une réforme dangereuse


Pourquoi personne ne s’est battu contre cette nouvelle loi de l’enfermement idéologique des « fous »? Ce « retour du réfoulé asilaire ». (cf. Cécile Prieur Le Monde 30 mars 2011). Le sécuritaire lui n’est jamais refoulé. Il est une obsession à ciel ouvert. Où sont les députés de la Gauche Française?

ps.: le 5 mai

 

« LE PROJET DE LOIS A ETE REJETE PAR LA COMMISSION DES LOIS DU SENAT PRESIDEE PAR MME MUGUETTE DINI.

 

 

 

TOUS LES ARTICLES CONCERNANT LES « SOINS » SANS CONSENTEMENT EN AMBULATOIRE ONT ETE REJETES : le « NON » a été voté par les sénateurs centristes, les partis de gauche et plusieurs sénateurs UMP » pour suivre cette question:http://collectifpsychiatrie.fr

 

 

 

 

Sur le même sujet:

extrait de lettre à Ségolène Royal:

…//Cependant je voudrais apporter quelques éléments notamment à vos propositions sur la jeunesse. (je les relie d’ailleurs à une autre question jamais ou très rarement abordée au PS : psychiatrie, son état déliquescent, pédopsychiatrie, accompagnement psychologique, et plus encore lois liberticides concernant les malades mentaux entre autres).

Je suis  moi-même psychologue clinicienne, psychanalyste ; outre mon exercice en cabinet, je reçois des jeunes garçons et filles depuis 15 ans maintenant, en collaboration avec une association parisienne. Je rencontre aussi des éducateurs de prévention. C’est sur ces expériences que je m’appuie là pour vous transmettre mon point de vue.

Cela me désole de ne jamais entendre parler dans les productions socialistes de la question des soins ; beaucoup de choses sont dites sur la pédagogie, l’éducation  (et encore !) mais quid de la prise en compte de ce que l’on ne peut ignorer lorsqu’on se penche sur les problèmes et difficultés des jeunes et jeunes adultes ?

On ne peut faire l’économie de complexifier la réflexion. Tout à fait d’accord pour remettre l’éducation au centre (pour cela vos propositions courageuses de 2006 lâchement boycottées sur le temps de présence des enseignants notamment). On  entend les propositions sur l’encadrement pédagogique ou bien les encadrements militaires contre lesquels je n’ai rien mais sous certaines conditions.

La violence juvénile existe ; elle s’origine souvent dans une violence sociale mais aussi familiale. Mais pas uniquement. Il y a aussi une causalité intra-psychique qui doit être prise en compte à sa juste mesure.

La délinquance, plus dure, des difficultés psychopathologiques, des dérives, de graves passages à l’acte, tout cela nécessite éducation, encadrement, éducateurs spécialisés, sanctions, voire prison bien sûr ; mais aussi, soins, accompagnement clinique, parfois aussi mais pas forcément, psychiatrie. Je connais les « banlieues », je n’ai aucun angélisme, j’ai conscience d’une violence parfois extrême qui s’y développe, et de la nécessité de sanctions sévères. Ma position d’analyste me rend incontournable de prendre en compte ce que Sigmund Freud appelait « la pulsion de mort », les zones sombres ; même s’il y a une interdépendance, une causalité à double sens entre malaise social et désordres psychiques, il y a pour chacun un règlement de soi à soi dont les carences et les faiblesses sont à localiser bien sûr dans une déliquescence collective, morale, économique, éthique; mais la cause en est aussi interfamiliale, voire intra psychique (ce qui n’est pas forcément l’affaire d’une seule classe sociale voire ethnique). Pour amoindrir autant que possible les méfaits parfois ravageurs pour soi et pour l’autre, de cette maille trouée, il y faut de l’autre en présence attentive d’abord, et l’appui d’un  discours des idéaux, si bien porté par votre voix.

