelle. Elle s’est engagée là et à ce titre elle est très ciblée. Mais attention au choix sémantique, tout mésusage langagier a bien plus qu’on ne le pense un effet en retour, qui peut ici en France être contre- productif. Ainsi devons-nous différencier guerre et lutte contre le terrorisme, faire attention à l’idée de l’ « ennemi intérieur » et à sa localisation exclusive dans les banlieues, qui stigmatise et exclue encore davantage (Attention M. le Premier Ministre à vos « envolées » tellement convaincues.. l’indignation et le diktat ne suffisent pas à soigner les maux profonds de notre France). Et puis, cruelle ironie de voir à Gaza ces manifestants nous menacer de mort, Gaza, Palestine pour laquelle, pour la première fois depuis longtemps, un gouvernement et un Président français ont osé une parole et une position si justes.

Les enfants, les adolescents. Le complot. Ils disent ça certains, on nous la fera pas, c’est un complot, de toute façon on nous exclue. Ils ne comprennent pas, ne veulent rien savoir, baissent les yeux, sont construits comme ça, avec ça, l’idée des injustices du monde, et que (comme dans toutes les religions) une solution, un nouage de paix intime se fait avec et grâce à Dieu comme un sinthôme (Lacan). Ils ne séparent pas, ou difficilement, ces actes impies de leur religion (actes pris dans une logique au fond débile, au sens clinique du terme, si elle ne poussait pas à passer à l’acte, s’ils ne rencontraient pas là les « pousse-à-tuer »), mais aussi de leur rage. Ils sont dans le jeu vidéo, l’armature Symbolique a pas mal pété ; juste Allah sert de poinçon, et l’Imaginaire déferle. La vérité est sur la toile, souvent hélas logée dans des sites et des vidéos fort malveillantes. Il faut bien avoir en tête l’excitation que procure l’idée et la représentation des conspirations, comme un jeu stratégique dans sa logique parano, avec ses traîtres, ses messages cachés, ses espions, ses agents retournés ; se méfier de tout, de tous, plutôt que penser et réfléchir, une défense contre la pensée. L' »autre scène » freudienne n’est plus vraiment « autre », le nouage est défaillant. La pulsion en lieu de savoir, le commandement de tuer pour combler le trou de l’énigme humaine. C’est un peu la guerre leur « survie », ceux-là, à qui se joignent les enfants des plus beaux quartiers, eux aussi en panne de cause, en épreuve du vide, en quête d’humanisme, de virilité ou d’adoration sacrificielle hystérique ; s’en remettre à l’autre, s’en remettre à un dieu jusque dans l’aveuglement des discours délirants et des actes sanguinaires. Ne pas vouloir savoir ça, où ça mène, où ça va, plutôt que rester là les mains vides et le cœur sec à ne pas palpiter.. Des jeunes filles que je reçois affichent pour la première fois le foulard, la robe de prière.. Nécessité identitaire (ponctuelle ? à plus long terme ?). Ces ghettos tout de même ça n’en finit pas.. Les classes moyennes qui défilent pensent-elles au choix qu’elles font si souvent d’éloigner leurs enfants des classes de quartier par exemple ? Car le rassemblement n’exonère pas de repenser son rapport au monde et aux autres.. ni d’interroger nos responsabilités, un par un. Et puis la propagande, les infos en boucle ne nous la servent-elles pas dans une moindre mesure à l’échelle nationale ? A tout un chacun qui peut en faire sa vérité sans mesure ?

Un éducateur « qui travaille dans un collège au pied de la cité » (Marseille) : « ces gamins sont dans un autre monde. Je ne vois pas où a commencé leur mal-être, mais je ne sais plus comment leur parler. Et je me demande qui pourrait le faire. » Lemonde 17 janvier

Espérons que tous ces enfants ne soient pas déjà perdus (Dans une moindre mesure comme ceux de Gaza, de Syrie, et d’ailleurs..). Etre exclu/s’exclure, dans quel sens ça marche, quoi d’abord ? Dans les deux sens. Une alliance objective, entre une défaillance sociale, idéologique, politique de la République, et une montée en puissance de l’appartenance religieuse, de la suprématie de la loi divine sur la loi républicaine de la Nation. Cela semble une constante : la loi religieuse se substituerait à l’être-citoyen ; l’identité serait épinglée par le rapport à Dieu comme principe. Cela vaut autant pour les trois religions ; on l’a vu avec Civitas & co, on l’a entendu dans la bouche d’un ancien président (le prêtre au-dessus de l’instituteur) ; on le remarque dans cette annonce publique faite en terre de France par le premier ministre israélien aux familles des victimes juives : « votre foyer c’est Israel »… Ce ne serait donc pas la terre de France ? Il y a une terre sacrée ? (Ce que l’on reproche tant aux musulmans français, cette double appartenance, pourtant). Merci à cette belle prise de parole : »La France est mon pays.. » (Coralie Miller libé 20 janvier). Et n’oublions pas : « En de nombreux cas un français, né musulman, refuse l’assignation identitaire, veut être un citoyen comme un autre. » (Dominique Eddé. Le monde 21 janvier 2015).

Laïcité, posture des politiques, cadre vide ou réelle armature collective ? Alors il faut écouter, parler, punir mais aussi ne pas punir. Est-ce surtout cela qu’il y a dire M. le Premier Ministre : « il n’est pas acceptable que des gamins. etc..», Table ronde à Libération; est-ce le plus opportun ? Le plus productif ? Ne vaudrait-il pas mieux annoncer sa détermination à faire que tous les enfants de la République aient leur place, chercher l’apaisement ? (Pas plus « utile » et opportun le concept d' »apartheid » ; si M. le Premier Ministre, les mots, choisis, ça compte)..

