« La politique ce n’est pas ma partie, je le rappelle tout au long de ces billets, des éléments plus techniques peuvent bien sûr m’échapper, mais je fais retour ici sur ce que j’en entends au rythme du temps et des échos assourdissants de l’univers médiatique, mais aussi des analyses plus poussées dans tous les domaines, hélas trop rares. « L’inconscient c’est le Réel » (J. Lacan). Je suis moi-même aux prises et au service chaque jour de ce qui parle et fait symptôme, de ce Réel, là où ça rate. Et cela est politique.
« Cela fait déjà pas mal de temps que je voulais en dire quelque chose de cette « arrivée » de la Gauche au pouvoir, (beaucoup de places de pouvoir, très lourde responsabilité). Ne trouvant ni le temps ni l’envie, parce que ne voulant pas donner prise à ce « hurler-avec-les loups » médiatique, ni participer à cette curée aveugle (ou intentionnel?), ne voulant pas donner l’impression que je participe à l’abattage déchaîné et systématique, comme toute une part des media, signe s’il en était besoin que la presse est bien aux mains des libéraux, et aussi que le « dire tous pareils » de nombre de journalistes, leur slogans en boucle, leurs exégèses parfois « délirantes » fonctionne à plein. « les moutons.. » Marianne. Mais ce dont on est là les témoins, je l’ai bien souvent dénoncé et depuis longtemps! Avec S. Royal (2007, Primaires PS), on a déjà depuis longtemps l’entraînement au bashing (les « camarades » ne le dénonçaient guère alors!).
Sans doute suis-je baignée de ce sentiment sourd et confus de ne rien pouvoir attraper, épingler, qui ferait signe, oui, on ne peut le nier, d’un « cap« . Une « marche en crabe » dit Domenach dans Marianne. Oui, bien vu. Ou bien, j’apprécie cet autre point de vue : « L’art de M. Hollande est à son comble dans cette retenue, ce retrait…Il triomphe à se dérober dans un invincible incognito. On ne saurait être plus habile. Mais qui prendrait comme phare dans la tempête une étoile filante qui clignote sur le bord de sa disparition. ». François Hollande, avion furtif, par Jacques-Alain Miller
« Loin de moi l’envie de critiquer aveuglément ce gouvernement et ce Président avant qu’ils n’aient eu le temps de faire leurs preuves. Ils ont bien sûr mon soutien de coeur et de raison. J’ai élu F. Hollande sans état d’âme, tant j’étais déjà consciente d’une position politique et éthique peu tranchée. Je n’ai cependant aucune sympathie pour la stratégie de JL Mélenchon qui, même si les arguments sont souvent fondés, entretient un climat permanent de catastrophisme, d’agressivité, et de critique souvent injurieuse à l’égard du pouvoir, tant il vise à le déstabiliser pour s’en emparer (il a eu pour cela une longue formation militante).
« Un désir peu décidé, dis-je. Bien sûr, on a quitté un état de « terreur » et de démolition quasi permanent, style du sarkozysme. Bien sûr il faut reconstruire autre chose, autrement. Bien sûr ce n’est pas le même style et le même projet politique, et c’est tant mieux. Cependant, d’ores et déjà des signes me paraissent préoccupants. Je vais essayer de dire les choses au plus juste. Le bon, le mauvais. Ce qui permet d’espérer, ce qui inquiète. La détermination de FH n’est pas à mettre en doute mais l’orientation reste confuse, divisée, on sent bien qu’il existe des divergences idéologiques majeures, comme elles existent d’ailleurs au PS, là où elles sont rarement tranchées. La démonstration de FH au débat des primaires avait déjà laissé poindre cela : d’accord sur tout, n’étant clair au fond que sur les contrats de génération..Le Président doit pourtant envoyer des messages clairs de sa politique. Clairs et engagés à gauche : budget, finance, banques notamment. Où retrouve-t-on le discours du Bourget? ! Le sens annoncé était celui de plus de justice, sociale, fiscale.. d’un combat contre la finance. Mais déjà il y a des compromissions et des reculades injustes. Je rappelle aussi la promesse du non-cumul; c’est indéfendable M. Rebsamen, sinon pour garder vos pouvoirs, (M. Rebsamen qui aux dernières nouvelles presse le Président de « fixer le cap » est -il conscient de la « nocivité » de ses propres positions?); la réforme de l’Etat, (lutte anti-corruption, conflits d’intérêts, marchés publics, cumuls de fonctions etc..); et toute mesure énergique qui enverrait aux français un signal de justice, d' »ordre juste ».
