S’unir aimer naître donner la vie désirer
Les débats (à l’Assemblée Nationale et dans l’espace public) qui ont lieu et bien lieu, quoi qu’on en dise, à propos du « mariage pour tous », sont rudes, souvent haineux, injustes, dangereux, surfant sur l’ignorance et la peur parfois. La grande peur « réactionnaire » vient en réponse à ce qui se met en branle dans cette demande pourtant si normative, cette demande entre autres d’avoir le choix. Il n’empêche qu’ils ne clivent pas forcément, sur tous les sujets, aussi radicalement droite et gauche ; réactionnaires et progressistes ne sont pas strictement identifiables comme d’un camp ou de l’autre. On voit et on entend l’Eglise, les Eglises, qui bien évidemment peuvent dire leur point de vue, mais qui ne sont, au fond, pas plus concernées que cela puisqu’il s’agit là d’une Union Civile dans un Etat laïc, sauf à dénier aux Lois Républicaines leur primauté sur la Loi divine.
La question de l’union, qui ne va pas sans les questions des filiations, est une saine et riche occasion de (re)penser toutes ces questions des familles et des procréations, les enjeux, les pratiques, leurs limites, mais aussi leurs avancées (cf. D Bertinotti pour ces initiatives bienvenues et l’accent mis sur « les » familles). Il serait malhonnête de ne pas dire que cela est complexe. Beaucoup a déjà été dit, écrit.
Ici, donc, mon « point de vue », pour épingler quelques-unes des idées fortes que cela met en branle.
Tout d’abord, il est consternant qu’il y ait encore une fois une telle méprise quant à la position de « la » psychanalyse, qui n’existe pas d’ailleurs en tant que telle. Il y a « des » psychanalystes. Ils écoutent et accueillent les symptômes, mode de jouir de chaque parlêtre, un par un. Pour beaucoup, peut-être même la plupart, ils exercent leur pratique avec sérieux sans prétendre pouvoir se substituer au débat de société et aux décisions parlementaires. Certes, ils ont choisi une orientation doctrinale mais celle-ci ne va pas sans une remise sur le métier constante, à chaque fois qu’une rencontre a lieu. Les homosexuel(le)s viennent « aussi » nous consulter, ai-je envie de dire de façon un peu ironique. Ce n’est pas une race à part. La clinique ne saurait s’endormir. Sans se prendre donc pour la Vérité (encore plus quand elle a droit de cour médiatique), cela ne les empêche ni de réfléchir ni de témoigner à partir de leur clinique, dont ils ne peuvent cependant faire Loi générale (sociologique, anthropologique, voire statistique). Mais certains, hélas, oeuvrent parfois à dévoyer cette éthique, parfois « sincèrement », en conscience (cette idée est à la mode), parfois animés de cette passion haineuse contre notre science, (bénéfice secondaire de cette posture), animés du désir de se faire un peu remarquer, voire aimer. C’est dommage. Vous trouverez ici références, textes et pétitions, pour un autre son de cloche.
« Mariage pour tous : contre l’instrumentalisation de la psychanalyse ». Cette initiative refuse l’instrumentalisation de la psychanalyse à des fins moralistes et rétrogrades.
« Rien dans l’expérience freudienne n’est de nature à valider une anthropologie qui s’autoriserait de la Genèse /la structure œdipienne dégagée par Freud n’est pas un invariant anthropologique /au niveau de l’inconscient, les deux sexes ne sont liés par aucune complémentarité originaire, ce qu’exprime l’aphorisme de Lacan : « le rapport sexuel n’existe pas » / il revient à chaque être parlant de trouver les voies de son désir, qui sont singulières, tordues, marquées de contingent et de malencontres ».