La minute de silence ? Humm..Leur dire République, faire société, prendre langue. Difficile face au refus, à l’évitement, à la fuite. Les propagandes en boucle, discours de haine.. (Je reçois des jeunes, certains sont tentés par là, je ne crois pas que ce soit la minute de silence qui aide, bien au contraire, laissons les un peu crier leur rage.). Eux/elles, perméables à des discours destructeurs ambiants, en chaine épidémique. Ça ne résonne pas pour tous heureusement. Les aider à se déprendre. A mettre sur la table leurs questions identitaires, à les aider à ne pas dénier leur part d’humanité, leur faire savoir qu’il y a d’autres voies pour être un héros. Ainsi du témoignage de Mourad Benchelali (parti en Irak puis revenu de Guantanamo et de la prison française) : on peut être radicalisé et ne pas le montrer (ça fait peur), comment décider, les mettre face à leur responsabilité les jeunes ? On peut se radicaliser dans sa maison…

Enfin, faut-il encore une fois seriner la nécessité absolue de remettre en circulation associations, éducateurs, psys, lieux d’accueil, de rencontre, avec tous ceux qui veulent (policiers, juristes, historiens des religions, vidéastes, artistes, imams- prêtres-rabbins « éclairés » etc..) pour que la jeunesse de France puisse trouver où échanger in « real life ». Car un corps ça existe, ce n’est pas qu’une image, une vie c’est ici, ce n’est pas forcément le paradis, l’au-delà.., un humain, ça parle, ça échange, ça contrarie, mais ça ne tue pas, ou alors c’est halluciné. La langue, l’usage des mots, la richesse du savoir, inventer, « trouver des phrases qui donnent à réfléchir » (Barbara Cassin), faire jouir la langue, le verbe, leur faire aimer la langue. Leur faire tenir le crayon qui trace la trace de la vie, avec lequel ils se découvrent.

Ils ont aussi raison dans les écoles de dire que la tâche n’est pas que la leur. Leur difficulté aussi. Comment faire ? Comment dire ? D’abord faut-il être un peu soi-même au clair avec tout cela, pas simple, sans manichéisme. Expliquer les lois de la République et qu’ici en France il n’y en a pas d’autres, au-dessus ; expliquer les différences entre offense et préjudice, opinion, délit, liberté d’expression et idées qui choquent à différencier d’incitation à la haine, liberté/sécurité, et tout cela qui sont nos lois communes, et qui nous contraignent tous. Car la liberté d’expression n’est pas absolue, elle trouve ses limites dans le droit, la justice, mais aussi la morale, l’éthique pour chacun. Donc il faudrait qu’essaiment tous ces essaims de mots, de savoir, de corps, d’autres, pour faire barrage aux vérités totalitaires et obscurantistes. Dire l’histoire aussi, leur dire l’histoire, la leur, et celle de l’humanité.. Le sentiment d’abandon est une terre fertile pour tout ensorceleur assassin.

Pour le moins essayons d’élever au mieux nos enfants dans plus de justice et d’égalité ; essayons que les religions ne soient pas sans cesse sur le devant de la scène, dressées, inondant le champ public , mais à leur place. Qu’elles restent dans l’espace intime, dans leur « foyer », qu’elles puissent bien évidemment participer aux réflexions, au lien social, à la culture partagée, mais que leur champ cultuel soit circonscris. Surtout, que les politiques n’en rajoutent pas dans leurs messages, discours, et actes, à laisser penser au statut préférentiel de l’une ou l’autre. Que les politiques fassent exister l’espace commun de notre communauté commune, de nos lois communes, soient acteurs de la clarté et de la différenciation des instances, des lieux, des registres. Ne pas se faire surtout le porte-voix d’une « communauté » (j’en ai marre de ce mot !) Et puis que nos media voraces et trop souvent déchaînés veuillent bien se pencher un peu sérieusement sur leurs comportements et les conséquences parfois peu citoyennes qui en découlent : dérèglement médiatique, outrances voyeuses, dangereuses, attention au glissement Foxnews à la française ! Il a fallu les rappels à l’ordre (Intérieur GIGN CSA) ! Mais je reste sceptique, ça repart de plus belle, qu’importe, ils pensent qu’ils ont tout bon ..ça repart.. Le dialogue des deux frères avec BFMTV tourne en boucle sur les sites islamistes nous apprend Gilles Keppel, par exemple.

Le choc des massacres est toujours là présent, il faut le temps pour comprendre (mais y a-t-il à comprendre?). L’Histoire a-t-elle jamais une fin, une sorte de conclusion, sinon dans les cataclysmes, les déluges, ou autres paradis éternels (et encore!)? L’Idéal doit être à laisser à sa place d’idéal. Le gap entre idéal et réalité est toujours opératoire, il est constituant pour le désir, sauf quand la réalité prend visage de haine/exclusion, qu’elle annihile l’idéal, qu’elle crée le sentiment d’abandon, même si c’est dans une dimension aussi fantasmatique et victimaire. Si cela pouvait réveiller un peu plus « nos » politiques all over the world, et les religieux de partout, et nous tous.. Que d’incohérences dans les mots et les actes, que d’écart entre les mots et les actes : le durcissement récent qui enverrait quelques jeunes en prison pour quelques mots provocateurs, (et aussi des malades psychiques), le discours du PM tant applaudi dont pourtant la tonalité n’est presque que sécuritaire, surveillance.. On attend plus de perspectives éducatives sociales culturelles soignantes aussi.

Le Président français semble avoir pris la dimension souterraine des enjeux discriminatoires. le Président se réveille, ose, dit des paroles justes et mesurées (IMA) s’adressant « aux peuples arabes grands pays amis » et posant les limites : « les règles principes et valeurs de la RF dont une est non négociable : liberté et démocratie ». Il rassemble avec ses mots et sa parole, plutôt que déclencher encore ce qui à chaque instant comme mot malheureux viendrait viser une inscription paranoïaque. Prenons garde à remettre de « l’ordre juste »..La déferlante islamiste et tous les intégrismes doivent être combattus partout, par tous et chacun. Le refoulé coupable de notre histoire commune, la nostalgie inconsciente, Vichy, guerre d’Algérie, colonies, séparation église/état, pointe son nez en chacun de nous dans ses différences, ses exclusions, ses haines, ses deuils non faits, ses divorces (sur lesquels surfent quelques irresponsables), agite encore les vieux fantômes ; il y aurait aussi ici ceux qui n’auraient pas à y être…il y aurait aussi ici ceux qu’il faudrait éliminer, renvoyer pour garder notre vieille terre française catholique blanche. C’est toujours là, à l’oeuvre hélas, ces haines enfouies, recuites !!

