être–et-ne pas être /#Charlie/ ensemble/différents

Peu après les massacres.. « Ils allaient mettre la clé sous la porte, ceux-là les ont ressuscités ». dit une kiosquière. « On n’a pas de travail pas d’argent on prend la kalach.; oui les jeunes st perdus » dit l’autre.. Chacun veut donner son sens, sa signification.

république #charlie janvier 2015
république #charlie janvier 2015

«Pourquoi?» dit une banderole à République, sous la statue. Pourquoi? Eux, ils ont dit « Allah ! » le nom de leur Dieu. Aussi : « Venger le prophète! » Inconcevable! Ensuite dans les pays arabes on réagit : « Je suis muslim et j’aime mon prophète. ». Mais personne ne les empêche de l’être, muslim, là où ils sont, si ça leur va. Ici en France laïque il n’y a pas l’interdit du blasphème, il y a la laïcité qui signifie aussi le respect des religions.

#Jesuischarlie, beaucoup se rangent sous ce hashtag ; pour d’autres c’est non, je ne suis pas Charlie, je ne veux pas me ranger là-dessous. Si on veut la liberté d’expression on doit respecter ça.

Ce #, symbole, signe, fanion de ralliement pour une marche en silence émouvant, alternant avec la Marseillaise. Déjà, dès le 7, les rassemblements sur la place Répu, silence triste, recueillement, mots qui surgissent, banderoles, chacun vient mettre son mot, son message, son dessin, son crayon. Le créateur de ce « slogan » (c’est ainsi qu’il le nomme) J. Roncin en donne sa version signifiante : « je suis libre »-« je n’ai pas peur », dès sa création sur twitter. Sous le choc, la nécessité se fait des corps rassemblés, pressés, cette foule compacte.. comme enfants, quand on se serre dans le lit, face à l’angoisse du cauchemar.

Seulement, ce Un est éphémère. Ce « rassemblés » a valeur de fiction trompeuse, trompeuse et nécessaire. Mais c’est beau et fort quand même quand ça parle de la République. Car c’est cela au fond le lien par en-dessous. Un semblant qui nous tient contre les obscurantismes. Ça, la République et son tryptique, à la « place » de Dieu, notre nouage collectif. (Avant on disait « nous », « nous sommes tous des.. juifs allemands », des ceci, des cela, on est passés du nous au je plutôt maintenant..). Et puis du Signifiant #charlie on est passé à l’objet a agalma, si précieux, la parole, le livre, le journal, la liberté, et aussi son envers, objet dérivé, monnayable, du commerce, destiné à quoi ? Une boîte, un placard, la poubelle ? Ainsi de la folie Charlie, les kiosques dévastés, il me le faut, je dois le voir, l’avoir cet objet.. que j’ai tant ignoré précédemment, mais qu’importe. Bientôt je l’oublierai, peut-être, un autre surgira.

Dans son for intérieur, pour chacun avec sa vérité singulière, qu’est-ce qui mobilise, qu’est ce qui pousse à être là, quelle jouissance, quel désir, quelle morale, quelle haine enfouie éventuellement ? Car sans doute pour certains, ne soyons pas naïf, il devait bien y avoir tout de même –un peu- d’amalgame dans les fantasmes au fond, dans des mobilisations de Jouissance guère avouable (tout de même ces musulmans, ces.. arabes..) Et puis reviennent à flots, comme un automatisme, les discours essentialistes, les vieux réflexes de confondre musulmans et banlieues, même si bien d’autres français de religion musulmane ne sont pas dans les ghettos et que « la communauté musulmane en tant que telle n’existe pas » (Olivier Roy). En tout cas pas plus ou moins que toute autre, ici, dans notre pays.

