On a vu avec la ManifPourTous (ré)apparaître le discours de la prévalence de Dieu sur les lois de la République, sans retenue, sans gêne (cf. billet infra). On avait déjà pu d’entendre cela de la bouche de NS, vous savez le prêtre au-dessus de l’instituteur.. Si la position de foi est respectable dans son intimité et son lien au divin un par un, si l’Eglise, les Eglises sont acceptées voire bienvenues dans l’espace républicain en tant qu’insitutions qui ont un point de vue, une charge, et une responsabilité morale par rapport à la communauté, on peut à juste titre s’inquiéter, se désoler, voire s’emporter contre un envahissement idéologique manifeste qui ne cache pas sa volonté d’évangélisation ici et là. Ainsi le « bon » pape François, sous couvert d’être du côté des pauvres, exhorte-t-il la jeunesse du monde à ne pas reculer devant la tâche. De même les salafistes optent-ils pour la charité pour mieux exercer la prédication et la conversion. La place qu’occupe ainsi de nos jours la/les religions dans l’espace public des démocraties invite à quelques réflexions plus larges concernant la jeunesse, son devenir, et les perspectives identificatoires offertes en ce début 21ème siècle.
Ceux, souvent diplômés, qui optent pour migrer vers des cieux plus cléments (Canada, GB, EU, Australie etc..) rêvent sans doute de moins d’impôts, plus de chances et plus d’offres de travail à leur juste niveau, en quittant leur pays, la France. Pourquoi pas? Vont-ils trouver leur eldorado, l’herbe est-elle plus verte ailleurs? Va-t-on ici même entendre leur message et la signification de leur départ?
D’autres, héritant consentants de la charge bourgeoise, restent dans les rangs d’une certaine classe catholique conformiste, encline à la discrimination et au fantasme au fond radical d’une race pure. Faisant lien et famille entre eux, pas plus ni moins que les autres. D’autres, des mêmes lieux, mêmes origines, voulant rompre avec ces idéologies, sont souvent confrontés alors à de grandes difficultés, de grands émois, tant leur éducation est un ciment solide aux fondements inaltérables, en regard de cette « liberté égalité fraternité » pour tous que leur promet la Gauche et… qu’elle ne tient pas. Alors cette question volontairement provocante se pose : que vaut-il mieux choisir à 20 ans, une droite rigide encore assurée d’elle-même jusqu’à ses déviances, ou une gauche emmêlée, gestionnaire et comptable, qui ne conserve comme vision d’avenir face au déferlement financier que quelques beaux efforts, égalité HF, mariage pour tous (mais pas au-delà, sans PMA, GPA) incarnés par quelques voix, hélas parfois maladroitement : par exemple faut-il à ce point nous éduquer à être fille-garçon et penser qu’un enfant n’a pas besoin de construire ses désordres, ses troubles identitaires, ses questions sur le sexe, faut-il ainsi de la morale « enseignée » avec quelles garanties? Attention donc à cette sorte de socialisme normalisant, éducatif, comportementalisme. (cf la question de l’autisme, nous allons y revenir). Car, on n’a pas constaté pour l’instant que dans la « réflexion » socialiste quelque chose s’énonçait d’une remise en cause par exemple des évaluations, statistiques, comptages, notes, à outrances, comme alpha et oméga des politiques publiques (santé, police, justice, éducation etc..). C’est toute une conception du monde, de son sens, et de son orientation, qui sont pourtant là en question.Quant à la belle question sur l’avenir de l’écologie, et donc notre avenir, notre civilisation voire notre existence, on a vu récemment encore comment une voix un peu libre a été priée de se taire.