Une autre horreur pourrait surgir, surgira bien sûr. Nous sommes dans ce temps là.. mondial.. C’est ainsi.. Vers où ? Vaincront les pulsions de vie. Déjà, de partout, les voix de vie s’élèvent.

republique 10 janvier2015
republique 10 janvier2015

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Je vous renvoie à d’autres billets ici même.

Brouhaha Un « enfant perdu », criminel.. Cette jeunesse, notre symptôme et d’autres.

Je vous renvoie aussi au dernier billet tristement anticipateur, C’était un temps.. Sans être en rien Cassandre, je comprends mieux la phrase dans ma tête depuis un certain temps. Annonciateur de ce discours de haine et de fausse analyse distillé par des « penseurs » « écrivains » « pamphlétaires » « journalistes », et leurs mots perçants :. Identité malheureuse, souche, suicide, soumission.. Tous ceux qui mettent leur intelligence rusée, leur savoir, et leur art, et leur névrose, au service d’un discours empoisonné et rance.. (Ce n’est que mon sentiment..)

© evah5

C’était un temps déraisonnable..

« On prenait les loups pour des chiens.. »

 C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d’épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Louis Aragon, Le Roman inachevé

* « C’était un temps déraisonnable on avait mis les morts à table .. On prenait les loups pour des chiens ».. chantait Ferré honorant Aragon. Cette petite phrase court en moi depuis des semaines, ce signifiant s’en va tout seul comme une rengaine. Ça résonne sans que je puisse l’arrêter. Pourtant je ne suis pas plus pessimiste que de raison (ni aveuglément optimiste non plus d’ailleurs). Ni dans le regret ou la nostalgie d’un temps révolu idéalisé en âge d’or, ne supportant pas la perte d’un avant, comme souvent la mélancolie, à son acmé, dans son deuil impossible, installe du délire comme seule parade.

Pourtant le Réel, alentour, jour après jour résonne de sa haine et de sa bêtise cruelle, les discours discriminants tiennent l’affiche en boucle, ceux-là qui aisément déclenchent beaucoup les esprits confus.

Ce ne sont pas forcément d’ailleurs esprits « simples », ce peut être esprits « bien » formés, éduqués, instruits, cultivés, maniant le concept et la philosophie, la rime et la syntaxe ardemment. C’est souvent là que l’on trouve foisonnement délirant. Car un endroit a toujours son envers, la théorie a toujours sa part de délire, elle la nécessite, la vérité a valeur de fiction, elle est sœur de Jouissance (Lacan) ; cela n’est pas à déplorer, le monde des idées doit rester vivant, extrême, outrancier. Pas plus, l’art devrait-il être normé, normal, répréhensible, sa subversivité (quand c’est le cas) n’est pas en cause. Pour qu’advienne un peu de vérité, il est nécessaire de forcer la raison. Simplement, ces temps-ci, les « chiens » sont vraiment lâchés : le « théoricien » a trouvé son partenaire, le media, le faux-prophète a trouvé son système de vente et de publicité, a table ouverte dans les media, le poète-écrivain idem. La représentation subjective du monde d’un seul, toujours partielle, se veut totalisante, totalitaire, elle surfe sur les passions obscures, car elle-même en son sein abrite ses passions obscures, elle veut de sa vérité faire universel. Certains croient à leur dire, croient dur comme fer leur annonce cataclysmique, d’autres en jouent, s’en servent en politicien(n)e, quoi qu’ils en disent. Quant aux politicien(e)s ils n’ont plus qu’à se baisser pour ramasser, les « grands » esprits leurs sont caution. Partenaires contre nature ? Un trio inédit entre des media aux mains de financiers, des penseurs-créateurs soumis plus que de raison à leurs agités inconscients, des politiques qui guettent, avides. Les alliances objectives des « contraires », les véhémences langagières, les irresponsabilités des dirigeants (Europe) font le reste.. Les Daech, les intégrismes de tous horizons, les obscurantismes à petite ou haute dose, les intouchables colonisateurs soutenus par nos grands intellectuels rajoutent à la sauce.. L’exaspération et les contrariétés quotidiennes alimentées par ces rengaines en boucle produisent ce ressentiment bilieux, haineux, égotiste.

L’un dit, sans même en sourire, « je ne suis que le reflet de la réalité », et exige que les autres soient des mêmes, prône l’assimilation parfaite, (soit : manger l’autre, avec le risque d’en être empoisonné, oui l’autre ça (m)empoisonne), un autre dans sa foulée, peu discrètement, voit dans le dernier livre de l’écrivain-génie la fin de la civilisation, idée qu’il ne désapprouve pas ; le journaliste ce soir-là non plus ne désapprouve pas, prend un air entendu, le fantasme du grand remplacement, de l’invasion par l’autre, les barbares, est à l’œuvre, viendrait vite tout recouvrir, s’universaliser. D’ailleurs si le philosophe est en désaccord avec le pamphlétaire sur beaucoup de ses thèmes (on en saura plus puisqu’il va le recevoir « chez lui » à FC), pas un mot sur la vision délirante de l’invasion musulmane (Remember « le communiste avec le couteau entre les dents » j’ai connu ça enfant au village)…*Notez bien d’ailleurs la curiosité des équivalences : l’un  agite la peur de l’islam invasif, porte accusation féroce contre les Femmes et le féminisme, les femmes libérées quoi. L’autre invente la prise du pouvoir par un parti de l’Islam, et évoque la mise en scène de polygamies bienheureuses où l’Homme jouit enfin en paix. Chacun est à sa place, le Père Jouisseur et les esclaves.. et la nostalgie des femmes asservies. (Plus drôle encore leur acoquinement idéologique avec une certaine femme politique qui elle s’entoure, dit-on, d’hommes homosexuels.. No comment.)

Si l’on ne retient pas ce sens si peu caché d’un texte subjectif qui interroge sur le sexuel, on perd une bonne part de la problématique à l’oeuvre chez ces Messieurs. La question éminemment subjective et inconsciente de leur être sexuel et de leur rencontre avec l’Autre sexe, et la représentation de cet Islam menaçant, (mais aussi apaisant, enfin! un Ordre !), comme ce qui viendrait suppléer au sens manquant, à ce qui fait trou, à l’énigme inépuisable de l’être et du manque-à-être. (ou plus simplement a minima une forte angoisse de castration).