« Dès la composition du gouvernement, il était aisé de s’apercevoir de divergences et de conflits interministériels à venir. (et tout de même ce sont les hommes qui tiennent la bourse!). Mon intuition semble confirmée par un article dans Le Monde du jeudi 1er novembre, notamment sur les divergences à Bercy, et la place singulière et de poids du Directeur du Trésor, resté en poste après la défaite de N. Sarkozy. Doit-on craindre que la belle annonce du Bourget sur la Finance au service de l’Economie ait été remaniée dans les ministères Budget, Economie/Finances, passant par le filtre idéologique d’une gauche au fond assez libérale. Budget, Economie, Finances, le nerf de la guerre encore plus en ces temps troubles. Il y a, on le voit bien, des tensions idéologiques. Orientation libérale Moscovici-Cahuzac, versus orientation franchement gauche version Montebourg par exemple? Mais celui-ci diverge sur le nucléaire avec Batho (bon courage!) : « La France doit prendre le tournant de l’économie verte » dit-elle, oh que oui! Quant au Président PS de la Commission du développement durable de l’AN voilà ce qu’il en pense : « Aujourd’hui personne au gouvernement, (à part D. Batho) ne parle de transition écologique, d’excellence environnementale, de nouveau modèle développement ». Il semble, selon les mêmes sources (Le Monde 31 octobre) que ce ne soit pas la préoccupation du ministre du budget. Laurence Rossignol, secrétaire nationale du PS chargée de l’environnement pense, elle, qu' »il va falloir organiser une formation à l’écologie pour les ministres »! Tout est à l’avenant. Mais où a-t-on vu que le Président (et bien d’autres) était éveillé à l’écologie sinon pour s’en servir comme argument politique? (Notre-Dame des Landes si mal engagé, si mal réglé, alors qu’on aurait pu prendre le temps de remettre les choses à plat comme le conseillait Ségolène Royal).
« Et puis, quid de ce conflit d’intérêt dont on n’a peu parlé concernant la BPI? Conseillée par le Directeur d’une banque privée, important patron de presse qui plus est? Non, non! pas de mélange des genres! N’a -t-on pas suffisament critiqué les Dassault, Lagardère? Le mélange media/finances/politique? Conflit d’intérêt? Des banquiers d’affaires pour créer une banque chargée de permettre aux entreprises d’échapper aux banquiers? « ça se fait » aurait dit Moscovici (cf. Canard). Alors si ça se fait pourquoi changer? Les bonnes vieilles pratiques ou un vrai changement de sens et de méthode? Il faut à ce sujet lire ces excellents billets : Ce que l’affaire Pigasse révèle sur le capitalisme. Vers la mort d’une belle idée, la BPI? « ce petit monde oligarchique est toujours dans la place ». Sarkozy-Hollande, l’anormale continuité.
« Et puis quid de la réforme fiscale? Quid des bons conseils et du travail sérieux de Th.Piketty (Mediapart) qui a chaque intervention fait des propositions pour une réforme fiscale claire et courageuse : « Ce gouvernement ne semble pas comprendre que pour défendre le modèle social français nous avons besoin de moderniser, par exemple en unifiant les régimes de retraite. Un système fiscal le plus neutre possible, prélèvement à la source unifié dans ses assiettes », « absurdité fiscale : le régime dérogatoire pour certaines plus-values est une usine à gaz » (Le monde 19 oct.). Repris aussi pas R. Rancière Libé 30 oct. « Entre incompétence et incohérence ». Est-ce si compliqué? Ou bien faut-il encore et toujours être dans les atermoiements? J’ai consulté dans Le monde du 2 oct. les conséquences de la réforme fiscale pour les revenus de 2013 et la variation/IR. Si cela est exact, c’est d’une incohérence et d’une injustice assez remarquables : par ex., pour 1 part revenu 28000 5,9% de plus d’augmentation alors que revenus 60000 3,5%! ! Impots Le monde oct. 2012
« Quid de la séparation des activités bancaires qui devait être la première mesure prise? Réforme fiscale, réforme bancaire, séparation banque de dépôt? Un rapport de la CE, le rapport Likanen recommande de séparer activités de dépôt et activités à risque (Libé 2 oct.). Bien sûr, quand on a vu l’excellent documentaire sur Goldman Sachs sur Arte on peut, sans être trop paranoïaque, se demander jusqu’à quel point les réseaux financiers spéculateurs ne sont pas déjà dans la place politique pour tirer les ficelles. Mais cela, tout au contraire, devrait inciter à être plus audacieux (ou alors le politique est totalement impuissant, définitivement?).
