Vérité(s)


Le procureur Cyrus Vance a abandonné les poursuites contre M. Strauss-Kahn considérant que le défaut de crédibilité de la plaignante ne permettait pas de risquer un procès. »Si nous ne ne sommes pas capables de la croire insoupçonnable, nous ne pouvons pas demander à un jury de le faire. » C’est donc uniquement pour cette raison, (on l’espère!) que l’accusé bénéficie d’un non-lieu (ce qui n’est pas d’ailleurs le premier de sa vie). Il n’est en rien innocenté! (On n’ose envisager que le procureur ait pu ou dû se plier aux pressions et contraintes multiples).

Quand on lit le rapport du procureur, on est cependant troublée par un argumentaire qui fait bien peu de cas des états forcément perturbés de la plaignante, pouvant bien sûr, si l’on instruisait autant à décharge qu’à charge, éclairer la confusion des versions diférentes qu’elle donne de ce qui se passe autour  de l’acte, aussi bien que de son arrivée aux USA.On peut aussi y lire :  » La relative brièveté de la rencontre entre l’accusé et la plaignante a d’abord suggéré que l’acte sexuel n’était probablement pas consentant. »

Invention, mensonge, tromperie, duperie, cinéma, on retrouve là toujours les mêmes présupposés lorsque l’on aborde la question du viol (suposé bien sûr). Pas un mot sur les différents mensonges de l’accusé, sur sa vie, ses comportements. Rien. Pas même besoin de dire. Et peut-être même ne surtout pas dire, si l’on en croit ses avocats.

La femme, elle, doit être  insoupçonnable.  (voir  infra  « Le corps meurtri »). On aurait aimé entendre là-dessus, sur cette procédure américaine, les amis vertueux de ce Monsieur.

Il y a encore bien des zones d’ombre! Particulièrement cela me semble-t-il: pourquoi le procureur dit-il que rien ne permet de conclure à un viol: « Les preuves physiques, scientifiques et d’autres natures indiquent que l’accusé a engagé un acte sexuel précipité avec la plaignante, mais elles ne permettent pas de dire si l’acte a été fait sous contrainte et sans consentement », alors que le service des Urgences de l’hôpital St Luke’s Roosevelt de Manhattan conclut: « Diagnostic: agression. Cause des blessures: agression.Viol. » N’ont-ils aucune expérience  de ces agressions, aucune expérience pour pouvoir juger de la véracité d’un tel dommage? Aucune éthique? Mentent-ils eux aussi?

Ce que je crois, c’est qu’il y a là entre les lignes bien des renoncements, des demi-vérités, des louvoiements, qui en tout cas ne servent guère la vérité. Que peut bien être en droit un « acte sexuel précipité »? Avec ou sans consentement? Que peut bien vouloir dire « un comportement déplacé différent d’un crime » ou bien « une absence passagère de jugement qui n’avait rien de criminel » comme le déclare l’avocat de DSK, précisant que ce n’est pas de la prostitution? C’est donc l’avocat de l’accusé qui décide ce qui est criminel ou ne l’est pas? Dans quel registre énonce-t-il cette « vérité »? Moral, juridique, psychiatrique? « Absence passagère de jugement » tombe en France sous le coup de la loi me semble-t-il. Il signe une « irresponsabilité passagère ».

Last but not least, puisqu’aujourd’hui c’est « le retour », M. Levaï, France-Inter: « Une incompréhensible aventure sexuelle de 9 minutes » (!!).

On voit bien comme le message est brouillé, comme la difficulté est grande à nommer, à dire, à désigner ce quelque chose d’un rapport sexuel, « aventure, précipité, absence », une sorte d’OSNI, objet sexe non identifiable, une chimère étrange…On ne se sort pas si facilement des rêts du langage, et la vérité fait signe à tout coup, même voilée, même tue.

Quelle vérité M. Strauss-kahn compte-t-il nous servir en s’excusant? Mais au fait de quoi s’excuserait-t-il?

Il y a deux êtres à qui il doit demander pardon: Mme Diallo, et…lui-même. Pardon pour si mal servir sa propre cause, épinglé répétitivement sous le signifiant « non-lieu », esclave de sa jouissance.

Enfin, être socialiste n’est-ce pas vouloir servir la vérité? Aimer la vérité et la justice?