Morale, éthique, et conviction(s).


Serais-je désenchantée, déjà? Encore aurait-il fallu être enchantée. J’ai joué le jeu, fidèlement, je le reconnais, surtout par conviction « derrière » S. Royal, me situant depuis toujours à gauche. J’attends, j’écoute, j’observe. L’investiture m’a semblé pas trop mal.Les 60 propositions me conviennent bien, on y retrouve des visions de Royal. J’ai bien conscience que la politique est toujours un combat un peu compliqué face au  réel (et souvent perdu d’avance), nous savons bien cela en psychanalyse, combien nouer les registres, forger les compromis, est un art difficile. « Gouverner, éduquer, soigner », tâches impossibles disait S. Freud. Donc indulgence, respect. Ne pas hurler avec les critiques permanents de tout, les « y’a qu’à », prendre la mesure du Réel et de cette tâche si ardue au sommet de l’Etat Français, et dans les ministères où beaucoup de personnes s’engagent avec conviction.

Et puis, pourtant, jour après jour quelques « déconvenues » : Nicole Bricq, le mystère du ministère de l’écologie, comprendre; les déclarations de Cahuzac, Moscovici (ça on n’espérait pas trop de surprises), la contribution Aubry-Ayrault, comprendre. Et puis le non-cumul qui semble partir dans l’arrière-cour. Ah ça! La culture socialiste du pouvoir! Et puis, chère Najat, cette déclaration très volontariste  sur la prostitution à éradiquer, un peu à la grosse, là où il faut bien sûr considérer la question dans toute sa complexité. Et puis Montebourg et le gaz de schiste…Bref! C’est bien le moins qu’en simple citoyenne je n’ai pas trop envie de manger mon chapeau. Même si, j’insiste, j’ai grand respect pour  ces élus et ces ministres de la République, je suis bien attentive au respect des engagements pris.

Et puis vient le 14 juillet, l’interview du Président, beaucoup de temps sur PSA, bien sûr la gravité de l’évènement le mérite, et vaut d’affirmer avec force l’intervention de l’Etat, mais cependant des chiffres sans trop de vision, quelques formules parfois à résonance ségoléniste, « l’effort juste », mais sans l’âme. Je tends l’oreille, espérant entendre croissance verte, écologie, comme perspectives d’avenir, voiture électrique, comme relance de l’industrie, mais non je n’aurai que « innovation » (ah les mots imprononçables! parce que trop identifiables?). N’aurait-on pas dû en entendre davantage sur beaucoup d’autre sujets passés à la trappe, la finance par exemple, (Libor, BNP), afin que ce premier 14 marque un grand coup du côté d’un désir habité? Suis-je trop exigeante?

 Et puis vient le coup, terrible je dois dire, encore mes oreilles qui n’en peuvent mais. Oui une Commission de Moralisation (les Soviets?) conduite par un ex-lambertiste caché, M. Jospin. Il faut bien ça pour les résistants au non-cumul, les profiteurs de sièges et de fonction, il faut bien un homme aussi « intègre ». Est-ce que j’exagère? Il me paraît indispensable de rappeler ici quelques faits et dits, pour encore une fois, ne pas oublier, et… mieux comprendre.

« Sur la moralisation, le profil idéal de Lionel Jospin est incontestable. « L’austère qui se marre », comme ce protestant se dénommait en 2002, est l’intégrité faite homme » écrit Stéphane Alliès. Mais M. Alliès où avez-vous été inventé un tel mythe, répété à l’envi, l’intègre, le protestant, l’irréprochable, et tout cela? « L’austère qui se marre » comme vous le dites est une « auto-nomination », donc cela ne vaut que ce que cela vaut. C’est aussi, cependant, le point de vue du Président, lié comme il l’est, semble-t-il, par la propre amitié portée à son mentor (qui pourtant l’a souvent assez mal traité). Lié sans doute aussi, (c’est une hypothèse),  à deux femmes :
-la philosophe « féministe », celle qui méprisait la candidate de toute la gauche en 2007 : « Elle est très jolie, elle est très photogénique. Si M. Besnehard, qui s’occupe d’elle, s’occupait de lui faire une carrière dans le show-biz, je crois que ça serait bien pour tout le monde » dit-elle en plateau, (Bravo la « sororité »! Revoir, réentendre cela me reste insupportable Ruquier octobre 2008), celle qui s’auto-investit comme la grande défenseuse des ventres des femmes, aveuglée par son moralisme (qui se ressemble s’assemble?), endossant le manteau de la vertu pour défendre le corps de toutes les femmes, elle la « sachante »,
-et l’autre, la compagne twitteuse qui ne veut rien lâcher, donc qui veut tout, pouvoir ici et pouvoir là, et dont les interventions et comportements ne révèlent pas un grand sens de l’Etat, c’est le moins que l’on puisse dire.

