La journaliste et la Femme Debout


Pour en finir avec un certain tweet.

A propos du manque d’élégance  d’une journaliste « politique » salariée de Paris Match (« le poids des mots le choc des photos ») qui vient d’acquérir un statut assez particulier, dont à la fois elle se défend mais en même temps dont elle se sert avec excès (et succès?). Pour dire haut et fort que, à mon sens, cette femme n’a hélas guère le sens de l’Etat, et que sa posture soi-disant  » transgressive » n’a rien d’honorable et n’a rien à voir avec la liberté d’une femme. Bien au contraire, l’aliénation à sa passion, destructrice pour les autres, et sans doute pour elle-même, indique combien elle est en proie sans doute à des pulsions irrépressibles, comme nous le sommes tous à un moment ou un autre. « Si la finalité de la femme libre est de pouvoir crier sur les toits, c’est une vision un peu courte de sa liberté d’expression » comme le dit joliment G. Fraisse (Le Monde 22 juin).

Quant à son engagement auprès des Media Lagardère et Bolloré, n’y a-t-il pas là tout de même un sérieux conflit d’intérêt? « Je ne trouve pas « normal » que Valérie Trierweiler demeure journaliste pendant le mandat de François Hollande, avec la complicité d’un magazine à grand tirage tel que « Paris-Match. » Je trouve même cela inacceptable », peut-on lire dans Le Soir. S’il y a une limite à mettre c’est bien là. Pour ses émotions personnelles cela reste son affaire. La culture Paris Match qui a, bien évidemment, entière liberté d’existence et d’expression, est-elle compatible avec le voisinage immédiat et intime du Président? Il y a, me semble-t-il, nuisance envers la fonction symbolique du Président. Ce n’est pas là être sexiste, si c’était dans l’autre sens cela serait pareil. Une limite claire doit être mise qui délimite les champs et les prises de parole. Ailleurs il semble que l’on sache faire avec cela: M. »Merkel« ,  « le professeur Sauer ne gazouille pas ».

 » VT a le droit de refuser le statut de « femme de » en restant journaliste et en conservant sa liberté de parole mais à une condition elle doit renoncer à son statut public de première dame » dit Fr. De Singly (Le Monde  22 juin p. 20). Est-ce suffisant cependant? Je ne le crois pas. La mise en scène publiquement répétée de son amour exclusif, « Embrasse-moi sur la bouche » là, devant toutes les caméras du monde,  « La vie en rose » là, devant les gens à Tulle, pour son plaisir, son bonheur à elle, privé, cela n’est pas digne d’une première dame, que de fait elle est, au moins à ces moments-là, en représentation. Ou alors elle ne doit pas paraître. Car ces comportements ne font qu’indiquer, quoi qu’elle en dise, cette revendication récurrente, cette  monstration de pouvoir : il est à moi! Que dire d’un album de photos dont les légendes nous  convient jusque dans la chambre, jusqu’à la couche. Tout cela qui devrait rester privé, intime!

Et puis, il y a cette autre mise en scène, médiatique, celle-ci, ménage à trois, vaudeville, couvertures de magazines…Lecture inexacte des enjeux, des responsabilités, des implications. Non ce n’est pas « une guerre des miss », même sur le mode de l’humour! Mélange perfidement entretenu par les media, comme toujours quand cela concerne aussi Ségolène Royal, mélange des registres public et privé, acoquinant Royal avec la jouissance excessive de VT, donnant l’image d’une enfant gâtée sans éthique, là où « l’intime doit rester dans l’ombre » (G. Fraisse Le Monde ibid). Postures, places, fonctions, tout cela est  incomparable.  En effet, « le couple Royal-Hollande a incarné l’égalité des sexes  à tous points de vue, de la réussite scolaire à la conjugalité libre jusqu’à la plus haute rivalité politique » (Fraisse ibid). Intolérable de mettre sur le même plan ces deux femmes, l’une politique de haut niveau sert la France, même si, bien sûr elle n’est pas à l’abri d’imperfections, de défauts, de ratages, d’excès. L’autre se sert, pour elle-même point barre. « L’une exerce sur le terrain de la chose publique, guerroie avec les armes virulentes que disputent les hommes aux femmes,.. elle se les arroge sans leur  permission », « l’autre sur le terrain de la chose sentimentale… ne tire sa légitimité que d’avoir ravi un coeur » (Anne-Marie-Garat Le Monde ibid). Si dans l’intime de chacune et de chacun se joue une partie souvent cruelle entre désir et passion, envie et jouissance, amour et haine, cela n’appartient à personne d’en faire une relecture publique. On ne peut hélas que constater quelle est celle qui a mis tout cela sur le devant de la scène, sans réserve.

Car il y a ce tweet et son effet effractif dans tous les registres. Digne d’une Madame Veto. La révélation d’un caprice irraisonné. L’intrusion dans une campagne politique dont elle devait rester éloignée. Aucun  service rendu à une cause collective quelle qu’elle soit, bien au contraire. Pour Eric Fassin par exemple  « la victoire d’O. Falorni est une défaite de la parité. Le Tweet  de VT  a légitimé l’engagement désintéressé d’un homme de gauche au soutien actif de la droite. »( Le Monde ibid). Les effets à plus long terme sur une certaine considération par rapport au Président ne sont pas moindres.