Je ne lisais plus Charlie depuis pas mal de temps. J’avais cessé. Bien sûr je savais qu’il était là, qu’ils étaient là dans notre monde, je jetais un coup d’œil sur les Unes en passant, mais l’envie m’avait quittée.. Je ne sais depuis quand (avant le clash Val/Siné déjà, même si cela n’a pas aidé). Parfois, pour le train, mais tant d’autres livres à lire. Sans doute cette outrance parfois m’insupportait ou plutôt ne me disait rien, les textes non plus. Dernièrement je ne sais, je ne peux dire.. Cela n’empêche pas de les pleurer, de pleurer tous les morts de ce terrible massacre. De vouloir que l’ironie et la moquerie et le persiflage puissent avoir libre court dans les limites de la loi. (Trop de lois peut-être d’ailleurs qui empêchent la parole, l’insulte ? Non ?). C’est là un premier hic, car il faut interpréter la loi, et de préférence à géométrie pas trop variable. Car il y a une certaine sensibilité chez les musulmans, quant au « deux poids-deux mesures ». On peut le penser comme parano ou pas, mais cela est bien réel et bien ancré. Je n’oublierai pas la tête de mon kiosquier le jour des caricatures : accablé, désemparé, comme si l’atteinte avait été physique.. Lui un homme éclairé, éveillé, imaginons bien d’autres..

Je suis.., un Signe, unité Symbolique un instant, comme un seul Homme, et.. « le sang impur des « féroces soldats » qui viennent égorger nos fils nos compagnes ». Je suis ceci, je suis cela, registre des identifications, comme appartenant à un ensemble ou s’en différenciant, comme Un ou comme tous, en tout cas toujours dans le registre des semblants, et soumis à une incomplétude fondamentale de l’être, ou comme dit la psychanalyse au manque-à- être. Aucune identité ne me définit tout. Peut-être est-ce une différence avec le « sujet » de la religion, déjà et toujours identifié, identifiable avec son Dieu? Comme un Tout.

Etre-ne pas être, qui suis-je, où puis-je me ranger, avec qui, contre qui? Qui me reconnaît comme enfant de sa patrie, et qui pourtant m’exclue dans ses discours et me discrimine ? A foison, les questions fusent, les reproches, les certitudes voire les convictions ; quand elles se disent, c’est déjà mieux, mieux que le silence et la fausse quiétude qui dissimulent la détermination criminelle à venir.. (Mais comment pouvaient-ils tenir ainsi, déterminés à tuer, et en apparence si conformes, si bons voisins, sinon convaincus par une telle « foi », une sorte d’envoûtement? (selon les témoignages de Dounia Bouzar : tentatives de déstabilisation, d’isolement, de déconsidération des proches des familles.. surfer sur les crises existentielles des adolescents. « Ma famille est pourrie » me dit une adolescente..)

Détermination des désespérés, construite sur un sentiment d’abandon de l’autre (Les deux frères « retournés » en venant dans la ville, et passage par la prison) ? Je n’excuse rien n’est ce pas, je parle pour créer un peu de vérité et de sens. « Si à la sortie du foyer, on s’était occupé des Kouachi, cela ne serait peut-être pas arrivé », peut-être.. Quelle est la part de chacun dans son destin, dans la conduite de son destin, dans des rencontres qui sont des mauvaises rencontres…Il faudrait faire la genèse d’une conversion, et puis.. d’un crime. Sa causalité inconsciente. Comment se noue pour eux intimement le destin : par exemple, l’ironie de se faire abattre dans une imprimerie ? Calcul, stratégie, message ? Et puis abattre une policière, intention, vengeance d’un ami abattu lors d’un vol ? Ces « coïncidences » sont glaçantes.

La parole des imams, sans aucun doute, doit changer, leur formation, leurs prêches. Déjà cela bouge ; certes, pour certains, c’est sciemment qu’ils endoctrinent, convaincus eux aussi, mais pour d’autres, c’est faute de pouvoir oser se démarquer.. Il leur faut faire preuve de courage et de clairvoyance, mais quelle est leur marge de manœuvre ? Comment s’opposer aux positions idéologiques, aux enjeux autant politiques que religieux ? On dit qu’il faut construire l’Islam de France, certains évoquent l’idée d’un clergé. Eclairer sur les malentendus, les mésinterprétations volontaires (djihad, charia, prophète..). Les imams doivent expliquer, mais il n’y a pas une seule parole, pas une seule ligne ; inventer un islam français ? « La théologie n’incombe qu’au croyant. Le blasphème aussi », « Dans ces caricatures, je ne voyais pas d’insulte. La liberté en général, c’est ce qu’il y a de plus cher », « Chercher le martyre à travers le crime c’est une aberration théologique » des paroles sont celles de Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux. ici et ici.