Tel est par exemple ce que nous mettons en œuvre depuis des années dans une association parisienne où nous recevons des jeunes majeurs et mineurs en contrat ASE (de moins en moins, vu la restriction des budgets). L’offre est faite d’un studio et d’une petite allocation ; le jeune s’engage à venir nous rencontrer (nous les « psy » ) deux fois par semaine ; nous les aidons par ailleurs ponctuellement (école travail papiers..). Cela dure parfois deux, trois ans,  je peux témoigner que cela est souvent suivi d’effets positifs.

Je crois simplement que l’on ne peut pas évacuer l’effet de parole, et son efficace ; les conditions socio-économiques ne suffisent pas comme hypothèse ; il faut mettre en place et soutenir tous ceux qui, ici et là, au plus près des jeunes et de leurs déviances, formés pour ça, leur font une offre de parole, aidant parfois, souvent, à ce que cela les écarte de leurs pulsions destructrices, autant pour eux que pour l’autre.

Un projet socialiste se doit de s’intéresser à tout cela, de faire des propositions de lieux de soins, de rencontres, d’accueil pour les jeunes (il y a beaucoup d’idées innovantes à réaliser croyez-moi). En ce sens,  cela peut leur servir à un moment d’appui identificatoire ; la doctrine n’est pas celle d’une rectification au sens normatif du terme, mais d’un appui, d’une  boussole pour sa propre élaboration, son propre accès subjectif à la logique des conséquences, à la civilisation des pulsions qui certes relève de l’apprentissage mais aussi d’une mise en logique de sa propre vérité intime et de son histoire ; la psychanalyste que je suis peut témoigner de cette mise au travail souvent  appropriée lorsqu’elle est bien conduite comme écoute orientée, dans des moments de crise : carences identificatoires, difficultés d’accès à la symbolisation, ponctuelle ou pour toujours, défaut de structuration mentale, défaut de symbolique, traumatisme réel, inhibitions graves, désorientation psychique passagère souvent occurrente à l’adolescence, et ce quel que soit le milieu social. Pour certains ce passage est nécessaire plus que pour d’autres, plus violemment que pour d’autres.

Ce n’est pas de l’assistanat, mais un accompagnement, pas seulement socio-éducatif mais aussi thérapeutique (pas forcément psychiatrique et pharmacologique) et parfois à long terme ; en effet on ne peut être là dans une logique de rentabilité marchande et capitaliste ; le soin nécessite le respect du temps psychique, toujours à son heure. Pour reprendre une de vos phrases : « « les jeunes doivent savoir que la société leur ouvre les bras ».

Concernant certaines de vos propositions :

-Plan national pour l’apprentissage alternance (j’en fais la difficile expérience avec certains jeunes, qui ne trouvent pas d’employeur malgré leurs bonnes réussites scolaires ; la réponse faite par les entrepreneurs: « ils ne veulent pas travailler », à quoi on peut hélas ajouter  la ségrégation voire le racisme). Bourses-tremplin désirs d’entreprendre, « trouver une main tendue », offre politique ( service civique, permis, mise à niveau/ école seconde chance) comme  offre humaniste du côté de l’écoute éclairée. Tout cela  est prometteur. Je sais combien vous êtes préoccupée légitimement de tout cela. Je veux simplement attirer votre attention sur le fait qu’un jeune  a droit à l’échec, oui, voire même droit à l’errance. Si on ne lui laisse pas cette respiration, de toute façon il se l’appropriera et parfois très violemment. Il a pour cela de « bonnes raisons », en tout cas il a des raisons, dont il ne sait souvent rien ; on sait bien que la violence vient souvent surgir à la place de ce qui ne trouve pas de mots. A nous de l’aider à se poser, et à s’apprendre, à s’accepter davantage.

-Dans le même genre d’idée, une main tendue est parfois refusée parce que le rapport à l’autre a été profondément ou sauvagement dégradé. Un défaut d’éducation, remarquable dans les quartiers, l’est tout autant par d’autres voies dans d’autres milieux. Il y faut un temps de mise à plat et de reconstruction pendant lequel un jeune homme ou une jeune fille n’est que fragilement accessible à tout apprentissage voire à toute règle trop contraignante du lien social (et peut-être notamment des devoirs). Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas leur enseigner, mais l’aspect thérapeutique (pas forcément psychiatrique pour autant) doit, pour certains, venir compléter, s’articuler, se nouer à la dimension socio-éducative. Souvent d’ailleurs la désinsertion scolaire doit être lue comme symptôme de ce qui ne va pas parce que c’est sur ce lieu-là que cela peut être dit et entendu (parfois).