Et puis il y a aussi des gens simples, mais désarrimés, désarçonnés par l’infini du monde, leur déracinement géographique, leur déclassement professionnel, leur éviction forcée du monde social, le « tout va trop vite », le «  trop de guerres partout » le « l’autre a plus que moi », l’injustice, (récurrent central efficace toujours, graine de l’envie et de la haine) les ritournelles télévisuelles ad nauseum auxquelles viennent répondre en écho des « Allah Akhbar » réels ou imaginaires ; des jeunes djihadistes allumés, phénomène peut-être un peu beaucoup monté en épingle (même si la question est sérieuse).. des esprits simples, confus aussi, leurrés par de faux prophètes et aussi par une politique internationale trop fragile, trop peu déterminée, trop peu audacieuse.. alors ils arrivent qu’ils passent à l’acte, quand un désarrimage symbolique se fait. Rien ne les excuse, juste ils ont de solides partenaires…

La fin de LA civilisation, il dit, vous vous rendez compte ? Pas moins, rien que ça ! LA étant l’absolue, la NÔTRE, celle dans laquelle l’autre devrait venir s’insérer, s’inscrire, laisser sa peau à la porte (même le choix des prénoms est suspect !!), disparaître. La fin de la civilisation résonne pour moi, ça -cette idée bancale et folle-, comme l’entrée dans le monde crépusculaire de l’asile. La Création réactionnaire comme représentation crépusculaire du monde, qui vaut pour un dans sa Jouissance d’être, deviendrait vérité universelle, annonce politique, prophétie ! Ciel !

* Le délire vient toujours s’accrocher, s’épingler sur des signifiants-maître, sur ce qui fait saillie dans le Réel, au joint du réel et du Symbolique, causant un gonflement Imaginaire ; il s’élabore dans l’actualité du temps et du discours, dans ce qui est le plus visé en bien ou en mal qu’importe (délires mystiques, politiques, terroristes, attirances pour violence, crime, ou à l’inverse délire bienfaiteur universel, ordalie..) pourvu que ce soit proéminent et que l’on puisse y accrocher sa parole, son être comme porte-manteau, métaphore délirante. Des signifiants comme des spots, des slogans, en écho, redondants, ritournelles. Ce sont des théories folles et délirantes qui entraînent des esprits simples vers le délire aussi et le passage à l’acte. Pour des esprits agiles, la production intellectuelle si vantée et admirée comme celle d’un « essayiste » est aussi bien remarquable dans son exaspération Imaginaire. Ou bien, il y a un glissement de sens tel que toute théorie religieuse devient délirante, ce qui n’est pas faux au sens où le délire peut être création voire créationniste (ce qui est aussi pour une part le lot de toute religion). Freud a montré la bonne part du délire comme pacificateur voire civilisateur, mais aussi la phase du délire non pacifié, source et cause extrême de ce qui ne va pas, de ce qui ne peut se raccorder, faire compromis. Ce qui resurgit dans le réel, gonflement Imaginaire, paranoïa, déchaînement psychotique fore-clos. Ce qui capitonne, ou bien à un moment donné ce qui ne tient plus, le symptôme comme barrage à la Jouissance ou cause de la Jouissance. Tout intégrisme, dans sa lecture extrême d’un texte sacré, d’une théorie, dans son interprétation totalitaire, quand il appelle implicitement ou explicitement au meurtre et à la haine, sert de terreau aux dérèglements. La peur ancestrale et archaïque infantile, cette peur Imaginaire fantasmatique, crée les représentations des hordes de musulmans qui vont venir nous envahir, alors bien sûr il devient logique de désirer les renvoyer dans des bateaux et des avions. Le raisonnement marche aussi dans l’autre sens : désirer le rejet des autres, donc être certain qu’ils vont venir. Prophétie auto réalisatrice dit-on souvent, mécanisme de la paranoïa.. (après « le suicide » ça y est « la soumission » c’est parti ça marche ; c’est peut-être ça la seule clé d’ailleurs choisir ce thème parce que ça va marcher… )

Le thème de l’invasion, de l’empoisonnement, est un des thèmes majeurs de la persécution paranoïaque psychotique. Esprits dérangés dit-on, jeunes égarés, enfants perdus…la médiatisation à outrance de tout cela n’aide pas dans cette période trouble. C’est une fausse idée de penser que tout doit toujours être dit. La Jouissance, on n’en est pas maître, on ne peut en calculer les effets. L’acte civilisateur c’est aussi  dire stop ! Belle initiative à cet égard que le discours du Président pour inaugurer (enfin !) le Musée de l’Immigration. (Mais qui en a vraiment parlé ?). Cela, ce n’est pas assez vendeur, pas assez fascinant, pas assez « glauque » ; car le névrosé est fasciné par la folie, envieux de cela qu’il pense tellement Jouissif.

*C’est là où la démocratie est à la peine. Que peut le politique ? Tout est dans tout et inversement, les frontières Réel-Symbolique-Imaginaire sont poreuses en permanence, et entretenues ainsi par tous les gigolos de la démagogie et du pouvoir, comme enjeu narcissique stricto sensu. Dérèglement de tous les sens, disait Rimbaud. Là où le poète s’autorise dans sa singularité, le dérèglement de notre communauté est quasi général. Les causes, (zadistes, black block..) qui souvent sont justes, sont mise au service d’agitations souvent infondées (on se croirait presque avant 68, et les agit’ contre l’ordre établi, sauf que là de l’ordre autoritaire, il y en avait vraiment beaucoup, à ce jour il n’y en a plus guère..). Ceux qui, au pouvoir, essaient de tenir la barre, le font hélas trop souvent en ordre désordonné et coups de menton inutiles, en déclarations à la hâte succédant à déclarations trop tardives (pourquoi tout de suite épingler de terroriste un acte sans doute désespéré ?) Le pouvoir se coltine un réel sans loi, fou. Le verbe marche tout seul, l’apparole jouissante (Lacan) se déchaîne sans fin, les marchands du temple médiatique en font leurs choux gras et quelques écervelés sans âme (dans une ville de France aujourd’hui on refuse une sépulture à un tout petit bébé rom…) explosent leur ignorance.

