Dérives/Ce vieux Fonds de (F)Rance

 La loi autorisant le « mariage pour tous » a été votée à l’Assemblée Nationale. Enfin ! A quel prix ! Que de dégâts, de remous ! Non pas qu’elle ne soit pas légitime, mais ce que tout cela a déclenché, a révélé, dans notre beau pays mérite que l’on s’y arrête. Mais après tout, cela aura fait réveil et rappelé la réalité d’un certain  « fonds » français.

F. Hollande voulait une société apaisée, c’est mal parti. N’a-t-il pas suffisamment tenu compte de l’état avancé de détérioration éthique, culturelle, et identitaire de la société française, de son vieux fonds catholique intégriste (chants religieux des jeunes aux Invalides qui répètent en boucle « nous sommes LA Jeunesse de France » + violence extrémiste + députés de droite évoquant sans fléchir le « pays réel » maurassien,   le « Peuple »). Voilà ce qui se révèle : un discours intégriste, excluant, exclusif, surfant sur le déni de  démocratie, la négation du vote, l’irrespect de l’AN-sanctuaire (certains députés de droite sont dedans, dehors, attisent tout en condamnant). Le poison, la haine, entretenus par l’ambiguïté, le double discours de la droite qui surfe et s’alimente des profondeurs racistes et nationalistes (comme un continuum enfin avoué au grand jour de la campagne de NS déjà). D’autant que cette « opposition » est déchaînée, menteuse, malhonnête, et manipulatrice. Et d’un archaïsme. Pourtant, à les regarder, on voit vite le ridicule et l’anachronisme de  leur mouvement par rapport à l’état du monde et la souffrance mondiale. Mais cela ne semble guère les préoccuper. Ce qu’il faut sauver c’est La France Toute, Une, la Fille aînée de l’Eglise, Radicale et Eternelle, dans son Evangélisme, et donc son union avec tout Nationalisme. Là tout ce qui n’est pas elle, ce qui est autre, n’existe pas, n’a pas voix au chapître, c’est le cas de le dire. M.Mariton le dernier soir à l’AN : « Si la France se mariait avec elle-même, /Si un jour elle se disait enfin je t’aime, / Elle inventerait la ronde qui épouserait le monde,/ Si la France s’embrassait un jour qui sait. » Il faut lire ce discours c’est un régal.  Non M. Mariton, la France ne s’embrasse pas elle-même, ne s’aime pas elle-même, elle a besoin de l’Autre, d’un autre pour cela. (« Une bouche ne s’embrasse pas toute seule » SF).

Je ne veux pas leur faire de pub mais il faut lire aussi ça pour bien comprendre la stratégie discursive en action : B. Bourges « Une révolte d’avant-garde » : « le Printemps français revendique un héritage pluriel : le franc-parler des prophètes juifs, la sagesse gréco-romaine, la fraternité évangélique, la liberté des Lumières, les luttes populaires pour la justice sociale » eh oui ! Vous avez bien lu, rien que ça! (elle invoque « le cri des masses, les sans-voix, tiers-Etat « ).

Et puis sans doute n’a-t-on pas tenu assez compte qu’une partie de la jeunesse française voulait elle aussi son « 68 » depuis si longtemps ! Cela est intéressant à noter. Son explosion, sa révolte. Quand on les regarde, ces jeunes qui n’ont pas tous l’air d’être des fachos, on voit bien qu’ils font cela pour certains sans conviction, me semble-t-il, juste ils prennent les insignes de la révolte/ à l’envers/ « une carapace » me dit un jeune patient qui souffre tant de l’oppression catholique familiale, comme d’autres qui n’osent s’affranchir des choix parentaux, ne sachant encore décider de leur propre orientation. Les dégâts psychiques peuvent être féroces. Retournement des pulsions d’un conflit interne non avouable. Croient-ils vraiment ce qu’ils disent, ces jeunes là aux Invalides, certains en tout cas ? N’est-ce pas pour certains d’entre eux un habillage, n’est-ce pas surtout contre leurs propres oppressions qu’ils s’agitent et crient ? Je ne peux concevoir une telle haine froide. (Je ne parle pas là des  groupes  organisés, toute cette nébuleuse identitaire catholique intégriste : GUD, Bloc Identitaire, Civitas, Alliance Vita, Action Française .. et aussi Opus Dei Fondation Lejeune etc..ici sur Mediapart).