-Le cadre, (l’armée par ex.) ne peut à lui seul opérer  sur les désordres psychiques; même s’il n’est pas inutile, on ne peut s’improviser psychanalyste ou clinicien (ce pour quoi nous avons une  formation universitaire et personnelle très longue, formation qui continue croyez-moi tout au long de notre vie); il faut nous donner crédit de nos formations et de nos expériences, et de notre savoir, même s’il est toujours à réinventer.

Dans la même perspective, je veux attirer votre attention, brièvement, sur l’importance d’un  contenu doctrinal clair concernant un projet politique à venir concernant les choix en matière de psychiatrie, pédopsychiatrie, et soins à porter à la petite enfance. Cela me tient vraiment à cœur et de nombreux professionnels tentent actuellement de faire échouer une vision à la fois mécanique, adaptative, normative, uniformisante, financière discriminante et, criminalisante de l’humain, bien loin de l’humanisme progressiste qui je n’en doute pas est le vôtre. Le socialisme moderne se doit, comme vous le rappelez souvent, d’inventer à la fois la garantie du bien-être mais aussi (et surtout ?) de la liberté individuelle, du respect de la différence, et la garantie collective de la justice sociale et économique. Cela me semble-t-il donne son nom à la fraternité à laquelle vous tenez tant.

Ainsi les projets concernant la petite enfance,  le dépistage à 2/ 3 ans, me semble une action très mal engagée. (cf. le mouvement « pas de zéro de conduite »): attention au repérage systématique et à la médecine prédictive, au fichage et à la classification discriminante.

Accompagner les tout petits bien sûr, mais les laisser respirer, c’est l’âge ou se forment les symptômes parfois nécessaires à la structuration; le psychique n’est pas un lieu sur lequel on met le couvercle répressif ou normatif sans provoquer de la casse.

C’est toute la différence entre dépister collectivement et être attentif au un par un; pour cela il faut des lieux d’accueil, de soin, d’échange  (de même pour les ados) avec des professionnels  de haute formation, de bonne expérience (ce qui manque aux psychologues scolaires/ que d’ailleurs il n’y a pas).

Je crois comprendre que votre vision est très axée sur l’éducatif, le pédagogique, mon souhait serait de vous faire entendre une autre dimension  plus inconsciente, qui n’échappe à aucun de nous, plus ou moins, qui parle en nous, et qui est retorse parfois à un moment de la vie à être éduquée. C’est toute la béance subjective qui va vers le pire comme vers le meilleur (création, art, don de soi) ; nous devons respecter ce battement de l’humain, cette respiration, ce ratage parfois, nous qui sommes collectivement baignés dans le fantasme de la perfection, du non –manque ; il faut que chacun puisse faire ses expériences subjectives.

Votre vision politique se doit d’être collective, vers la vie pour nous tous. C’est légitime et hautement respectable.

Ma position d’analyste, différente bien sûr, me rend incontournable de me soucier de cette cause psychique et de veiller à ce qu’un projet à venir pour notre pays prenne au sérieux ces questions qui règleront leur sort aux partisans du déterminisme génétique, persécutés par les voyous, les pédophiles, et les criminels. Rejet absolu de l’Autre, mépris pour l’autre, qui, non exempt de sanction comme tout humain, doit avoir le droit, quand cela est possible cliniquement, à un traitement adéquate (je ne développe pas quant à l’état de la psychiatrie française ; je vous conseille vivement le documentaire « Un monde sans fous » de Philippe Borrel (France5, Mediapart) qui dénonce clairement les dérives sécuritaires et capitalistes d’une certaine approche de la « santé mentale »). Une UPP sur ces sujets serait certainement très enrichissante.//….

décembre 2010