Nous ne sommes pas exclus de la crise de mutation profonde de l’Islam, ses extrémismes rivalitaires, salafistes, djihadistes, ses tactiques (ennemi proche, ennemi lointain), ses lectures et ses interprétations multiples, ses orientations plus religieuses ou politiques, le chisme chiite-sunnite. Ce qui, peut-être, à contre-courant d’un obscurantisme à l’oeuvre (on le voit ces jours-ci), se lève dans tous ces états au pouvoir fort, où la religion n’est pas séparée du pouvoir, redouble ainsi la crise par un conflit entre aspiration à la démocratie (printemps arabes), et pouvoir fort de la religion. (Contre ce mouvement djihadiste politique, ne pas perdre de vue que pour les « djihadistes » les musulmans sont aussi des mécréants, et les premières victimes). Tout cela qui s’agite partout nous traverse du coup aussi, pour le meilleur et pour le pire. On ne peut être à l’abri des effets de cette crise généralisée. Espérons que l’islam d’éveil, dans sa richesse (soufisme etc..) viendra à bout des monstres. (Sophie Makariou l’Obs). Espérons qu’ici même les musulmans, par ce choc, oseront plus sortir du bois, et affirmer à la fois leur appartenance religieuse et leur appartenance citoyenne, leur fierté d’être à la fois les deux, et diront que cela n’est pas incompatible. Qu’ils sauront faire exister auprès des jeunes notamment cet Islam ouvert et cultivé, là où grandit hélas un Islam appauvri, étiolé, obscurci. Comme dans ce hadith « L’ encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr » (hadith prophétique de Mohammed rapporté par Nu’man ibn Bashir, et ‘Imran ibn Hussayn). Enseigner les jeunes, mais encore faut-il soi-même être éveillé..

République #jesuischarlie 14 janvier 2015
République #jesuischarlie 14 janvier 2015

Alors réjouissons-nous de ceci par exemple : Le manifeste des 5oo noms arabes essentiellement « je suis musulman et je suis Charlie » – « nous ne cèderons pas à la peur ». Des intellectuels musulmans s’unissent contre la terreur. (Dominique Eddé). « Nous sommes Charlie » s’inscrit sur la façade de l’IMA en français et en arabe.

Quant à la politique étrangère française, elle se doit de tenir ferme dans ses décisions, ses choix, sans se mettre sous influence. Tache ardue. Complexité géopolitique, forces destructrices apparemment ennemies, et au fond très complices. Alliés objectifs. Oui bien sûr nous sommes en guerre, la France est en guerre, au Mali, en Irak, en guerre contre DAECH, contre une force criminelle. Elle s’est engagée là et à ce titre elle est très ciblée. Mais attention au choix sémantique, tout mésusage langagier a bien plus qu’on ne le pense un effet en retour, qui peut ici en France être contre- productif. Ainsi devons-nous différencier guerre et lutte contre le terrorisme, faire attention à l’idée de l’ « ennemi intérieur » et à sa localisation exclusive dans les banlieues, qui stigmatise et exclue encore davantage (Attention M. le Premier Ministre à vos « envolées » tellement convaincues.. l’indignation et le diktat ne suffisent pas à soigner les maux profonds de notre France). Et puis, cruelle ironie de voir à Gaza ces manifestants nous menacer de mort, Gaza, Palestine pour laquelle, pour la première fois depuis longtemps, un gouvernement et un Président français ont osé une parole et une position si justes.