Cet intègre-là n’était pourtant même pas capable d’assumer devant l’Assemblée Nationale son passé de lambertiste, diantre. Cet intègre-là n’était pas non plus capable de soutenir Montebourg dans son action  contre Chirac (une sorte d’impeachment). Plus près de nous, en silence (malgré plusieurs demandes d’interventions à lui adressées), lui, le grand respectueux des règles, il cautionne le rapt rochelais contre sa camarade de parti en tête au premier tour, avec les voix de droite et d’extrème droite. Ah j’oubliais les « mots tendres » à l’adresse de la candidate de gauche en 2007 (L. Jospin L’Impasse 2007) : « Il ne faut pas que cette illusion se prolonge. Ni qu’on présente comme moderne et novatrice une démarche archaïsante et régressive. Elle nous maintiendrait dans l’impasse… » , plus loin « Car cette personnalité n’a pas les capacités humaines ni les capacités politiques qui seront nécessaires pour relancer le Parti socialiste et espérer gagner la prochaine élection présidentielle ». ici et ici.Ne parlons même pas de son lâchage un soir de 2002, qu’y a-t-il de vénérable là-dedans?
Alors, franchement, voilà une belle intégrité qui nous promet une commission fertile en diktats, sentences, voire en manigances. Je souhaite me tromper.

Les moralistes et moralisateurs sont les pires ennemis de la morale parce qu’ils sont eux-mêmes soumis à une force sombre rigide et obsédante, bien loin de la liberté de l’éthique. C’est une des faces du surmoi, terrible. Ne pas confondre moraliste/moralisateur et éthique qui nécessite une haute discipline personnelle de vertu, virtus. Qui au PS? Qui parle de République irréprochable? Ne pourrait-on parler de modernisation plutôt que de moralisation?

Que le Président soit pris ainsi dans des dettes (affectives?) a pour conséquence qu’il envoie là un mauvais message. Il confie une mission ou bien fantoche ou bien trop haute à quelqu’un qui à mon sens ne la mérite pas et ne l’incarne pas. En outre il porte outrage à une Dame politique de grande valeur, inventive, respectueuse, et respectable. La nomination d’un ex-premier ministre dont la conduite a été parfois douteuse, drapé lui aussi  (voir supra) dans son « faux » manteau de vertu masquant son orgueil, c’est hélas un acte qui pour moi (et beaucoup d’autres) ne prend pas forcément le bon chemin, c’est un signe de reconnaissance déplacé. Cela  ne donne pas à toute cette affaire de moralité politique l’ampleur, la qualité et le sérieux (pas au sens de « l’austère qui se marre »!) qu’elle mérite, question mise sur la table depuis longtemps par S. Royal, (souvent à contre-courant de beaucoup de ses « camarades »).

Quant à sa non-réponse le 14 sur la place de sa compagne, elle est du même ordre que son silence, son « absence », au congrès de Reims, la nuit des « fraudes », exemplaire d’évitement.  Le silence, on le sait, peut tout aussi bien être interprétable comme un oubli, un acte manqué, une stratégie d’évitement, un déni. Pourtant cette question reste pendante.

Enfin, M. le Président, puis-je me permettre? La popularité, c’est un talent d’abord avant d’être un mérite, contrairement à ce que vous dites. Il y faut bien sûr une éthique de responsabilité mais il y faut aussi, au plus près, incarnée, une éthique de conviction, qui noue l’Acte et son concept. Politique par la preuve.

©evah5

Interview de Ségolène Royal à la Conférence Sociale, des idées à foison, claires, concrètes décidées.


Interview de Ségolène Royal à la Conférence… par segolene-royal