 Qui lui jettera la pierre, au « politique », de n’en pouvoir mais que les symboliques Nation/République, que l’ordre des Institutions, tiennent si mal le coup dans ce maëlstrom mondial ? Pourquoi demanderait-on encore un maître, voire un Père, que l’on dégomme à chaque coup, pourquoi, comment, incarner un stop à la Jouissance, qui trouve ses alliances dans les porte-voix, les caisses de résonance médiatiques ? Que chacun réfléchisse au(x) pire(s) qui pourrait venir qui n’est sans doute pas l’insurrection qui vient, même si celle-ci dans son aspect rêveur, utopiste, pourrait nous séduire tout autant. Que chacun pense bien, de sa place, dans son action quotidienne, de là où il est, où il opère, où il parle, chaque jour, dans la sphère publique, ou dans sa sphère privée, aux ravages possibles, sans retour. Beaucoup « jouent un jeu » dangereux tout en se proclamant dans le vrai, la « bonne » conscience, le pire, fascine toujours ; l’exaspération, le dénigrement continuel, la contrariété critique en boucle, rejet, déni, un état d’être furieusement mélancolique, humeur noire. Et au milieu le Bonimenteur le grimaçant avide, trace sa route, auprès de sa blonde.

*C’est tout de même aussi un idéal, des joies, des valeurs, des réussites, une démocratie. Un printemps après l’hiver.. Encore faut-il vouloir les relayer, lever la tête hors du marigot des soupçons nauséabonds. Cesser ce déferlement de critiques incessantes, déferlantes, des « petits » procureurs de partout, les plus « libertaires » n’étant pas les moins virulents! Attention à ne pas le générer ce pouvoir « fort » à venir ! A t on vraiment quitté l’ambiance vichyssoise ? Déjà NS fut élu sur l’éveil de sentiments d’envie, jalousie, discrimination, racisme, immigration; c’est bien reparti, et justifié d’ailleurs par des journalistes comme répondant à l’insécurité des français. Insatisfaction : ça ne va pas, c’est pas assez. Colères, exaspération, crispations rancœurs, aversion pour le politique, nostalgie, assomption identitaire. La RF en prend un coup de tous les bords. Veulent l’état protecteur, l’état providence, les bénéfices, mais pas les contraintes. Demandent qu’on leur donne des moyens, mais si c’est le cas, ne saisissent pas. Râlent. Encore. Donne-moi ce que tu n’as pas. Tout de suite. Eclatement des significations. Appauvrissement du sens de la vie : A France-Inter, Florence Aubenas raconte : »Dans un village où on a fermé la station service, « on a même plus le droit de consommer » dit un habitant » ..Terrible. Vouloir consommer de l’essence…

La crête du discours, la phrase, le S1 qui va faire mouche en boucle (on écoute pas les développements éclairant de Royal sur la Loi Transition Energétique, on ne retient que les autoroutes..). Intox. Ne pas dire ce qui marche. Amalgamer. Mais comment peut-on porter crédit à de telles sornettes ? Ça prend, ça fait mayonnaise, pas forcément sur la pauvreté, sinon morale et psychique. Entretenir l’insécurité affective mentale, assécher l’espoir, à quelles fins ? (marchandes ? armes? publicités ?) Tous ces penseurs sans courage, immobiles, méprisants, eux aussi dans leur certitude sans vision, sinon celle de leur conviction inébranlable, souvent figée dans une posture communautaire (quelle qu’elle soit). A rebours d’une avancée civilisatrice, quoi qu’ils en pensent et quel que soit le grand estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Tous ceux-là en portent une responsabilité.

Misère de la vertu disparue. De nos écrans en tout cas, car ailleurs loin des brouhaha médiatiques, c’est certain, des êtres œuvrent dans l’ombre, sans bruit, des médecins, des enseignants, des juristes, des soldats, des artistes, des ceci, des cela..

Sur le devant de la scène, que choisit on d’y mettre ? Qui choisit ? Vers où se précipite-t-on ? Qui peut le dire ? Sommes-nous dans « les années 30″ ou dans la propagande soviétique? Ou les deux à la fois après tout? Une nouvelle « dictature » qui viendrait.. sous forme de NS ou MLP. Qui n’aurait bien sûr pas la même forme, pas la même ossature caricaturale, mais.. dans la structure, au fond..

Que peut le politique ? Comment encore faire tenir ensemble ce qui nous rassemble comme communauté nationale, comme Nation, dans notre bien commun ? La cause commune, qui n’est en rien la cause de chacun pour lui-même, ce qui le cause dans son désir de sujet, même si faire lien, être ensemble, implique un nouage entre ces deux instances. Il n’y a pas ici maintenant de prophète, le politique n’est pas là pour exciter les peurs et les inquiétudes excluantes, le philosophe ne devrait sans doute pas nous faire prendre pour vérité les contorsions de sa propre confusion névrotique, obsédée par ses peurs anciennes, l’artiste œuvre d’abord pour lui-même, pour sa sublimation privée, ou alors s’il verse à l’obscurantisme réactionnel et réactionnaire, peut-on encore dire qu’il fait œuvre civilisatrice ?

*La parole politique quand elle est déterminée, franche, et qu’elle n’hésite pas à rappeler avec autorité l’éthique et les valeurs républicaines et humaines, à chaque fois que cela est nécessaire, quand elle fait œuvre civilisatrice, quand elle laisse à chacun sa liberté mais est garante de la liberté pour tous, sans doute peut-elle être là comme pare-feu à la haine qui monte. L’action publique, l’action politique, ne doit jamais se départir de sincérité, ni non plus d’audace. Elle ne doit s’en laisser compte par aucun conseiller de l’ombre qui roulerait pour sa chapelle ; elle devrait être irréprochable.

Vœu pieu, doux rêve ? Devant les épouvantails dressés, les récits d’horreur agités sans cesse, ne pas nier, ne pas reculer, ne pas céder. Se tenir debout et porter sa voix au plus près du Réel.

 

    Lorsque celui qui chemine dans l’obscurité chante, il nie son anxiété,  mais il n’en voit pas pour autant plus clair. Sigmund Freud

H : Il a l’air mélancolique F. : Non. …Pas du tout. Il rêve aux Iles Marquises

JLG Adieu au langage

Parce que cette douceur a été nécessaire pour enfanter la douleur  H : Une inquiétude douloureuse. F : Mais celle-ci n’aurait pu naître sans la douceur préalable.