Les enfants, les adolescents. Le complot. Ils disent ça certains, on nous la fera pas, c’est un complot, de toute façon on nous exclue. Ils ne comprennent pas, ne veulent rien savoir, baissent les yeux, sont construits comme ça, avec ça, l’idée des injustices du monde, et que (comme dans toutes les religions) une solution, un nouage de paix intime se fait avec et grâce à Dieu comme un sinthôme (Lacan). Ils ne séparent pas, ou difficilement, ces actes impies de leur religion (actes pris dans une logique au fond débile, au sens clinique du terme, si elle ne poussait pas à passer à l’acte, s’ils ne rencontraient pas là les « pousse-à-tuer »), mais aussi de leur rage. Ils sont dans le jeu vidéo, l’armature Symbolique a pas mal pété ; juste Allah sert de poinçon, et l’Imaginaire déferle. La vérité est sur la toile, souvent hélas logée dans des sites et des vidéos fort malveillantes. Il faut bien avoir en tête l’excitation que procure l’idée et la représentation des conspirations, comme un jeu stratégique dans sa logique parano, avec ses traîtres, ses messages cachés, ses espions, ses agents retournés ; se méfier de tout, de tous, plutôt que penser et réfléchir, une défense contre la pensée. L' »autre scène » freudienne n’est plus vraiment « autre », le nouage est défaillant. La pulsion en lieu de savoir, le commandement de tuer pour combler le trou de l’énigme humaine. C’est un peu la guerre leur « survie », ceux-là, à qui se joignent les enfants des plus beaux quartiers, eux aussi en panne de cause, en épreuve du vide, en quête d’humanisme, de virilité ou d’adoration sacrificielle hystérique ; s’en remettre à l’autre, s’en remettre à un dieu jusque dans l’aveuglement des discours délirants et des actes sanguinaires. Ne pas vouloir savoir ça, où ça mène, où ça va, plutôt que rester là les mains vides et le cœur sec à ne pas palpiter.. Des jeunes filles que je reçois affichent pour la première fois le foulard, la robe de prière.. Nécessité identitaire (ponctuelle ? à plus long terme ?). Ces ghettos tout de même ça n’en finit pas.. Les classes moyennes qui défilent pensent-elles au choix qu’elles font si souvent d’éloigner leurs enfants des classes de quartier par exemple ? Car le rassemblement n’exonère pas de repenser son rapport au monde et aux autres.. ni d’interroger nos responsabilités, un par un. Et puis la propagande, les infos en boucle ne nous la servent-elles pas dans une moindre mesure à l’échelle nationale ? A tout un chacun qui peut en faire sa vérité sans mesure ?

Un éducateur « qui travaille dans un collège au pied de la cité » (Marseille) : « ces gamins sont dans un autre monde. Je ne vois pas où a commencé leur mal-être, mais je ne sais plus comment leur parler. Et je me demande qui pourrait le faire. » Lemonde 17 janvier

Espérons que tous ces enfants ne soient pas déjà perdus (Dans une moindre mesure comme ceux de Gaza, de Syrie, et d’ailleurs..). Etre exclu/s’exclure, dans quel sens ça marche, quoi d’abord ? Dans les deux sens. Une alliance objective, entre une défaillance sociale, idéologique, politique de la République, et une montée en puissance de l’appartenance religieuse, de la suprématie de la loi divine sur la loi républicaine de la Nation. Cela semble une constante : la loi religieuse se substituerait à l’être-citoyen ; l’identité serait épinglée par le rapport à Dieu comme principe. Cela vaut autant pour les trois religions ; on l’a vu avec Civitas & co, on l’a entendu dans la bouche d’un ancien président (le prêtre au-dessus de l’instituteur) ; on le remarque dans cette annonce publique faite en terre de France par le premier ministre israélien aux familles des victimes juives : « votre foyer c’est Israel »… Ce ne serait donc pas la terre de France ? Il y a une terre sacrée ? (Ce que l’on reproche tant aux musulmans français, cette double appartenance, pourtant). Merci à cette belle prise de parole : »La France est mon pays.. » (Coralie Miller libé 20 janvier). Et n’oublions pas : « En de nombreux cas un français, né musulman, refuse l’assignation identitaire, veut être un citoyen comme un autre. » (Dominique Eddé. Le monde 21 janvier 2015).