Ils chantent des chants religieux et ils scandent des slogans, dont la forme est copiée, imitée, de ceux des manifs de gauche ; inversion étrange, un peu puérile et envieuse. Ont-ils conscience d’être à l’image d’autres intégristes d’autres religions qu’ils désirent pourtant éjecter ? La France blanche, cette jeunesse blanche formatée, n’a-t-elle aucun jeune homo, aucune jeune lesbienne dans ses rangs? Cela peut créer de sérieuses difficultés pour les jeunes homos dans des familles de droite traditionnelles, voire des  conflits destructeurs. Pour eux c’est parfois difficile d’exister. Merci à Ch. Taubira d’avoir pensé à eux :   « Je veux dire aux adolescent(e)s qu’ils sont à leur place dans la société.. chacun d’entre nous est singulier. » Je ne sais à quelles études ils se préparent, mais leurs réflexions et compréhensions des choses, et leurs analyses me semblent assez futiles et incomplètes. Cela révèle, et c’est assez effrayant, la formation que reçoivent ces jeunes  dans leurs familles et leurs écoles privées. (Je précise : loin de moi l’idée de penser qu’ils sont tous ainsi et que les familles de Gôche, ou d’autres familles d’ailleurs, ni de Droite, ni de Gauche, échapperaient, pour une partie d’entre elles, à l’ignorance, l’étroitesse d’esprit, voire la coercition et l’oppression de leur progéniture.) 

On croit que parce que la Gauche arrive au pouvoir, avec ses mythes révolutionnaires et ses bonnes résolutions en étendard, ça n’existerait plus, ça aurait disparu, mais c’est actif, vivant, parce que c’est en nous dans notre société, notre histoire commune, et aussi en nous-mêmes, chacun par chacun. Sauf que là, on va au-delà ; l’hubris grecque, elle,  fait couler le sang, rend ivre et fou au théâtre, elle fait le récit de ça, des passions divines et humaines, de la mésentente des dieux et des hommes et de la vengeance terrible des dieux. Mais là, ce Fonds de (F)Rance (et d’Europe, la belle Europe enlevée par Zeus), ressurgit comme une boue poisseuse. L’ère des media, leur rapacité monstrueuse, n’arrange rien. Manipuler les images, envoyer les infos triées sur le volet en boucle, faire la propagande (la campagne NS 2017 est déjà à l’œuvre : conférences, contacts avec les « puissants » partout, s’exprimer partout avec  la complicité des media, et même ..rencontre avec Barjot !). Double discours permanent de la Droite Républicaine. N’a-t-on pas suffisamment  tenu compte des forces souterraines de la droite extrême,  soutenue clandestinement par la droite, qui surfe pour préparer son retour (j’en veux pour preuve les sondages récurrents favorables à NS,  BFM TV et ses discours de propagande et de mise en scène)? Vichy ne s’est pas envolé. 2002 ne s’est pas envolé. La campagne haineuse de Sarko-Buisson non plus. La trouvaille néfaste du débat sur l’identité nationale et sa double paternité Guaino-Buisson  non plus.

Nous sommes dans l’ère du faux, du mentir absous, voire légitimé. (Au fond Cahuzac dans sa grande perversité mensongère n’avait pas tort d’essayer de nous berner avec sa part d’ombre, ça pouvait être gagnant.) La démocratie est bien fragilisée, et cela peut faire naître une nouvelle forme de dictature. Saurons-nous nous en protéger ?

Un boulevard pour cette droite dure. « CRS collabo-socialisme fasciste etc »… La tactique récurrente est de retourner la sémantique généralement de gauche, le comportement, le discours, en miroir, à l’envers. En cela, ils ne sont guère inventifs, c’est inquiétant ou bien qu’importe le contenu l’important étant de créer le désordre. Inquiétant aussi ce contre quoi ils se battent et leurs propos nauséabonds : « Taubira tête de rat – on est chez nous –nous sommes la jeunesse de France. » Et puis cette nécessité de  s’approprier le peuple (hélas d’autres ailleurs usent des mêmes stratagèmes). Inquiétant, l’irrespect des institutions républicaines.

Cela émerge dans une France post NS, lui-même élu à la suite de Chirac, qui loin d’être un ange, avait semé ségrégation et affaires, (et racisme parfois), cela qui a d’ailleurs permis à NS de surfer sur cette idée du chacun contre chacun. Souvenons-nous : « Ceux que l’on laissera sur le côté du chemin, la France tu l’aimes ou tu la quittes, les travailleurs et les autres, etc.. » Tout cela comme promesse de marcher sur l’autre, le « en-dessous », au fond, promesse à laquelle ont cru tant de petites gens, d’ouvriers… Aujourd’hui la radicalisation de la droite  fait apparaître combien cette partition française (aux deux sens du terme) est forte et vivace et  radicale. Et ancienne. Mais la gauche a-t-elle suffisamment gardé intact et pur son rêve d’égalité, dans ce maelström ? « La Justice Sociale » est-elle au rendez-vous ?