    

« Moi, mon rôle c’est de dire : ne nous laissons pas emporter par ce climat, ne nous laissons pas dévorer par la peur, par l’angoisse. L’idée de la submersion, de l’invasion, de la soumission est une vieille idée. La France, elle a été parfois occupée, submergée, envahie, elle sait ce que c’est. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment on a été capable de résister, de nous dépasser? C’est ça, moi, qui m’intéresse. Qu’est-ce qu’il y a dans notre pays comme forces positives? Il y en a beaucoup, énormément! C’est sur les forces positives que je veux, moi, m’appuyer pour la France. »

– François Hollande (FInter 5 janvier 2015)

nota : ce billet a été écrit et publié la veille des terribles attentats…

© evah5

#DDAY70


Cérémonie internationale d'hommage aux victimes… par elysee

Brouhaha!

Un tel brouhaha. Comment entendre, comment s’entendre ? Le monde est en tumulte. Un déluge d’informations, souvent sans intérêt. Que peut-on fixer par les mots, écrire sans que déjà une « nouvelle » info arrive ? Peut-on prendre le temps ? On croirait un bourdonnement incessant souvent anxieux, plaintif, critique ou plutôt critiqueur, négatif avant même que rien n’arrive, n’ait fait ses preuves, malveillant souvent ; parfois émergent quelques actes, concepts, idées, perspectives, qui sont annoncés ou reçus comme satisfaisants, mais c’est bien rare. Parole vide/parole pleine disait Lacan. De lui aussi l’idée que nous sommes parlêtres, parlés par l’autre, et que la parole a aussi cette fonction de jouissance. Sur la crête de la vague de l’info-buzz, l’écume signifiante laisse une effluve peu emballante. La démocratie de l’opinion et son partenaire le maître argent, dans leur tyrannie, construisent à un rythme incessant une négativation malfaisante, rejetante, destructrice, sans que l’on n’y prenne toujours garde. (un exemple récemment : Ségolène et les décolletés…vendre.. vendre.. mais ce n’est pas elle qui fait tout ce buzz!! malveillance intentionnelle et méprise! « Osez-le-féminisme condamne la décence selon Ségolene Royal » nous informe Madame Figaro ; Osez le féminisme relayé par Madame Figaro, ça c’est top de chez top comme raccourcissement de la pensée et alliance objective!!

Le danger est partout, rien ne pourra marcher, tout est voué à l’échec, d’ores et déjà : réforme territoriale, pacte de responsabilité, chômage pas d’évolution, non-cumul trop tard, loi Duflot etc.. etc… Pourquoi toute tentative de réforme est-elle systématiquement vouée à l’échec en France ? Pourquoi aussi laisse-t-on passer sans les voir, en tout cas sans leur faire la place qui leur est due, les pionniers, et pionnières, les inventeurs, les visionnaires ?

Ce rétrécissement du jugement, constant, est causé  pour une part par la sur-médiatisation ; le gavage impose la perte de sens, le trop-plein devient du vide, vide de la raison laissant la place au pulsionnel immédiat. Mais ce gavage, cette info en boucle sans analyse (si rare, et presque toujours avec les mêmes intervenants) qui ne permet pas la coupure signifiante, le silence, le manque, où viendrait se loger le désir, n’est pas un hasard, il est pensé dans les agences de com. de sondages, de média (Souvenons-nous « le temps de cerveau disponible »). La précipitation à la fois du temps et du discours obligerait à n’avoir plus aucune autre opinion que celle donnée, désignée, imposée, par les « décideurs » de l’ombre. Nous sommes  dans le temps de la Jouissance : Tout pour frémir jouir râler mais de préférence dans l’insatisfaction, la plainte, le pas assez, le trop, humain bien sûr. Humain car sans aucun doute beaucoup de situations matérielles, financières, sociales, sont préoccupantes. Seulement l’humain équivaut maintenant à des chiffres, pourcentage ceci, taux cela, augmentation ceci, réduction cela. Un être de chiffre à la place d’un être de langage. Le bonheur comme un chiffre, quand aussi et pourtant il est de ce palpitement de la vie… simplement.

Tout de même on y met le paquet en France pour que ça rate. Il semble que jamais autant de monde, media,  politiques, n’aient été contre, n’aient joint leurs voix(es) pour dire que non, que ça ne va pas, que ça ne peut pas marcher. Les opposants et les media en boucle sont les alliés-bazooka, un miroir déformant qui sème la désespérance, source du rejet et de la ségrégation haineuse. D’autant plus que les patrons des media pour la plupart sont majoritairement hostiles à ce pouvoir, une vraie machine de guerre qui rappelle un peu la campagne de 2007. Un raz-de-marée de dénigrement permanent. Hélas avec des alliés objectifs à gauche…Sans doute une certaine croyance et vénération tenace de nos « mythes » fondateurs, la Révolution notamment, nous maintient-elle à la fois dans un mirage et une nostalgie. Le récit « révolutionnaire » sincère parfois, mais aussi propagandiste, peut faire écran à la profonde mutation du monde. Il ne faudrait pas que nos mythes soient une entrave, nous devons les loger à leur place, avec le respect de l’héritage, mais aussi avec la bonne distance.

La plainte, le dénigrement, le blabla en rond, le rien ne va,  c’est dans une cure un moment qu’il faut tenter de faire cesser, par une coupure, une interprétation ; de là,  ouvrir vers le désir de savoir et de faire vérité. Ça opère, bien souvent, sinon c’est la répétition mortifère qui reste à l’œuvre dans son travail de sape dépressive. Notre pays, je le crains, en est là d’une dépression plaintive, récurrente, et de son corollaire inévitable : une demande exigeante de réussite immédiate, pourtant impossible, que savent entretenir tous les bonimenteurs idéologues ; les oiseaux de malheur, les prédicteurs scientistes qui, un an, deux ans, trois ans à l’avance, voient déjà le déficit, la dette, le chômage, notre pensée, notre avis, nos désirs, notre…vie. Les nouveaux divinateurs maudits. La pensée prédictive dans ses ravages, et le formatage sondagier qui se repaît de fabriquer une Misère Mentale qu’il a beau jeu ensuite d’analyser, comme s’il n’en était pas le créateur. J’y vois là un glissement (irrémédiable ?) de notre démocratie. La France serait-elle ingouvernable ? Une « société bloquée » comme disait Michel Crozier  autour de 1968. Une grande difficulté à réformer. On a reproché une absence de cap, mais on a aussi dit ici et là «chiche ».

