« Allez courage! »

C’est J-P Mignard qui exhorte ainsi le gouvernement et sans doute aussi le Président à faire une vraie réforme judiciaire (Médiapart). « Promesse de modifier la loi statut des parquets..Allez! courage ! » Cela ne vaut-il pas pour beaucoup  des actions gouvernementales?

Au moment où j’écris, le « retoquage » par le Conseil Constitutionnel de la taxation exceptionnelle à 75%  fait beaucoup causer. Trop sans doute par rapport à la mesure elle-même, équivoque, maladroite et surtout assez inefficace. Certes, elle apparaît presque comme un acte manqué, un désir inavoué que ça ne puisse se faire; même si le Premier ministre annonce d’ores et déjà une nouvelle disposition en 2013.Incompétence disent certains, une « improvisation fiscale consternante » selon Piketty (Libé 31 décembre). C’est bien l’impression que tout cela donne.

Ce gouvernement, constitué pour mettre en oeuvre un projet de justice et de lutte contre la financiarisation, ne cesse de pratiquer la reculade. Les  promesses ne sont pas tenues. Certes, certaines propositions sont formellement réalisées mais beaucoup sont vidées de leur sens, non efficaces, parce que toujours marquées d’un consensus inopérant. La société française a besoin d’actes forts, ce qui ne veut pas dire forcément extrèmes. Est-ce « frileux » comme on le dit? Sont-ce des petits pas  ou bien une idéologie sous « influences »? Plaire à tous, faire des compromis, y perdre des plumes, satisfaire quelques-uns?

D. Cohn-Bendit pense (29 déc Libé) que la France est  dirigée par 60 énarques, qu’il faut redonner son rôle  à  l’Assemblée Nationale. Pour plusieurs des mesures prises, « qui a eu son mot à dire? » se demande-t-il à juste titre. Le 5 décembre Libé titre à propos du Président : « 4 nuances de rose ». Est-ce encore vraiment rose?
Le CICE est un trou d’air, une  » usine à gaz » dit Piketty, encore. Des  députés demandent en vain un minimum de conditionnalité sans laquelle toutes les combines et tous les détournements sont possibles. Est-ce trop?
La réforme fiscale, franchement, est a minima. « Les réformes fiscales n’ont corrigé les inégalités fiscales que de manière infime » ici aussi. C’était prévisible. Prévisible dès la campagne, dans le choix et l’orientation idéologique. « Qu’en 2013, la gauche renonce aux rustines symboliques pour enfin mettre en œuvre une grande réforme fiscale redistributive. En cette année sans élection, c’est le moment ou jamais » dit Sylvain Bourmeau.
Mittal. Montebourg encore une fois renvoyé dans ses cordes. Déjà le désaccord à Bercy par rapport à la  BPI; ah oui, la BPI qui chavire, tant les conseils privés de Lazard semblent mettre des bâtons dans les roues au pouvoir des Régions, un projet « frileux » dit JJ Queyranne. Montebourg, pas critiquable d’avoir voulu essayer  (cf Heuliez/SRoyal). Mais la vision juste et efficace, d’avenir, n’est -elle pas de s’interroger sur la viabilité  de la  sidérurgie, et plutôt de favoriser l’industrie « verte »?  « Favoriser l’éclosion d’entreprises nouvelles, en particulier écologiques » ici et ici. Il faut pour cela du courage politique.  DCB Libé 29 déc. : « On ne protège pas les salariés en maintenant des sites qui n’ont pas d’avenir ».
Réforme bancaire et ici. Un pocco ma non troppo. moins que USA; que GB. Laissons  les banques s’arranger de leurs fonds spéculatifs. Je ne veux pas que mon argent, celui de mon travail, serve à la spéculation…Mais pas de class-action en France! « Privilégier le consensus bancaire sauvera-t-il seulement le compromis social et démocratique? » interroge Cynthia Fleury (Libé jeudi 27 déc.) rappelant les fortes paroles de Roosevelt en 1936 « lutter contre monopole industriel et financier, spéculation, banque véreuse.. » loin  de la position de P. Moscovici « Partout je privilégierai le consensus »..