Laïcité, posture des politiques, cadre vide ou réelle armature collective ? Alors il faut écouter, parler, punir mais aussi ne pas punir. Est-ce surtout cela qu’il y a dire M. le Premier Ministre : « il n’est pas acceptable que des gamins. etc..», Table ronde à Libération; est-ce le plus opportun ? Le plus productif ? Ne vaudrait-il pas mieux annoncer sa détermination à faire que tous les enfants de la République aient leur place, chercher l’apaisement ? (Pas plus « utile » et opportun le concept d' »apartheid » ; si M. le Premier Ministre, les mots, choisis, ça compte)..

La minute de silence ? Humm..Leur dire République, faire société, prendre langue. Difficile face au refus, à l’évitement, à la fuite. Les propagandes en boucle, discours de haine.. (Je reçois des jeunes, certains sont tentés par là, je ne crois pas que ce soit la minute de silence qui aide, bien au contraire, laissons les un peu crier leur rage.). Eux/elles, perméables à des discours destructeurs ambiants, en chaine épidémique. Ça ne résonne pas pour tous heureusement. Les aider à se déprendre. A mettre sur la table leurs questions identitaires, à les aider à ne pas dénier leur part d’humanité, leur faire savoir qu’il y a d’autres voies pour être un héros. Ainsi du témoignage de Mourad Benchelali (parti en Irak puis revenu de Guantanamo et de la prison française) : on peut être radicalisé et ne pas le montrer (ça fait peur), comment décider, les mettre face à leur responsabilité les jeunes ? On peut se radicaliser dans sa maison…

Enfin, faut-il encore une fois seriner la nécessité absolue de remettre en circulation associations, éducateurs, psys, lieux d’accueil, de rencontre, avec tous ceux qui veulent (policiers, juristes, historiens des religions, vidéastes, artistes, imams- prêtres-rabbins « éclairés » etc..) pour que la jeunesse de France puisse trouver où échanger in « real life ». Car un corps ça existe, ce n’est pas qu’une image, une vie c’est ici, ce n’est pas forcément le paradis, l’au-delà.., un humain, ça parle, ça échange, ça contrarie, mais ça ne tue pas, ou alors c’est halluciné. La langue, l’usage des mots, la richesse du savoir, inventer, « trouver des phrases qui donnent à réfléchir » (Barbara Cassin), faire jouir la langue, le verbe, leur faire aimer la langue. Leur faire tenir le crayon qui trace la trace de la vie, avec lequel ils se découvrent.

Ils ont aussi raison dans les écoles de dire que la tâche n’est pas que la leur. Leur difficulté aussi. Comment faire ? Comment dire ? D’abord faut-il être un peu soi-même au clair avec tout cela, pas simple, sans manichéisme. Expliquer les lois de la République et qu’ici en France il n’y en a pas d’autres, au-dessus ; expliquer les différences entre offense et préjudice, opinion, délit, liberté d’expression et idées qui choquent à différencier d’incitation à la haine, liberté/sécurité, et tout cela qui sont nos lois communes, et qui nous contraignent tous. Car la liberté d’expression n’est pas absolue, elle trouve ses limites dans le droit, la justice, mais aussi la morale, l’éthique pour chacun. Donc il faudrait qu’essaiment tous ces essaims de mots, de savoir, de corps, d’autres, pour faire barrage aux vérités totalitaires et obscurantistes. Dire l’histoire aussi, leur dire l’histoire, la leur, et celle de l’humanité.. Le sentiment d’abandon est une terre fertile pour tout ensorceleur assassin.

Pour le moins essayons d’élever au mieux nos enfants dans plus de justice et d’égalité ; essayons que les religions ne soient pas sans cesse sur le devant de la scène, dressées, inondant le champ public , mais à leur place. Qu’elles restent dans l’espace intime, dans leur « foyer », qu’elles puissent bien évidemment participer aux réflexions, au lien social, à la culture partagée, mais que leur champ cultuel soit circonscris. Surtout, que les politiques n’en rajoutent pas dans leurs messages, discours, et actes, à laisser penser au statut préférentiel de l’une ou l’autre. Que les politiques fassent exister l’espace commun de notre communauté commune, de nos lois communes, soient acteurs de la clarté et de la différenciation des instances, des lieux, des registres. Ne pas se faire surtout le porte-voix d’une « communauté » (j’en ai marre de ce mot !) Et puis que nos media voraces et trop souvent déchaînés veuillent bien se pencher un peu sérieusement sur leurs comportements et les conséquences parfois peu citoyennes qui en découlent : dérèglement médiatique, outrances voyeuses, dangereuses, attention au glissement Foxnews à la française ! Il a fallu les rappels à l’ordre (Intérieur GIGN CSA) ! Mais je reste sceptique, ça repart de plus belle, qu’importe, ils pensent qu’ils ont tout bon ..ça repart.. Le dialogue des deux frères avec BFMTV tourne en boucle sur les sites islamistes nous apprend Gilles Keppel, par exemple.