(tout le dossier est consultable sur Lacan Quotidien )
Et aussi : « Des psychanalystes face à l’égalité des droits et au « mariage pour tous« ». « Nous, psychanalystes (ou en formation psychanalytique), souhaitons par ce communiqué exprimer que « La psychanalyse » ne peut être invoquée pour s’opposer à un projet de loi visant l’égalité des droits. Au contraire, notre rapport à la psychanalyse nous empêche de nous en servir comme une morale ou une religion. En conséquence, nous tenons à inviter le législateur à la plus extrême prudence concernant toute référence à la psychanalyse afin de justifier l’idéalisation d’un seul modèle familial »
Les (des ?) psychanalystes sont donc à la tâche de prendre acte de ce qui bouge, inexorablement, de là où les « progrès » de la science nous ont menés : possibilité de concevoir et d’engendrer un petit d’homme « hors corps « , à partir de fécondations de laboratoires, d’ « union de gamètes », de donneurs voire de donneuses anonymes, hors rapport sexuel, ce qui n’est pas hors désir. « Grâce » à la science, et ses applications, qui inexorablement veut avoir la main sur la nature pour le meilleur et pour le pire. On évoque même la possibilité de créer un embryon à partir de cellules souches barrant « définitivement » la nécessité d’union HF, voire le « couvage »dans un ventre masculin. Il existe donc une disjonction entre procréation et copulation. Les figures parentales sont diversifiées, la conception d’un enfant n’est point liée automatiquement au rapport sexuel. « De nos jours, les éprouvettes ont désacralisé la conception, et si elles peuvent servir à reproduire des corps, elles ne suffisent pas à concevoir un sujet. Il y faut du désir et de l’amour, ce qui ne se trouve dans aucun vase concepteur ». L. Majhoub LQ 279
Une conception « hors corps » existerait donc via les progrès de la science. « Hors corps » mais pas pour autant sans désir. Il y a toujours construction et nécessité d’un fantasme de la procréation, de l’engendrement, de ce qui fait qu’à un moment donné j’ai été considéré et conçu dans le désir d’un autre, de deux autres (au moins). Une nouvelle façon de faire « scène primitive ». L’acte sexuel H/F n’est bien évidemment pas le tout de ce qui définit être H ou et F puisque la rencontre sperme/ovule par exemple n’est pas superposable à ce qui dans l’amour vient « nouer le désir et la Loi » et la Jouissance de l’Un tout seul. Les rôles sexuels ne sont pas identifiables aux genres. Depuis l’invention de la psychanalyse pas S. Freud, le recueil minutieux des témoignages révèle que les rôles et fonctions ordinaires, communs, et conscients, sont vite mis à l’épreuve des représentations inconscientes. Nos choix inconscients sont bien souvent hétéronomes aux décisions de notre vie consciente. L’anatomie est-elle encore le destin ? Là encore, la technique a ouvert la voie à une « maîtrise » des voies naturelles. L’anatomie qui fait (encore) différence n’est pas le tout des identifications sexuées, sociales, amoureuses. Ainsi en va-t-il, par exemple, du choix d’objet, de l’identification phallique d’une femme, d’une jouissance « féminine » pour un homme, quelques exemples d’une palette complexe, quant aux accroches possibles pour la construction d ‘un sujet. « La différence qu’il y a, parfaitement notable et dès le premier âge, entre une petite fille et un petit garçon…s’impose comme native..bien naturelle… les sexes paraissent se répartir en deux nombres à peu près égaux d’individus..Ils ne se reconnaissent comme êtres parlants qu’à rejeter cette disjonction par toutes sortes d’identifications dont c’est la monnaie courante de la psychanalyse que de s’apercevoir que c’est le ressort majeur des phases de chaque enfance » (Lacan Séminaire livre XIX).
Prendre acte du réel et en décider les limites et les usages pour tous est le rôle aussi du législateur. La PMA pour les femmes lesbiennes n’est-elle pas mieux encadrée qu’interdite, et revenant par la fenêtre de la Belgique ou des USA avec mère porteuse en prime et enfant sans statut ? Reconsidérer la PMA est légitime. Rappelons combien de femmes hétéro. font parfois usage excessif de ces méthodes, n’ont-elles pas alors cette demande si tenace qui serait refusée aux autres ? Car le désir d’enfant(s) n’est jamais un désir pur ; même si la morale (soutenue par la religion notamment) en fait un acte de don, celui-ci est plus le leurre d’une satisfaction maternelle et paternelle (voir des grands-parents) qui n’entreraient pas en ligne de compte sous l’angle narcissique, et heureusement. Et puis, cette technique, PMA, (aide médicale à la procréation ou procréation médicalement assistée comme on veut,) et son signifiant » médical » est à reconsidérer en entier, sauf à considérer qu’elle n’est là que pour soigner, ce qui n’est déjà pas le cas, puisqu’elle est plutôt là pour assister « techniquement ». Il faudrait aussi, comme beaucoup le demandent, légiférer sur la levée de l’anonymat des donneurs : ainsi G. Delaisi de Perceval (anonymat des tiers donneurs libé 9 janvier) et le Dr R. Frydman qui demande « un plan pour la PMA » et que l’on reprenne la recherche. Il est intéressant d’apprendre que cette pratique d’insémination est pratiquée dans les couples hétéro. depuis belle lurette, créant ici ou là dans les familles un « mensonge » consenti, et découplant déjà père biologique donneur et père tout court. Mais au fond qui est parent ? N’est-ce pas (aussi) celui qui soigne, élève, nourrit, prend soin, aime.. ?