F.Hollande et les autres, son équipe dskiste-libérale notamment, celle du Budget, était-elle prête pour une politique de gauche, M. Cahuzac en tête? A propos du MPT, laisser entendre une clause de conscience possible pour les maires, laisser supposer ses réticences à la PMA, au mariage, traîner encore et toujours, faire des compromis, n’en paie-t-on pas le prix? « La Gauche devrait dire c’est génial ce qu’on fait. » dit Irène Théry. Cette politique, dont on ne voit pas pour l’instant les effets égalitaires, n’a-t-elle pas contribué à laisser se développer cette  mécanique destructrice qui libère les positions les plus rétrogrades, les plus réactionnaires. ? Je sais l’impuissance face aux marchés, aux idéologies, aux media, et leur déferlement tout puissant anti Hollande. Mais sans conviction, pas de message clair et déterminé. Pour toute  question d’ailleurs. Difficile d’apaiser tout cela. Cela qui remonte à la surface. D’autant que les résultats socio-économiques sont en berne. Rien n’a été suffisamment annoncé clairement de l’état du pays en mai dernier hélas. Je l’ai déjà dit les réformes sont des réformettes sans courage, sans audace : à propos du CICE par exemple qui est plutôt « une usine à Gaz » (Piketty) permettant tous les détournements et les effets d’aubaine; de même Th. Piketty  explique de façon convaincante le « manque de courage et de conviction ». Il aurait fallu frapper un grand coup d’entrée de jeu. Mais encore fallait-il être prêt. ici L. Bouvet 

«On peut critiquer mes décisions, penser que je fais fausse route, dire que je n’ai pas pris le bon cap mais s’il y a une chose dont je suis sûr c’est que depuis un an, j’ai fait des choix majeurs pour la France », plaide aussi le Président de la République citant le pacte « de compétitivité, la réforme du marché du travail, le sérieux budgétaire ». « En dix mois bien davantage qu’en dix ans ! », dit-il

Des « choix majeurs » ? Lesquels ? Dominique Sopo (Libé 22 avril membre du CN PS) remarque à juste titre  « l’évolution du registre lexical » entre les « mots du socialisme » et les « mots du pouvoir » ; il y a de « lourdes inflexions politiques » concernant par exemple : égalité-étrangers-antiracisme-réforme fiscale etc.. Alors, des choix majeurs, si le Président le dit.. Je ne demande très sincèrement qu’à le croire. Mais je suis pourtant désolée de ne pas les voir, ni même vraiment les apercevoir, ni idéologiques, ni « techniques », au fond, l’un des plus radicaux, sur lequel il n’a pas cédé, ironie, est bien ce MPT (mais attention, hein, pas de PMA, pas de GPA, la France à la pointe éclaireur out.. laissons le commerce proliférer, laissons les lesbiennes prendre le train, ou l’avion, laissons les choses comme elles sont, fermons les yeux et les oreilles comme le singe.. déni). (cf. mon billet infra Unions Conceptions)

« En fait, c’est toujours vers le président que les Français se tournent. C’est au président qu’ils demandent des comptes et c’est légitime ». « Je mesure ce que je dois faire dans ce moment particulier pour le pays. Rester maître de moi, en étant sûr de ce que je pense » dit aussi le Président. (ibid.)

Pourtant il me semble qu’il y a plutôt « défaillance » « défi(ll)ance » du transfert au pouvoir, de la fides dans les Hommes vertueux (la ferveur hélas tant méprisée  de SégolèneRoyal est absente, ne reste que son retournement en haine et rejet déjà là depuis longtemps) : « tous pourris » de droite et de gauche, adhésion au « qu’ils s’en aillent tous » d’un JLM.. méfiance, défiance. C’est pourquoi sont nécessaires des règles institutionnelles de «morale publique » et non d’ordre moral versus morale privée. (Le Monde 21_22 avril S. Wahnich.) On ne veut pas de maître, et dans le même temps on remarque une certaine appétence pour un régime fort, un maître suprême, si j’ose, « ni dieu ni maître »/ juste Dieu. Il y a une mise à mal des institutions. De même la reprise de la sémantique à la fois maurassienne et des codes révolutionnaires de mai 68 etc..Tout est tourneboulé, ne plus croire à rien, à la parole et à l’action politique, normalisation de  MLP, révoltes infantiles et ado pour d’autres, instrumentalisation de tout ce mal-être généralisé pour d’autres, mouvements structurés, idéologie vivace et efficace. Néocons alors? Tea party? L’ordre religieux supplante l’ordre politique (déjà NS préférait le curé à l’instit) et ce d’autant plus que la Gauche est considérée comme non légitime au pouvoir. JY Camus : « La (leur) volonté d’agir dans le domaine proprement politique est directement liée à une morale, à des principes transcendants qui découlent de l’ordre naturel que le catholicisme considère comme l’objectif de la vie en société et pour la restauration duquel les croyants doivent agir ». (A cet égard rien à envier aux autres intégrismes et à la suprématie de la charria). Eric Fassin parle de « perversion homophobe de la démocratie » : « la nature biologique devient le refuge de la transcendance contre le mariage pour tous ».