Le choc des massacres est toujours là présent, il faut le temps pour comprendre (mais y a-t-il à comprendre?). L’Histoire a-t-elle jamais une fin, une sorte de conclusion, sinon dans les cataclysmes, les déluges, ou autres paradis éternels (et encore!)? L’Idéal doit être à laisser à sa place d’idéal. Le gap entre idéal et réalité est toujours opératoire, il est constituant pour le désir, sauf quand la réalité prend visage de haine/exclusion, qu’elle annihile l’idéal, qu’elle crée le sentiment d’abandon, même si c’est dans une dimension aussi fantasmatique et victimaire. Si cela pouvait réveiller un peu plus « nos » politiques all over the world, et les religieux de partout, et nous tous.. Que d’incohérences dans les mots et les actes, que d’écart entre les mots et les actes : le durcissement récent qui enverrait quelques jeunes en prison pour quelques mots provocateurs, (et aussi des malades psychiques), le discours du PM tant applaudi dont pourtant la tonalité n’est presque que sécuritaire, surveillance.. On attend plus de perspectives éducatives sociales culturelles soignantes aussi.

Le Président français semble avoir pris la dimension souterraine des enjeux discriminatoires. le Président se réveille, ose, dit des paroles justes et mesurées (IMA) s’adressant « aux peuples arabes grands pays amis » et posant les limites : « les règles principes et valeurs de la RF dont une est non négociable : liberté et démocratie ». Il rassemble avec ses mots et sa parole, plutôt que déclencher encore ce qui à chaque instant comme mot malheureux viendrait viser une inscription paranoïaque. Prenons garde à remettre de « l’ordre juste »..La déferlante islamiste et tous les intégrismes doivent être combattus partout, par tous et chacun. Le refoulé coupable de notre histoire commune, la nostalgie inconsciente, Vichy, guerre d’Algérie, colonies, séparation église/état, pointe son nez en chacun de nous dans ses différences, ses exclusions, ses haines, ses deuils non faits, ses divorces (sur lesquels surfent quelques irresponsables), agite encore les vieux fantômes ; il y aurait aussi ici ceux qui n’auraient pas à y être…il y aurait aussi ici ceux qu’il faudrait éliminer, renvoyer pour garder notre vieille terre française catholique blanche. C’est toujours là, à l’oeuvre hélas, ces haines enfouies, recuites !!

Une autre horreur pourrait surgir, surgira bien sûr. Nous sommes dans ce temps là.. mondial.. C’est ainsi.. Vers où ? Vaincront les pulsions de vie. Déjà, de partout, les voix de vie s’élèvent.

republique 10 janvier2015
republique 10 janvier2015

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Je vous renvoie à d’autres billets ici même.

Brouhaha Un « enfant perdu », criminel.. Cette jeunesse, notre symptôme et d’autres.

Je vous renvoie aussi au dernier billet tristement anticipateur, C’était un temps.. Sans être en rien Cassandre, je comprends mieux la phrase dans ma tête depuis un certain temps. Annonciateur de ce discours de haine et de fausse analyse distillé par des « penseurs » « écrivains » « pamphlétaires » « journalistes », et leurs mots perçants :. Identité malheureuse, souche, suicide, soumission.. Tous ceux qui mettent leur intelligence rusée, leur savoir, et leur art, et leur névrose, au service d’un discours empoisonné et rance.. (Ce n’est que mon sentiment..)

© evah5

#JeSuisCharlie

C’était un temps déraisonnable..