Ceux qui sont à l’âge des choix, des aiguillages, des à-venir, que peuvent-ils espérer, sur quoi peuvent-ils s’arrimer, s’ancrer, qui puisse faire un peu vérité? De quel prix payer pour certains une séparation, un éloignement, voire une rupture avec la famille, si rien en échange, en réponse, n’est offert comme promesse de « bonheur » et de plus d’idéaux, et pas seulement de réussite matérielle? La machine boursière infernale, le flux des capitaux, la mondialisation, tout cela dans quoi ils sont nés ne trouve pas d’adversaire suffisamment déterminé et éclairé dans les socialismes, contaminés à la fois par l’hyperpuissance des marchés, la dictature des sondages, et l’appétit électoraliste antinomique du courage de l’Acte. Cela donne, ici même, ces petits arrangements naïfs avec les banques, avec les multinationales, les grands patrons qui « s’autorégulent », ou bien le « redressement productif » qui entérine des contrats plutôt douteux, qui aime le gaz de schiste, sans grande vision des conversions nécessaires et porteuses du futur (on lit avec délectation et agacement mêlés que beaucoup d’écolos ont voté pour AMontebourg aux primaires, mais franchement)…
Ailleurs encore, il y a le djihad. Les conversions. La quête d’une cause, folle. Ce qui, dans les quartiers, mais pas seulement, ne trouve que chômage, rejet, « mornitude », se trouve parfois, trop souvent maintenant, fasciné par une promesse de bonheur morbide et destructeur : tuer/se tuer au nom de Dieu. Ainsi le suicide d’un militant d’extrème-droite à Notre-Dame au mois de mai fut-elle déclenchée par la question du Mariage Pour Tous, mais en-deça la cause profonde insondable relève sans nul doute de plus de complexité . En effet, ce qui pousse un sujet ici ou là dans ses chemins, ses pentes, ses choix, ses actes, est au-delà d’une cause sociologique, même si un environnement politique et le discours qui le sous-tend et le soutient attise et alimente toujours la pathologie. (On peut se référer à l’excellent travail du juge Trévidic sur le djihad, individuel notamment). Souvenons-nous de Mohamed Merah, (cf. billet infra), cette errance première, et ce dérèglement psychique, (quoi qu’on en ait dit), qui prend la religion comme support, comme métaphore délirante. La cause de Dieu qui légitime le passage à l’acte, la pulsion criminelle alimentée par les discours déviants fondamentalistes (islamiste, mais pas seulement) ; les falsifications, manipulations, images, armes des recruteurs intégristes, suscitent et alimentent les adhésions naïves à ce qui n’est qu’ordre de faire tout Un, d’exclure l’autre, et de tuer : « des actes commis par des gens isolés qui relèvent du pulsionnel pétage de plomb de jeunes radicalisés via internet » Trévidic (pas si loin du syndrôme du suicide altruiste et de l’ordalie). Des imams souvent le déplorent mais se disent impuissants face à ces convertis internet.
Désordres, ravage, turbulences, arrimages au divin (faux-divin d’un message falsifié?), tout cela est à à entendre comme signe pathologique du malaise, de l’effet capitaliste du « tout se vaut », l’indifférence marchande forgeant une différence « essentielle » radicale, excluante. Hélas le Désir introuvable du Politique, inaudible, sans vision, dans sa communication maladroite, hypocrite, ne vient pas faire écho ni répondre au « comment exister, être, avoir, faire création, identité, perspectives, sens, vers où? ». Alors on devient soi-même l’objet de la « cause », la jeunesse qui fout le camp, on fait lien autour des causes de la foi, JMJ et les idéaux évangélistes, ce qui dépasse la Nation, l’Etat, la République, mais aussi ce qui se retourne en haine (cf France (R)ance). Ou bien, même tonneau, ce qui réinterprète l’Islam dans sa part sombre et sans doute fallacieuse. Vers sa propre mort et celle de l’autre. On s’identifie persécuté et victime, ou on se renferme sur son Même, sa communauté son clan son groupe sa famille son couple. A sa mesure le mouvement MPT est aussi pour certains le temps des croisades. La Loi divine vient se substituer à Loi du langage, loi humaine, le Nom de Dieu devient Réellement le Nom du Père qu’il n’y a pas.