Et demain questionne l’enfant ? Et après ? L’anxieux aussi demande « et après » ; il n’ose plus sortir de chez lui, ne veut pas voir le voisin, a peur de qui arrive, demande demain, qu’on lui dise demain, ce qui va arriver, que ce soit certain, qu’on ne le trompe pas…Assurez-moi de ma vie, de l’avenir, dit le peuple dans une demande certes légitime, mais aussi, souvent extrême et infantile.. Que l’autre me satisfasse là tout de suite maintenant, ça ne va pas assez vite, ce n’est pas comme ça disent les experts de tous bords, je sais mieux que vous ce que vous devez faire.. (un exemple : chez Taddéi, vendredi 25 avril, beau débat, bel échange concernant les jeunes «djihadistes », cette question plus que complexe, apport précieux de Dounia Bouzar et d’autres.. et bien voilà, déjà les mesures de Cazeneuve ce n’est pas ça, ça ne sert à rien clament des intervenants forts de leur « savoir »). Ne bougeons pas, ne faisons rien, ou alors faisons comme MOI je veux, comme MOI je pense.. la « Je-cratie » disait Lacan « comme égalité à soi-même », sans autre.

Et bien oui, il y a les nouveaux bonimenteurs, qui savent déjà dire.. demain. Qui promettent : Donne-moi donne-moi plus pour jouir pour consommer pour avoir plus, là où le pouvoir impose pour l’heure un moins..

Car bien sûr les politiques doivent se plier aux calculs aux robots aux statistiques, etc.. aux marchés avides de profits criminels et déshumanisés. Ici un billet documenté sur le « trading de haute fréquence » donne le vertige.  Et bien sûr les/des politiques font ce qu’ils peuvent de  là où ils sont, coincés entre le marché spéculatif fou, l’engagement contraignant dans les traités, et le souci (dont je ne doute pas) qu’ils ont de la nation, et du bien-être des citoyens. Le compromis quoi. Là où comme dit Piketty : «Le capitalisme et les marchés devraient être les esclaves de la démocratie et pas le contraire » (Libé 26-27 avril). Devraient  mais..ne sont pas!

Sans doute nos gouvernants socialistes n’ont-ils pas joué de finesse et de détermination, voire de préparation (je l’ai déjà beaucoup dit). Sans doute de vraies réformes fiscale et bancaire, (Piketty, encore, ignoré) dès l’arrivée au pouvoir, auraient-elles permis d’envoyer un message apaisant pour plus d’égalité, sans transgresser les traités Europe. Sans aucun doute le Mariage pour Tous, nécessaire, aurait-il pu être envisagé autrement, avec plus de conviction et d’autorité venant du Président, sans doute, je le dis sans détour, a-t-il déclenché encore plus de peur, de haine, de rejet, révélant s’il en était besoin la gravité d’un fonds réactionnaire terrifiant et.. terrifié face au « progrès », sentiment humain par ailleurs. Cette agitation des peurs recuites et rances, (sexualité, genre, enfants, etc..) révélant une grande bouillasse d’ignorance. ( « dérives » infra).

Alors… faut-il que sur tous les bords autant de « non » s’élèvent ? A propos de tout, sans cesse ? Alors quand tous ces « non »  se lèvent, opposants, on souhaiterait bien aussi entendre des « oui ». On ne peut aller contre le Réel, on doit bien faire avec, en tout cas « du passé faisons table rase » est maintenant utopie mensongère. Car qui a pu croire que François Hollande allait tout seul se battre contre la finance mondiale, allait pouvoir se dédire des traités européens votés, allait pouvoir récupérer, créer ainsi des emplois sans que cela ne touche personne, allait pouvoir « forcer », imposer à des patrons qui pour une grande part souhaitent son échec, qu’ils consentent sans « cadeaux » ? Qu’il allait pouvoir éponger une dette augmentée de 700 MDS comme ça ? Peut-on vivre raisonnablement en continuant d’emprunter autant pour rembourser cette dette ? On peut constater en tout cas la solidité du « modèle français ».

Que veulent-ils ? Que veut-il ce « peuple » ? Ce peuple à qui sans cesse on dit qu’il souffre, qu’il va mal, qu’il est malheureux, qui bien sûr pâtit, mais qui pense surtout, chacun par chacun, qu’il est plus malheureux que l’autre, c’est toujours la même rengaine, je suppose à l’autre plus de jouissance, je t’envie, je te veux prendre ta jouissance, je te hais, (au fondement de tout rejet, de tout racisme, de toute exclusion, qui ne rend d’ailleurs pas plus heureux puisque ce vœu se double toujours d’une grande culpabilité..)
Bref. Que demande « le peuple », comment le satisfaire qu’est-ce d’abord que le peuple ? Ce mot, cette chose, dont tout le monde se gargarise, au nom de qui tant  prétendent parler ? (Taisant les mensonges, les inexactitudes, les leurres à la fois de leurs interprétations et de leurs propositions hors Réel). Est-on assez naïf pour penser que le Président et le gouvernement français sont libres de leurs décisions, leurs mouvements, leurs partenaires, libres de l’autre, tout-puissants à dézinguer la finance internationale. Qui peut faire croire que ce n’est pas une lutte de dizaines, voire centaines d’années, ces combats réellement engagés dans les démocraties contre terrorismes, blanchiments, finances, paradis fiscaux etc.. (sans doute pas assez annoncés martelés déterminés armés mais..) Qui veut faire croire qu’il est possible de gouverner la France sans tenir compte des contraintes européennes est un(e) bonimenteur (euse). On doit regarder la vérité en face mais aussi dire stop à l’ auto-flagellation et aux lamentations. Dire aussi ce qui marche et ce qui peut marcher : ah Royal dit qu’elle veut créer 100 000 emplois (Conférence de presse 25 avril) et … ricanements déjà !…

Dans ce brouhaha, cette confusion mêlée et emmêlée où prospèrent les faux prophètes et les marchands du Temple, dans la traversée d’une crise aussi bien mentale, psychique, que socio-économique, un choix s’impose, à un moment donné, il est forcé sans doute comme tout choix quand il engage le destin, et que le Réel cogne si violemment : ce peut–être celui du repli un certain mode du non/ ce peut être celui de l’ouverture, du pari, un certain mode du oui. Car il n’est d’autre choix. Et il s’agit de faire le bon.