Ségolène Royal elle, est subversive, politiquement subversive. On l’aime (ou bien sûr on la déteste) comme cela, dérangeante, subversive,  autant que constructive. De tout cela, de ses audaces, de ses anticipations,  elle en paie le prix, toujours. Pas victime, non. Visée, blessée, atteinte bien sûr. Mais convaincue, dépassée, élevant le niveau d’un cran. Souvenez-vous « l’Effrontée » en Une du Monde campagne 2007? Qui pourrait se passer d’elle? La révolution idéologique et politique qu’elle met en oeuvre à long terme déjouera les embûches. Ce n’est sans doute pas pour rien que ce mot, « bravitude », lui est venu là-bas sur La Muraille de Chine. Une grande force, une grande obstination. Une détermination.

Au bout de cela, et après toutes ces années de chausse-trappe, il y a enfin une reconnaissance quasi unanime de ses « camarades « , sincère ou pas, elle existe et s’exprime en tous les cas. La nomination de tous ses soutiens fidèles dans les charges de l’Etat. Un « aveu », enfin, de toutes les embûches et les résistances à son existence et à sa réussite politiques: Jean-Claude-Peyrolle parle d’une  « tentative de meurtre politique » advenue pendant ces élections… »Celle qui, lors de la campagne électorale de 2007, avait réussi à faire bouger les lignes entre la droite et la gauche sur un certain nombre de problèmes de société a été également éliminée de la cohorte de députés socialistes qui va entrer au Palais Bourbon ».

« Ma détermination reste intacte« , dit-elle. « Il ne faut jamais se laisser abattre par les trahisons et par les méchancetés. » « Il faut être capable de dépasser ses épreuves et ses itinéraires personnels pour (…) se remettre au service du collectif, au plan national et au plan local, parce que l’un ne va pas sans l’autre », déclare-t-elle. « Il faut que je reprenne un autre chemin ». Cette défaite est « un coup d’arrêt, un amarrage dur à vivre qui ne m’abat absolument pas », confie-t-elle. « Il n’y a pas que la vie du Parti socialiste, il y a d’autres enjeux ». « Je me reconstruis et je fais mon travail en région et à la rentrée de septembre je verrai. Je n’ai rien demandé et ne demande rien. »

D’ores et déjà elle relance le débat sur cette question majeure de notre avenir planétaire, on peut lire ici sa contribution pour Rio (Rio et ses enjeux pour nous tous, conférence bâclée, Rio oubliée!)

« Il faut que je reprenne un autre chemin ».Trouver un chemin oui. Prendre « un autre chemin ». Prendre le temps, prendre du temps, prendre son temps. Pourquoi pas l’Europe, le Monde, la vie? Certes il y a la France et le PS, mais il y a tant à faire partout sur la planète (cf l’invitation des amis africains)? Examiner les offres faites, chercher s’il n’y a pas encore un piège, un « traquenard » en fait comme le dit Gérard Courtois (Le Monde 19 juin) : « Ségolène Royal victime d’un traquenard électoral à La Rochelle ». Piège inconscient parfois, mais résistances toujours actives chez ses « amis » bien sûr, pour que rien, ou si peu, ne bouge. Le vieil appareil. L’encenserait-on plutôt quand elle perd, quand elle n’a plus de pouvoir? Elle représente pourtant tellement, elle a ouvert le socialisme vers l’écologie, vers l’entreprise, vers la réforme bancaire, vers la démocratie qui respire, elle a porté la voix des sans-voix,même si ceux-ci, hélas, ne vont guère voter malgré l’admiration qu’ils lui portent. Malaise profond qu’elle a identifié depuis longtemps, et dont la gauche et le gouvernement ne pourront faire l’économie de traiter au plus juste les causes. Pour preuves les abstentions records qui ne sont pas un bon signe. Pas plus que la place prise par le  FN, dans les esprits surtout.

« On ne vous donnera rien « , » Il va falloir une fois de plus vous battre, faire entendre une autre voix;  le Ségolénisme est un plus pour la Gauche, un plus différent, un plus parfois gênant, mais un plus ». (Christophe Barbier )

Prenez le temps Madame Royal, personne ne vous oubliera. Veillez à ce que les engagements pris soient tenus. Poursuivez votre élaboration conceptuelle, votre élaboration politique, faites-nous savoir vos pensées, vos points de vue, vos critiques constructives, qui ne vont pas tarder à être nécessaires. Soyez dans votre libre pensée, assurez-vous de votre entourage, qu’il soit porteur, éclairé, et de bon conseil. Voyez loin comme vous savez si bien le faire.

Le temps de la juste action viendra.

 

message d'ariane mnouchkine à ségolène royal

Mnouchkine Royal juin 2012

 

Dansons la Carmagnole Madame Royal!