« On prenait les loups pour des chiens.. »

 C’était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d’épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j’y tenais mal mon rôle
C’était de n’y comprendre rien
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent

Louis Aragon, Le Roman inachevé

* « C’était un temps déraisonnable on avait mis les morts à table .. On prenait les loups pour des chiens ».. chantait Ferré honorant Aragon. Cette petite phrase court en moi depuis des semaines, ce signifiant s’en va tout seul comme une rengaine. Ça résonne sans que je puisse l’arrêter. Pourtant je ne suis pas plus pessimiste que de raison (ni aveuglément optimiste non plus d’ailleurs). Ni dans le regret ou la nostalgie d’un temps révolu idéalisé en âge d’or, ne supportant pas la perte d’un avant, comme souvent la mélancolie, à son acmé, dans son deuil impossible, installe du délire comme seule parade.

Pourtant le Réel, alentour, jour après jour résonne de sa haine et de sa bêtise cruelle, les discours discriminants tiennent l’affiche en boucle, ceux-là qui aisément déclenchent beaucoup les esprits confus.

Ce ne sont pas forcément d’ailleurs esprits « simples », ce peut être esprits « bien » formés, éduqués, instruits, cultivés, maniant le concept et la philosophie, la rime et la syntaxe ardemment. C’est souvent là que l’on trouve foisonnement délirant. Car un endroit a toujours son envers, la théorie a toujours sa part de délire, elle la nécessite, la vérité a valeur de fiction, elle est sœur de Jouissance (Lacan) ; cela n’est pas à déplorer, le monde des idées doit rester vivant, extrême, outrancier. Pas plus, l’art devrait-il être normé, normal, répréhensible, sa subversivité (quand c’est le cas) n’est pas en cause. Pour qu’advienne un peu de vérité, il est nécessaire de forcer la raison. Simplement, ces temps-ci, les « chiens » sont vraiment lâchés : le « théoricien » a trouvé son partenaire, le media, le faux-prophète a trouvé son système de vente et de publicité, a table ouverte dans les media, le poète-écrivain idem. La représentation subjective du monde d’un seul, toujours partielle, se veut totalisante, totalitaire, elle surfe sur les passions obscures, car elle-même en son sein abrite ses passions obscures, elle veut de sa vérité faire universel. Certains croient à leur dire, croient dur comme fer leur annonce cataclysmique, d’autres en jouent, s’en servent en politicien(n)e, quoi qu’ils en disent. Quant aux politicien(e)s ils n’ont plus qu’à se baisser pour ramasser, les « grands » esprits leurs sont caution. Partenaires contre nature ? Un trio inédit entre des media aux mains de financiers, des penseurs-créateurs soumis plus que de raison à leurs agités inconscients, des politiques qui guettent, avides. Les alliances objectives des « contraires », les véhémences langagières, les irresponsabilités des dirigeants (Europe) font le reste.. Les Daech, les intégrismes de tous horizons, les obscurantismes à petite ou haute dose, les intouchables colonisateurs soutenus par nos grands intellectuels rajoutent à la sauce.. L’exaspération et les contrariétés quotidiennes alimentées par ces rengaines en boucle produisent ce ressentiment bilieux, haineux, égotiste.

L’un dit, sans même en sourire, « je ne suis que le reflet de la réalité », et exige que les autres soient des mêmes, prône l’assimilation parfaite, (soit : manger l’autre, avec le risque d’en être empoisonné, oui l’autre ça (m)empoisonne), un autre dans sa foulée, peu discrètement, voit dans le dernier livre de l’écrivain-génie la fin de la civilisation, idée qu’il ne désapprouve pas ; le journaliste ce soir-là non plus ne désapprouve pas, prend un air entendu, le fantasme du grand remplacement, de l’invasion par l’autre, les barbares, est à l’œuvre, viendrait vite tout recouvrir, s’universaliser. D’ailleurs si le philosophe est en désaccord avec le pamphlétaire sur beaucoup de ses thèmes (on en saura plus puisqu’il va le recevoir « chez lui » à FC), pas un mot sur la vision délirante de l’invasion musulmane (Remember « le communiste avec le couteau entre les dents » j’ai connu ça enfant au village)…*Notez bien d’ailleurs la curiosité des équivalences : l’un  agite la peur de l’islam invasif, porte accusation féroce contre les Femmes et le féminisme, les femmes libérées quoi. L’autre invente la prise du pouvoir par un parti de l’Islam, et évoque la mise en scène de polygamies bienheureuses où l’Homme jouit enfin en paix. Chacun est à sa place, le Père Jouisseur et les esclaves.. et la nostalgie des femmes asservies. (Plus drôle encore leur acoquinement idéologique avec une certaine femme politique qui elle s’entoure, dit-on, d’hommes homosexuels.. No comment.)