Dire oui/dire non

Il est des situations où il est noble de dire non certes ; mais toutes les oppositions, toutes les résistances ne se valent pas. Se dresser contre, s’opposer est légitime, mais à quelles fins, pour quel but, vers quel avenir ? La résistance, si elle fut Acte dans l’histoire, est aussi un frein quand elle serait idéologique ; la résistance comme un déni, un refus de savoir, une entrave au risque de l’insu.
Oui/non, cette alternance signifiante ne prend sens que par rapport à un contexte historique, signifiant, moral. Ainsi ce Père toujours pensé comme l’interdicteur, celui qui dit non, est aussi celui qui dit oui ; cette fonction Président/Etat que l’on veut tellement paternelle (mais aussi maternelle comme celle qui pourvoit), qui devrait nous satisfaire, mais qui pour l’heure nous impose des privations, elle est celle contre qui pour l’heure on s’insurge de toutes parts. Ainsi, le sujet, l’infans, est d’abord pris dans une Bejahung primordiale disait Freud, un dire oui, puis, dès qu’il parle, il veut dire non, à tout, c’est bien, et puis il accepte, il consent, il aime, il dit oui, à sa vie, à l’autre, au monde. Un assentiment, un consentement. En chacun de nous, un dire non qui s’oppose, qui dit stop, mais aussi qui freine, empêche, alterne avec un dire oui béat naïf  voire lâche, mais aussi un tu peux Jouir, prends ton risque, consent en conscience. Rêver d’une révolution est un leurre, (l’heure n’est pas à la révolution), un rêve, comme sortir de l’euro est un leurre, comme ne pas régler sa dette est un leurre. On peut rêver mais gouverner n’est pas un rêve. On peut être en opposition mais contester tout sans cesse est une lourde responsabilité, un empêchement, un frein à ce qui est si difficile à construire (et à réparer des héritages budgétaires). Et si pour l’heure c’était dire oui qui était le moins conforme et le plus  « révolutionnaire » ?

Sur cette question-ci, bien sûr, comment ne pas penser là à ce cher Edwy Plenel et son « dire non »  déplié tout au long de son livre (le trait Paternel source s’y indique en clôture du livre). Bien sûr ce « non » là me touche, j’y adhère souvent, mais est-ce le temps politique du non, du non permanent au pouvoir, comme hélas Médiapart en fait maintenant style, Mediapart si précieux, qui n’échappe pas non plus aux commentaires de haine et de rejet ? Ce non ne doit-il pas être plutôt critique constructive ? Et puis ce moment si rare de rencontre avec Christiane Taubira, cet échange, où l’on entend à bas bruits la complicité, mais aussi le point de butée entre celui qui dit non, et celle qui est aux manettes. (lassée peut-être des difficultés du pouvoir mais..). Je vous invite vivement à regarder l’enregistrement de la Rencontre entre Christiane Taubira et Edwy Plenel organisée par l’Institut du Tout-Monde et Mediapart à la Maison de l’Amérique latine le lundi 31 mars 2014.

Je voudrais dire concernant aussi cette ode à la beauté, du début de la conférence, qu’elle est nourri d’un peu d’idéalisme, ou  de platonisme curieusement, car « Le beau n’est que le premier degré du terrible » comme nous dit Rilke bien justement.…(Elégies de Duino 1ère élégie).  C’est bien sûr une poétique de vouloir faire du politique avec du beau. Mais hélas c’est un mirage. Même les artistes ne font plus du «beau ». Peut-être d’ailleurs font-ils plus de la politique ou de la finance ou du commerce… Désenchantement du monde…Et puis comme le dit Edgar Morin, le même jour, le non est l’autre face d’un oui, « il ne suffit pas de dénoncer, mais énoncer » .

Donc..

Les gouvernants sont aux prises avec le mondialisme, la tâche n’est pas aisée; avec le Réel sauvage de la finance sans autre Loi qu’un profit avide et déchainé ; et avec le deal à faire sans cesse avec les autres. Que feriez-vous tous les beaux parleurs toujours contre? Que feriez-vous aux commandes ?

Si l’on prenait conscience des conséquences que tous ces « non » souvent n’enrichissent pas le destin collectif mais font inertie, si l’on se demandait sérieusement : est-ce le temps de l’autrement, ou de l’ensemble ? Et si l’on disait un peu plus « oui » collectivement, pour relever la Nation?  Et pour tracer notre chemin dans l’Europe et dans le Monde ?

Car le Monde lui est ouvert ; ouvert et en même temps traversé de murs. Il n’est pas temps des barbelés aux frontières des pays, et aux frontières de nos âmes (sur cette question des étrangers, ici en France, la politique actuelle continûment ségrégative, suscite à chaque coup mon « non » inquiet pour le coup). Les espaces et les temps s’ouvrent dans une grande confusion parfois, une crise forcément cela génère une mutation subjective, ébranlement de nos pensées, de nos marchés, de nos coutumes, de nos autres, de nos plaisirs. De nos économies. Nos références idéologiques elles aussi doivent s’ouvrir vers l’inconnu. L’étrange. L’Inédit. L’ Etranger.

dyptik

© evah5

Dérives/Ce vieux Fonds de (F)Rance

 La loi autorisant le « mariage pour tous » a été votée à l’Assemblée Nationale. Enfin ! A quel prix ! Que de dégâts, de remous ! Non pas qu’elle ne soit pas légitime, mais ce que tout cela a déclenché, a révélé, dans notre beau pays mérite que l’on s’y arrête. Mais après tout, cela aura fait réveil et rappelé la réalité d’un certain  « fonds » français. Continuer la lecture de Dérives/Ce vieux Fonds de (F)Rance

Dérives…Victoire


et puis… ça :

 Taubira/Bertinotti AN 24 avril 2013 MPT
Taubira/Bertinotti AN 24 avril 2013