On ne peut nier que ce qui se passe là change profondément les rapports et les représentations psychiques, symboliques, imaginaires, réelles. Ce n’est pas tant l’union de deux que la question de l’engendrement et des nouvelles techniques de procréation d’ailleurs qui viennent bouleverser la donne. La question du désir d’avoir un enfant, de faire un enfant, seul(e), à deux, avec un tiers, avec une assistance laboratoire, « hors-corps » si je puis dire, reste bien évidemment posée. D’ailleurs ce pas juridique qui ne vient au fond qu’entériner « ce qui se fait déjà » et donc permettre surtout un statut légal au partenaire et à l’enfant, repose, et c’est tant mieux, la question fondamentale de l’origine, de la création, et du désir.. La question vaut d’être posée. Il n’est pas rare qu’un désir d’enfant, dans un couple hétérosexuel, chez une femme hétéro., doive être interrogé dans son aspect parfois « pathologique ». Là-dessus, il n’y aucune différence à faire et les homos mettent là le doigt sur ce qui tout de même pour l’éthique et la conception du monde fait bouger de façon irréversible les lignes. Oui, quelque chose, forcément, vient maintenant à être noué autrement. La question en tout cas vaut d’être posée. Quelque chose peut faire trou dans la conception, pour un enfant, quant à la représentation du père, du père-en-corps, d’une consistance charnelle irreprésentable. De la représentation d’une union charnelle, d’un instant de coït, qui n’existe d’ores et déjà que dans une dimension imaginaire, (dans les réimplantations par exemple), cousine d’une scène primitive, affamée de vouloir à tout force jusqu’au délire psychotique (se)représenter une origine dans le Réel. Non seulement risque de pas de père, mais le Réel (science, fécondation cellulaire, souchaire) viendra prendre la place pour partie ou pour tout d’un certain imaginaire de la relation parentale, et tout de même de ce qui fait fonction de père (nouer le désir à la Loi). Mais en 1955 Lacan disait déjà : « Que peut vouloir dire être père ? […] la question est que..-copuler avec une femme, qu’elle porte dans son ventre, que ce produit finisse par être éjecté- n’aboutira jamais à constituer la notion de ce que c’est qu’être père..être père au sens de procréer » (Séminaire Livre III.). Pourrait-on aussi interroger ainsi la question d’être mère ?
Il y a chez les êtres parlants, dans l’appareillage du corps jouissant et du langage, un « autre » séparateur, en tout cas pas moins que chez un couple hétéro, pas plus non plus. La différence des sexes est représentée partout dans le discours, et la différence ne consiste pas seulement à être génitale. Il existe une distinction entre le sexe anatomique et la position sexuée, le choix du sexe dans l’inconscient. De même, les fonctions paternelles et maternelles peuvent-elles être incarnées, par un quelqu’un, qui n’est pas forcément père et mère biologiques. Des nominations séparantes semblent bienvenues, d’une façon ou d’une autre, faire exister des places non-confondues semble opportun. Deux mères nommées comme telles identiquement, est-ce souhaitable ? Je crois que ce n’est guère le cas, toujours s’y ajoute une petite virgule, si j’ose, un petit truc en plus, en moins, un insigne signifiant et identifiant. Si les choses sont dites, expliquées, l’enfant se fera sa propre version, son propre mythe, d’ailleurs il s’arrangera toujours pour distinguer l’une de l’autre, ou alors c’est qu’un nouage inconscient n’opère pas, et cela relève, comme pour d’autres, de soins. De cette « mêmeté » sexuelle, les couples avec enfants, conçus à l’Etranger par force, s’en accommodent déjà, inventent pour leur progéniture. (On évoque le cas de femmes lesbiennes dans le déni radical de l’Homme, oui cela existe, comme existe bel et bien disons pour certaines femmes en position hétérosexuelle la haine de l’Homme par exemple.. et ne parlons pas du machisme exacerbé, du déni de l’autre sexe, du désir d’un enfant toute (tout ?) seul(e), ou bien last but not least) du « refus de la féminité » freudien). Où l’on voit que c’est quand même très complexe.