« De M. Valls, que nous avions vu si engagé (tardivement) avec SR au congrès de Reims, on ne dira guère. La prise de position avec les Roms est tout simplement pour moi insupportable. Ce que Marcela Iacub appelle la « répression progressiste » (Libé 9 sept 12) ou bien E. Fassin « l’obsession sécuritaire » Le monde 26 sept.. Chr. Deltombe et Chr. Auger, Président et DG d’Emmaüs, quand à eux, considèrent que c’est une honte pour un pouvoir de gauche (Le Monde 15/08/12). Le reste suit. C’est tout de même très inquiétant que M. Valls ait une telle cote chez les Français en surfant sur les pires idées de ségrégation et de rejet. « Servir la France, pas se servir » dit SR. Au choix, en ce qui le concerne. Mon opinion est faite. Il vise plus haut. Cela apporte un certain éclairage sur ce « fameux » manque d’autorité du premier Ministre n’est-ce pas? Ce premier Ministre qui devrait bien asseoir davantage son point de vue, et même s’il a envie que l’on rouvre le débat sur les 35heures. Et pourquoi pas? De l’audace. Et à sa décharge, le comportement individualiste de certains ministres qui jouent leur partie, sans aucune discipline collective. Toujours attirés par le gain de pouvoir. Si « on voulait » l’abattre on ne ferait pas mieux.
« Peut-être, inconsciemment ou pas, toute cette confusion est-elle un peu entretenue par le Président? Jeu dangereux. Par calcul, par « amitié », (Moscovici, Valls, les deux piliers de sa campagne, on était déjà averti tout de même!) mais aussi parce qu’il est ainsi, subjectivement. Souvenons-nous, l’homme de la « synthèse » quand il était Premier Secrétaire, ou bien, triste souvenir, son silence et son absence spectaculaires le soir du vote du Congrès de Reims. Ne pas trancher..« Nous en sommes à la troisième année de crise. La reprise va arriver, c’est une question de cycle. » Avant de se reprendre : « Il peut aussi y avoir un scénario noir, celui de la récession. Le rôle du chef de l’Etat c’est de préparer toutes les hypothèses. » Quand il dit cela qu’est-ce qu’il dit? Le Monde du 1er novembre laisse entendre que F. Hollande veut mettre en concurrence deux discours, deux sensibilités. C’est sacrément risqué pour nous tous. Mais est-ce qu’il n’est pas ainsi au fond, à vouloir « faire la synthèse » sans cesse, et que du coup les choses ne bougent pas? Réunir, rassembler des opposés peut être une noble tâche, mais elle est souvent assez vaine. Elle peut être opportune en diplomatie, pour l’Europe par exemple, bien sûr qu’il faut des compromis, mais pour l’orientation politique de la France ici, maintenant? Au fond le Président serait-il un grand « affectif » embrouillé dans ses sentiments, ne voulant déplaire ni à l’un, ni à l’autre? Ce qui rend encore plus spectaculaire les moments où il « tranche », comme par exemple son choix de la motion Delanoë au Congrès de Reims, contrevenant à son annonce de voter pour la motion arrivée en tête, c-à-d celle où était Royal. (ah! oui bien sûr on comprend mieux maintenant pourquoi et comment il s’est ainsi « dédit »). Se dédire, sans doute les français n’aiment pas cela. Nous le faisons tous, tous les jours, mais nous voulons aux manettes, quelqu’UN qui tienne parole. Les Français ont dit non au style et à la politique de NS. Qu’ont-ils demandé en « choisissant » FH? Qui peut le dire? (on ne peut nier qu’il fut alors fort « aidé » par media et sondages, ne pas l’oublier). Un changement de style, une action plus juste, plus à « gauche ». Mais une élection se joue toujours sur une part imaginaire, fantasmée, et sans doute tient-elle aussi d’une demande à un « sauveur » (surtout par les temps qui courent). La demande est-elle celle d’un Homme fort? Toute demande contient une part d’impossible à satisfaire, nous le savons, et les politiques le savent. Elle doit en tout cas être entendue et être respectée. La parole donnée engage. La bonne autorité est la meilleure des vertus… (cf. A. Harendt)
D’ailleurs, par en-dessous, n’y a-t-il pas tout de même une ligne? Ce qui alerte, et peut-être ce qui éclaire sur ce qui nous apparaît peut-être à tort comme immobile, confus, ce sont les choix des nominations ici et là. Elles indiquent tout de même une certaine orientation, pas toujours très à gauche, une communication marquée du sceau Euro RSCG. etc.. ici Mediapart, ici les réseaux DSK, et ici Marianne. Un élément de la réponse me semble-t-il? Choix décidé ou choix forcé?
Enfin, plus près de certaines de mes activités et expériences auprès de jeunes fragiles, je veux dire un mot de ce qui sans cesse n’est pas traité (cf. billets antérieurs sur la jeunesse) : les contrats d’avenir c’est très bien, mais quid de mettre le paquet sur l’apprentissage, les contrats de qualifications, de professionnalisation, (qui sont de « vrais » emplois), alors qu’il est si difficile pour un jeune de trouver un employeur même pour un stage (s’il est noir de surcroît et peut-être sans famille à l’ASE, je ne vous dis pas.. de cela je peux témoigner, mais il s’agit là de la classe pauvre!)..N’oublions pas non plus le service civique crée par M. Hirsch qui débouche sur des vrais emplois.