Plus de père mais Dieu? Et une autorité de l’Etat qui se délite. Qui croire ? Comment croire ? Pas la science, pas le progrès, mais notre tradition, notre Totalité. Recrudescence de la foi, tradition immuable, loi divine contre loi républicaine, leur charia,  « l’inversion réthorique de la démocratie » (E. Fassin). Tel est le message.

La République n’a pas besoin d’un sage, elle a besoin d’un capitaine costaud et déterminé, sans faux-fuyants. Même s’il faut virer de bord assez souvent par les temps qui courent. Peut-être est-il ainsi notre Président, mais sur quoi est-il déterminé, puisqu’à chaque fois, droit dans les yeux, il nous dit que ça va le faire, et ça le fait pas. Que de risques pris à promettre ainsi! « Rester maître de moi en étant sûr de ce que je pense», mais cette assurance doit être vérifiée et vérifiable, s’accommoder des autres, consulter (Eva Joly, T. Piketty, et d’autres, j’insiste, plutôt que les technocrates des cabinets ministériels qui d’ailleurs pour la plupart sont là depuis le précédent pouvoir, ceux pourtant qui écrivent ces lois si mal ficelées), ne pas faire confiance aveugle à ses «amis ». (tout de même, au sujet de Cahuzac, je n’arrive pas à concevoir comment ils ont pu être tous dans un tel aveuglement, alors qu’il suffisait de lire Mediapart -Plenel dit qu’il a alerté les conseillers de FH- ce soutien sans faille là j’ai du mal). Désamorcer les conflits d’intérêt et autres connivences qui sont un ravage pour la République. Être sur le pont

F. Hollande veut faire son FMitterrand, florentin, intrigueur, mais il n’est pas cela. Il ne renvoie quand même beaucoup de flou, de l’indécis, du cabotage, des réformes pas complètement engagées, depuis le début pour créer la dynamique. Son attirance  à faire se confronter les contraires (pour être la synthèse ?), ça rate, c’est même un  jeu dangereux. Où est-il, sous quelle influence ? Est-ce pour la plus grande part une « alternance sans alternative » ? (E. Fassin). Ne faudrait-il pas faire appel autant à Martine Aubry qu’à Ségolène Royal, deux femmes certes bien différentes mais déterminées et plutôt efficaces? L’une d’elle, Ségolène Royal, oeuvrant courageusement et avec lucidité à la Vice-Présidence de la BPI, contre vents et marées, donne le cap et le sens de ce que doit être cette Banque au statut singulier : » elle n’est pas là pour faire du business ni des profits sur le dos des chefs d’entreprise », « Les mots Publique et Investissement sont plus importants que le mot banque ».. Donnons-lui (leur) un poste-clé, mais peut-être ça dérangerait, c’est mieux de convoler avec Bayrou ou Raffarin…Ce Bayrou qui a fait rater le coche à la France en 2007…

L’heure est grave, les noirceurs profondes se lèvent, trop…S’il n’y a ni Dieu ni maître, il ne doit pas y avoir un Président sans Autre(s).

P-S

Rien ici n’est à entendre comme l’intention d’interdire une pensée différente, refuser la pluralité des points de vue et des opinions, ou ne pas respecter la foi. Ni non plus ne pas être consciente de ce que toutes les questions de sexualité, de genres, de filiation, de morale, sont dérangeantes, perturbantes et souvent causes d’anxiété surtout dans ces temps sombres. Ce qui n’est en revanche guère acceptable, c’est à la fois l’amalgame la désinformation (ou non-information) la manipulation des idées et des discours, et l’inversion rhétorique constante comme stratégie par l’absurde. Sans tenir compte de la dangerosité de la chose. Sortir des clous républicains dans cette ère du fake et du tou-se-vaut et du tous-pourris ne pourra que semer les graines  d’un désordre bien plus grand et bien plus grave que le tsunami annoncé par Guaino jour après jour à l’AN (mais pour lequel il a finalement donné sa voie, après avoir tant donné de la voix contre, n’est-ce pas ?). Comme l’on sait qu’il est toujours plus facile de déclencher la violence et la Jouissance mortifère que d’apaiser les passions, on n’a aucun doute sur les intentions claires et lucides des mouvements Printemps Français et autres (et internationaux) pour mettre à bas les forces de progrès. Dans un rêve d’Evangélisation qui ne semble guère porter la parole christique dans sa grande générosité. Tout au contraire.