La construction dans le langage passe par un autre. La conception est là portée par un désir différent d’engendrement, biologie, adoption; la question alors est-elle toujours pour l’enfant qui est mon père/ma mère, mon père biologique? La place du père dans son tryptique Réel/Symbolique/Imaginaire est depuis pas mal de temps démultipliée en fonction(s) paternelle(s), cela qui dit oui/non et qui introduit au langage dans son sens séparateur. Il pourrait alors être incarné par un(e) autre que le père biologique. On ne peut en tout cas laisser dire ici ou là que cela mènera à de la psychose, sauf à imaginer un monde sans différences sexuelles (et encore ?) ; la construction psychotique se révèle féconde quand elle a à faire à un père très présent, un père éducateur (cf. « Le président Schreber » Freud), dans des couples tout à fait hétérosexuels. Ou/et quand elle a à faire avec une mère qui met son enfant en place d’objet de jouissance. « L’altérité sexuelle survivra » comme le développe excellemment Irène Théry (Le Monde 9 novembre 2012). Il se peut que quelque chose du côté de la castration soit forclos, mais n’est-ce-pas imaginaire ? Si l’on suit Lacan, le parlêtre (être de langage et de jouissance, chacun de nous) est définitivement aux prises avec sa jouissance du UN tout seul, ses embrouilles de langage et de vérité pas-toute possible à dire, s’appareillant à l’Autre selon les arrangements qui lui sont propres, c’est ce qui fait d’ailleurs l’actualité de cette doctrine. Les modèles oedipiens ont cédé la place aux modalités multiples des jouissances.
« Dès 1936, dans Les Complexes familiaux, Lacan énonce qu’il n’y a pas d’instinct familial naturel. Il n’y a pas de fonction naturelle paternelle, il n’y a pas non plus de lien instinctuel entre la mère et l’enfant dans l’espèce humaine. La famille est une invention symbolique qui, depuis l’orée des temps, a pris des formes très diverses. La famille est une réponse symbolique au réel du sexe, au fait que ne peut s’écrire symboliquement le rapport du sexe entre un homme et une femme. À défaut de pouvoir écrire le rapport homme-femme, la famille écrit le rapport père-mère. C’est le christianisme, et en particulier la religion catholique, qui a institué un mode standard de la famille qui noue, chez le même homme, les fonctions de procréation, d’éducation et de transmission. C’est dans cette société qu’est née la psychanalyse. La famille représentait alors l’instrument de la morale traditionnelle : respect, valeur, idéal. Elle reposait sur l’identification. Les identifications parentales constitutives du surmoi orientent le sujet dans son existence et donnent une direction à la voie d’un désir soumis au renoncement à la jouissance. » JP Deffieux LQ280
Reste bien sûr la question de la GPA pour les gays (gestation « pour autrui » et « par autrui »), qui, déjà, à l’heure ou j’écris prend la forme d’une bombe (C. Taubira voulant donner un statut aux enfants nés de GPA à l’Etranger). L’autorisation de la GPA et de plus pour les couples H. gays, bien sûr, ça ne fait plus rien tenir du tout dans nos représentations. On se passerait du ventre sacré de la mère (ou bien on le sacraliserait encore plus ?). La mater dolorosa intouchable au fond, invoquée bien qu’elles le dénient, par des « féministes de gauche » (hélas très influentes dans la pensée française) avec l’argument récurrent de « la marchandisation du corps des femmes ». Heureusement que pour beaucoup d’autres lois libératrices on ne s’en est pas tenu à cet argument : une mauvaise pratique, commerciale, déviante serait-elle le sacro-saint argument pour dire qu’il ne faut pas légiférer ? Il me semble bien que c’est tout le contraire. Ou alors plutôt trafic d’organes que don d’organes, avortement clandestin qu’IVG, comme le développe avec pertinence E. Badinter ? On voit bien que cet argument de la marchandisation n’est là que pour couvrir une certaine représentation intouchable de la maternité, et de la bonne mère. Cette résistance qui ne cédera pas, dans notre belle France qui n’est plus guère aux avant-gardes de rien, révèle d’ailleurs au fond la main mise idéologique constante de la légitimité hétérosexuelle (et elle seule) pour la maternité, véhiculée par les tenantes de l’ordre établi, quels que soient leurs rangs (bien qu’elles s’en défendent). Ne voyait-on pas pourtant un soir sur FR2 deux gays ayant fait appel à une mère donatrice, je n’y ai décelé aucune monstruosité. Mais il semble bien (hélas ?), au vu des derniers emballements, que cette question ne soit pas mise en acte de sitôt tant les tenants (et tenantes !) farouches de la protection contre la « marchandisation des corps » sont actifs. Pourtant si l’on raisonne « égalité des droits » alors il faut avoir le courage de sa logique : E. Badinter (FInter 14 déc.2012 entre autres) pense qu’il vaut mieux légiférer sur la GPA plutôt que de laisser des pratiques sauvages qui existent de fait. Irène Théry pense à juste titre que cela nécessite une révision de la loi de bioéthique.