Quid de la pédopsychiatrie en lambeaux et des contrats d’aide ASE (« Plaidoyer en faveur d’une véritable politique d’aide aux Jeunes Majeurs ») pour les jeunes en situation difficile qui sont drastiquement diminués (notamment dans une grande ville de gauche) ? Quelle logique? Peut-être que ces personnes dans les cabinets n’ont pas une grande conscience de tout cela. Administrons, gérons! Il ne suffit pas non plus de faire encore et toujours des commissions contre la violence, il faut agir! Je n’aborderai même pas ici la question de la psychiatrie, des lois sarkozystes sur l’emprisonnement prédictif et autres torsions idéologiques graves, parce que de tout cela, pas un mot!/
/ Et puis.. les mots de Ségolène Royal: « Il faut densifier l’impulsion politique » annonce-t-elle dans Le Monde du 20 octobre. Au Congrès du PS à Toulouse le 25 oct. elle parle clair. Florilège : » Un sursaut est impérieux. La sortie de crise est conditionnée par la réalisation de ce que nous avons promis.. Il faut faire obéir les banques.. redéfinir notre objectif de civilisation. 3% est un objectif financier et comptable pas un objectif de civilisation.. La zone euro doit prendre une dimension politique.. Le système financier continue comme avant le système financier n’est pas rassasié.. Il faut engager la métamorphose de notre économie. BEI, croissance verte mutation écologique, nous avons la capacité de relever le défi… Créer une agence publique de notation… Faisons-le.. il est temps de passer aux actes.. interdire les ventes à terme.. Nous avions dit/ faisons le. La réforme bancaire doit être faite sans tarder.. Ayons le courage de lever les faux-obstacles. Accélérons.. nous avons besoin d’aller vite.. » Enfin, citant F. Mitterrand : »Les occasions gâchées débouchent vite sur des implosions ravageuses ». Elle dit cela si clair, si vrai, qui fait écho en moi, dans mon impatience et ma déconvenue.
Aurait-elle pu faire mieux si elle avait été Présidente? Personne ne peut le dire. Se serait-elle entourée des mêmes personnes, des mêmes conseils, certains oui sans doute, pour d’autres…Le style n’est pas le même, la personnalité non plus. Je ne suis pas une adoratrice muette et aveugle, et j’ai bien sûr quelques points des désaccords, mais, je l’ai souvent dit, elle a pour moi réenrichi la politique. Elle s’adresse à l’autre (FH, JMA, PM, tous ces hommes un peu « lents » et hésitants), elle interprète l’autre et la chose politique avec justesse et conviction et audace, bien sûr. A Toulouse, elle crée avec retenue un éveil, même si comme toujours on devine le TSSR (ah l’arrivée inélégante de M. Aubry juste à la fin de son discours, au moment des applaudissements!) « Aller Vite », ce n’est pas l’urgence, l’agitation sarkozyste, c’est le kaïros, le désir décidé, cela n’est pas « on attend, on attend, on verra, on fait des commissions », non! On dit, on fait. Et l’important, c’est que cela n’est pas théorique, idéologique, puisqu’elle prouve chaque jour par son action dans sa Région, que quelque chose est possible. Cela peut être perçu comme un peu « outrancier », »autoritaire », « trop », mais SR est vraiment dans l’acte, comme nous le nommons en psychanalyse, le temps de l’Acte.. et puis tout de même elle fait sa « passe » sans cesse, sans cesse chutant, « chutée » (?), sans cesse debout, droite dans son désir. Audacieuse, efficace et clairvoyante, cela qui, sans doute, pour l’état collectif fort déprimé de la nation, n’est pas forcément un avantage, et c’est bien regrettable. (voir plus haut la demande d’un « Homme fort » incompatible avec le fantasme d’une « belle femme » qui tiendrait le manche..). cf. Billets précédents.
« Tout se tient » dit S. Royal Avec elle, tout cela n’est pas une posture. Qu’elle garde son ton singulier, son allure singulière, sa démarche, sa liberté. Qu’elle ne fasse pas trop le bon petit soldat à défendre de l’indéfendable. Son acte et sa vérité. Tout se tient, oui le nouage, elle le trouve, le bon nouage : pme/ croissance verte/ investissement recherche/ jeunes apprentissage apprendre..
« TouT se tient ». Et bien là ça ne se tient pas. Il faut des actes, la politique par la preuve. De l’audace, de l’invention. Voilà. La politique par la preuve, dans le bon sens, avec du sens pour l’avenir. Sans tergiversations, sans reculades, sans tactiques politiciennes. Et avec les entreprises. « Tout se tient » Oui, là, c’est mis en actes. Je suis fière de lui rester fidèle. Sans aucune idéalisation.