Car ce qui échappe au Symbolique fait retour par l’Imaginaire dans le Réel (c’est ce que nous indique J. Lacan Séminaire III Les Psychoses). Il y a là, dans le dévoiement de la religion, créationnisme obscurantisme, intégrisme, son annonce comme la seule Vérité, un secours, un recours pour le vide existentiel, une solution radicale, face à une assignation à résidence identitaire, une autorisation à la nécessité violente de passer à l’acte. Dérive là où la pulsion ne fait pas nouage dans lalangue, par la langue, parce qu’une Symbolisation est inopérante. Pour beaucoup de jeunes adultes en errance ici et là, les causes sociales ne suffisent pas à expliquer, ils cherchent une cause (idem pour la dérive vers extrême-droite MPT) l’éducation non plus ne suffit pas. Il fautdrait par exemple un maillage via des structures d’accueil qui se soucient de psychopathologie, une réforme profonde de la pédopsychiatrie. Ça ne les « sauverait » peut-être pas tous, mais au moins quelques-uns. Et nous aussi. Mais toutes ces considérations cliniques, ce savoir-faire, nos expériences, tout cela a disparu depuis longtemps, ( il est même question de supprimer l’enseignement de la psychopathologie clinique à l’Université..), les analyses sociologiques restent mainstream, en boucle, on ne s’intéresse plus guère au Sujet, sa singularité, son Inconscient, son Symptôme, et sa possible Rectification Subjective. Certains, pourtant, dans nos cabinets, ou dans quelques autres lieux, on en témoigne, font vérité sur ce qui allait les happer là de mortel, d’une jouissance enfouie, mais sans cesse revenante dans la pulsion de mort, de soi, de l’autre, infantilement fixée dans le fantasme de l’abandon et la quête d’Unpère Tout puissant à qui se donner. Mais on hurle dans le désert de la Grande Oreille Socialiste. Et de son choix étatique comportementaliste, quasi à la soviétique : j’en veux pour preuve la prise de pouvoir et l’interprétation radicale récente quant à la question du traitement de l’autisme, et par ricochet le mépris pour tous ceux qui s’en occupent depuis si longtemps, des mal-venus, des malpropres, et des interdits de séjour; imposer un seul mode de traitement (déjà fort contesté,) avec l’argent public, c’est le cas, faire fi de toutes ces lettres ouvertes de professionnels tous plus respectueux et respectables, et expérimentés, les uns que les autres, n’est-ce pas franchement hautement révélateur d’une orientation idéologique plus que préoccupante? On voit des mairies socialistes et leurs conseils locaux de sécurité où tout est géré, évalué, classifié, sociologisé. On voit des villes socialistes, pas des moindres, diminuer drastiquement les contrats d’accompagnements de jeunes en grande difficulté sociale mais aussi psychique. Pas de place pour l’errance, pour le défaut, la faille, le raté, qui du coup revient par la fenêtre massif violent explosif. Compter, gérer… »Une approche toujours plus gestionnaire et conservatrice.. angoissée à l’idée d’une quelconque rupture.. le discours, la politique conçus comme pur technique.. » Juan Branco Libé 5-08-13. Alors que face aux quêtes identitaires ce ne sont pas toujours les lois qui sont nécessaires, mais des rencontres attentives, humaines, un par un.
Voilà. Il se passe quelque chose depuis longtemps, ce désordre, brutal, violent, sans terme, ou bien cette indifférence, ou ce repli, cette déshérence en tout les cas, oui au sens où il n’y aurait pas d’héritiers, pas d’héritages pour eux. (Pas pour tous bien sûr, mais les violences répétées de toutes sortes nous amènent à cette analyse et ce constat et cette alerte). C’est bien évidemment notre responsabilité à tous; à ces désordres doivent répondre des mots, des paroles, des actes d’accueil contre les leurres identitaires et leurs dangereux prophètes. Car quand les mots manquent la violence est aux commandes. C’est aussi la responsabilité d’un Socialisme qui ferait lien, orientation, ancrage, perspective, consistance. Certes la chose n’est pas aisée, mais le Politique se doit d’être déterminé convaincu et convaincant de sa présence comme celui qui fait barrage de la bonne façon à ces appels fous délirants de toutes sortes et de toutes parts venus.
La vie c’est de la jouissance turbulente et mouvementée, elle doit respirer, palpiter, au temps de la jeunesse, plus encore, elle doit se nourrir et s’enrichir de la pensée, la controverse, la création, ne pas s’inscrire dans le vide, le rien d’une comptabilité autosatisfaite. Le lien qu’il n’y a pas brise ce qui gronde. La belle terre des Lumières a d’autres promesses…
PS- Le Monde jeudi 8 août Mme Conway- Mouret Ministre déléguée chargée des Français de l’étranger objecte à cette idée (que je reprends) que beaucoup de jeunes s’expatrieraient. Soit. Elle met en avant aussi bon nombre de dispositifs notamment Priorité Jeunesse. C’est tant mieux, je prends acte, espérant que ces petites graines vont porter leurs fruits..Cela n’est pas bien sûr le tout d’une action politique, au sens de ce qui doit faire lien, appui, détermination, désir…