Il est d’ailleurs bien venu que l’on se saisisse de cette loi pour re-mettre en chantier les pratiques PMA, leurs limites, leurs contraintes, voire leur fondement. C’est ce qui semble être le cas, ainsi que l’annonce J-C Amsallem, Président du Comité Consultatif National d’Ethique. Comptons sur leur grande « sagesse » pour ne pas nous resservir en boucle l’argument rengaine de la marchandisation des corps. (Mais la position prise jusque là est hélas on ne peut plus assise sur un « modèle hétéroparental binaire et rigide », et la « complémentarité des rôles paternel et maternel », ainsi que l’analyse B. Perreau, Professeur au MIT et chercheur associé aux universités de Cambridge et Harvard). Comme lui j’ai d’ailleurs l’idée (la crainte?) que l’appel du Président au CNE soit une façon détournée de se débarrasser de toutes ces questions dont ils ne veulent pas, au fond, se saisir.
Un enfant pour soi dit-on. Un enfant tout seul. L’enfant d’une autre. Est-ce qu’une conception ne devrait pas être aussi (et surtout) la dette à l’Autre par rapport à la nécessité narcissique du « pour soi »? Un nouage de ça ? Ne sommes-nous pas tous plus ou moins des enfants « adoptés » (Lacan)? La venue d’un enfant est toujours un événement qui sollicite l’accordement de soi et du partenaire à une étrangeté singulière incarnée, dans un désir de transmission de la finitude humaine. Quelque chose d ’inédit est à l’œuvre à chaque fois. Quelles que soient les modalités de la venue au monde. On ne peut camper dans le déni de ce qui est, ce qui bouge, ce qui change. Il est d’ailleurs intéressant de repérer qu’une demande d’égalité qui est aussi une demande de « normalité », un « je suis comme l’autre », sans doute révélateur d’une demande aussi de plus de sécurité, qui va bien avec l’époque actuelle (jusqu’à la subversive Virginie Despentes qui s’y colle, à l’adresse de L. Jospin, dans son style incomparable), que cette demande donc du mariage, vienne se nouer avec ce que la science avance comme pratiques subversives. Pour J-A Miller, la demande d’ordre et de tradition (à laquelle sur certains points s’apparente la demande « mariage pour tous ») révèle la nécessité d’ordre par rapport au réel sans loi (Lacan Le Sinthome) : « le réel n’a pas d’ordre » on ne peut faire qu’avec un « bout de réel ». Intéressante aussi à noter : la position déclarée intangible du « je suis homosexuel(le) », comme si là aussi il y avait cette nécessité de s’assigner sous un signifiant du choix sexuel; comme si au fond rien de la position de Jouissance et du choix d’objet ne pouvait venir à changer.. Une demande d’inscription civile nouée à une fixation identitaire.
Reste l’amour que l’on invoque, que l’on convoque. L’amour, ciment des couples, mais aussi enfant de bohème, volage, capricieux, constructif mais aussi si vite enfui. Ce ne serait pas sérieux d’argumenter uniquement là-dessus. Transmissions et garanties matérielles, reconnaissance du conjoint et statut de l’enfant semblent tout aussi fondés. Comme disait quelqu’un : « le divorce pour tous »..Pas mieux, pas pire, que les hétéros.