Ont-ils un tant soit peu notion de la logique des conséquences tous nos gouvernants? Voient-ils que beaucoup sont déçus, ou bien en colère, ou bien désabusés? Certes la société française est une société bloquée, à la fois généreuse parfois, mais aussi tellement réactionnaire, confite dans ses habitudes, clanique, belliqueuse, envieuse du voisin. Chacun se crispe souvent sur ses idéologies, ses certitudes; on voit bien la difficulté structurale à gouverner, à réformer, (pour exemple la tâche quasi impossible de « transformation » pourtant nécessaire de l’Education Nationale). Mais cependant on  note  une incohérence. Un arrangement permanent. Des compromis insupportables, là où il faudrait savoir trancher. JM Ayraut  était pourtant un homme appréciable et apprécié  à Nantes. Est-il empêché? Est-il trop contraint par une stratégie présidentielle sous influence? Vraiment je le crois. Ces calculs élyséens que l’on devine, qui sont sans doute aussi la marque personnelle subjective du Président ne valent rien de bon. Ils pourraient être dangereux, ne donnent pas le cap.

N’oublions pas les amitiés qui durent, Bauer, Valls, Fouchs. Allez ajoutons Moscovici et Cahuzac, et aussi le Directeur du Trésor qui est resté en place après Sarkozy. Cahuzac, je n’en parlerai pas, juste dire qu’on ne gagne rien à ne pas vouloir à toute force dire ou rétablir la vérité. On peut faire le mariage pour tous, (dieu que c’est difficile !), on peut s’occuper des femmes dans tous les registres, avec volontarisme,  et c’est tant mieux, (attention tout de même à ne pas vouloir légiférer sur le tout de la vie privée, de l’éducation, de la différence des sexes; des nécessités parfois de faire sa petite névrose infantile). On peut faire contrats d’avenir, (contrats aidés cependant, quid de l’apprentissage?),de génération, vouloir avec obstination légitime bouger la chose médicale, etc..c’est tant mieux. Mais l’ossature, l’axe, quels sont-il? Les cordons de la Bourse, les Finances…DSKiste, libéral,teinté de  policier? Qui commande?

Le Président veut-il jouer son florentin, lui qui s’est si spectaculairement identifié à F. Mitterrand? Jouer les uns contre les autres, lui qui veut « rassembler »? Certes la différence de points de vue est souvent une bonne chose, mais encore faut-il savoir en user avec talent. F. Hollande ne semble pas à la hauteur de l’art de F.Mitterrand. Trop identifié sans doute… »Faites comme moi, ne m’imitez pas » disait Lacan..L’époque est différente. La crise est là, mondiale. « Crise du capitalisme dérégulé et de l’effondrement organisé des ressources publiques » (Cynthia Fleury voir supra). Cette « crise » qui à force de durer n’a plus grand chose d’une crise, qui est dans sa définition même moment du choix, du changement certes, mais au sens de la décision, de l’Acte. Pas grand chose à voir avec le compromis à outrance, qui ne donne pas l’impression à nombre d’entre nous que l’on prend le bon embranchement.

De F. Hollande (LCP) une phrase : « ça peut toujours se retourner » dans la vie. Signe d’une angoisse que ça rate, ou d’une angoisse que ça réussisse? Ou les deux? Alors ça peut être l’immobilité, un coup ici un coup là. Et les actes manqués bien sûr.

Le Président vient de présenter ses voeux à la nation. « Concilier » compétitivité/solidarité, performance/protection, réussite/partage; concilier/réconcilier. Encore une fois le Président est un Homme de réconciliation.. L’un et le tous en fait.  Cette construction dualiste aux bords de l’impossible, est-ce sa vision politique ou bien un artifice de communication? Y croire, le croire, croire à sa détermination. Cependant….

P-S Cette rumeur de « retour » de Ségolène Royal au gouvernement comment l’entendre? Un désir plus ou moins conscient de tous pour lui donner sa juste place? Venant de ses « proches » sans nul soute. Mais gare! Ne pas servir de caution pour tout ce qui ne va vraiment pas dans le bon sens. Ou alors  « chef  » de l’orientation. Ce qu’elle fait d’excellent dans sa Région ne pourrait être mis en oeuvre en étant ministre de quoi que ce soit, puisqu’elle devrait être solidaire de la politique gouvernementale (pour le meilleur et le pire). Je crains que sa vertueuse nécessité de servir, alliée à une légitime envie d' »exister » davantage, ne la conduise à venir se « compromettre » (oui bien sûr le mot est fort j’en conviens) dans un gouvernement qui ne fait pas à mon sens pour l’heure ses « bonnes » preuves.

Tous mes voeux à toutes et tous pour un destin collectif apaisé, généreux, respectueux des libertés de chacun, plus juste dans son partage. Pour tout le reste, à chacun sa vie et son destin.