Enfin, avant de conclure, ceci : les humains ont toujours inventé leurs mythes, muthos, et leurs récits, logos, devant l’énigme de l’Univers, et des origines. Mythe grec de l’autochtonie qui fait naître les hommes, gegenes, de la Terre, Ge. Athéna, née de la tête de Zeus, Dionysos couvé et né de la cuisse de Zeus, Pandora, première femme, faite de glaise, mieux encore Aphrodite qui naît sur les flots, fécondée par le sang de la castration d’Ouranos. Sans oublier le mythe de la bisexualité d’Aristophane. Dans la Bible, Agar portant un enfant pour Sara etc..La question de l’engendrement forclose dans la conception de l’Enfant Jésus en fait le fils de deux pères, et d’une mère Vierge. Immaculée conception. « Procréation spirituellement assistée » (Ph. Sollers). La religion catholique mettant là en lumière l’inexistence du rapport sexuel comme l’a formulé Lacan. Bref là où le mythe vient dire l’insu du réel, ce qui ne peut se dire, disait Lacan..
Quelque chose s’opère de la forclusion du récit mythique.
La psychanalyse oeuvre avec le pas-tout, le pas-tout de la jouissance, le pas-tout du dire, le fait qu’il y ait un reste, un objet (a) auquel le parlêtre est chevillé. Chacun à sa façon, chacun sur son mode. Un sinthome qui fait sa propre marque. Sur ce point quels que soient les engendrements à venir, il me semble que le sujet aura toujours à s’y coltiner. La loi républicaine pour tous et la « loi » de la jouissance pour chacun. Avec ou sans la loi divine, respectable et revendiquée haut et fort par le courant naturaliste soutenu par la droite comme incontournable.
Plus que jamais, le psychanalyste doit opérer dans la plus grande attention à ce qui se crée, se déploie et s’inscrit dans ce monde passionnant qui nous convoque à soutenir l’existence de l’inconscient, la valeur de chaque un, appelé à inventer sa vie. Faisons confiance aux inventions infantiles portées par des désirs qui s’avèrent bien à ce que j’en entends « non anonymes ». Payer sa livre de chair, donner de soi, céder de sa Jouissance à l’Autre. En céder sur sa Jouissance pour faire Union et Humanité, chaque un par chaque un.
ON PEUT CONSULTER
http://www.youtube.com/watch?v=1zSqqrSofWA E. Badinter Assemblée Nationale le jeudi 13 décembre 2012.
http://www.youtube.com/watch?v=RMdI_JBt9r8 Irène Théry AN 8 novembre 2012
http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2013/01/LQ-265.pdf JA Miller Le Point
http://www.mediapart.fr/journal/france/231112/mariage-pour-tous-le-grand-debat
http://www.regards-citoyens.com/article-mariage-pour-tous-le-combat-perdu-de-l-eglise-par-daniele-hervieu-leger-le-monde-114891503.html D. Hervieu-Léger
http://www.homme-moderne.org/societe/anthropo/heritier/MF278-81.html F. Héritier
http://www.avoodware.com/elisabeth-badinter-mariage-hom/ E.Badinter
http://www.rue89.com/2011/02/07/lois-de-bioethique-la-france-choisit-la-famille-ricore-180715
http://www.rue89.com/2013/01/09/interdits-denfants-vous-saurez-tout-sur-les-meres-porteuses-238417
http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-philips/291212/i-gestation-pour-autrui-et-interet-de-lenfant
http://www.ehess.fr/fr/formation-continue/manifestations-publiques/mariage/ I. Théry
http://lemariagepourtous.info/irene-thery I. Théry
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/11/08/l-alterite-sexuelle-survivra_1787902_3232.html?xtmc=thery&xtcr=1 théry I. Théry
http://www.franceculture.fr/emission-repliques-tous-pour-le-mariage-pour-tous-2013-01-12-0 I. Théry
http://www.dominique-bertinotti.fr/blog/2013/01/ma-réponse-à-henri-guaino-à-lassemblée-nationale-mardi-29-janvier-2013.html D. Bertinotti
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130131.OBS7386/moi-c-mere-porteuse.html Delaisi de perceval
http://www.homme-moderne.org/societe/anthropo/heritier/MF278-81.html F. Héritier
http://culture-et-debats.over-blog.com/article-534006.html http://www.observatoiredesreligions.fr/spip.php?article278 mères porteuses dans la bible
A. Milon favorable a la PMA et a la GPA libérationA. Milon
http://www.najat-vallaud-belkacem.com/2010/11/21/gestation-pour-autrui-lethique-du-don/ N. V-Belkacem
http://www.liberation.fr/societe/2013/02/06/comite-national-d-ethique-gardien-de-la-famille_879884 B. Perreau