Si l’on ne retient pas ce sens si peu caché d’un texte subjectif qui interroge sur le sexuel, on perd une bonne part de la problématique à l’oeuvre chez ces Messieurs. La question éminemment subjective et inconsciente de leur être sexuel et de leur rencontre avec l’Autre sexe, et la représentation de cet Islam menaçant, (mais aussi apaisant, enfin! un Ordre !), comme ce qui viendrait suppléer au sens manquant, à ce qui fait trou, à l’énigme inépuisable de l’être et du manque-à-être. (ou plus simplement a minima une forte angoisse de castration).

Et puis il y a aussi des gens simples, mais désarrimés, désarçonnés par l’infini du monde, leur déracinement géographique, leur déclassement professionnel, leur éviction forcée du monde social, le « tout va trop vite », le «  trop de guerres partout » le « l’autre a plus que moi », l’injustice, (récurrent central efficace toujours, graine de l’envie et de la haine) les ritournelles télévisuelles ad nauseum auxquelles viennent répondre en écho des « Allah Akhbar » réels ou imaginaires ; des jeunes djihadistes allumés, phénomène peut-être un peu beaucoup monté en épingle (même si la question est sérieuse).. des esprits simples, confus aussi, leurrés par de faux prophètes et aussi par une politique internationale trop fragile, trop peu déterminée, trop peu audacieuse.. alors ils arrivent qu’ils passent à l’acte, quand un désarrimage symbolique se fait. Rien ne les excuse, juste ils ont de solides partenaires…

La fin de LA civilisation, il dit, vous vous rendez compte ? Pas moins, rien que ça ! LA étant l’absolue, la NÔTRE, celle dans laquelle l’autre devrait venir s’insérer, s’inscrire, laisser sa peau à la porte (même le choix des prénoms est suspect !!), disparaître. La fin de la civilisation résonne pour moi, ça -cette idée bancale et folle-, comme l’entrée dans le monde crépusculaire de l’asile. La Création réactionnaire comme représentation crépusculaire du monde, qui vaut pour un dans sa Jouissance d’être, deviendrait vérité universelle, annonce politique, prophétie ! Ciel !

* Le délire vient toujours s’accrocher, s’épingler sur des signifiants-maître, sur ce qui fait saillie dans le Réel, au joint du réel et du Symbolique, causant un gonflement Imaginaire ; il s’élabore dans l’actualité du temps et du discours, dans ce qui est le plus visé en bien ou en mal qu’importe (délires mystiques, politiques, terroristes, attirances pour violence, crime, ou à l’inverse délire bienfaiteur universel, ordalie..) pourvu que ce soit proéminent et que l’on puisse y accrocher sa parole, son être comme porte-manteau, métaphore délirante. Des signifiants comme des spots, des slogans, en écho, redondants, ritournelles. Ce sont des théories folles et délirantes qui entraînent des esprits simples vers le délire aussi et le passage à l’acte. Pour des esprits agiles, la production intellectuelle si vantée et admirée comme celle d’un « essayiste » est aussi bien remarquable dans son exaspération Imaginaire. Ou bien, il y a un glissement de sens tel que toute théorie religieuse devient délirante, ce qui n’est pas faux au sens où le délire peut être création voire créationniste (ce qui est aussi pour une part le lot de toute religion). Freud a montré la bonne part du délire comme pacificateur voire civilisateur, mais aussi la phase du délire non pacifié, source et cause extrême de ce qui ne va pas, de ce qui ne peut se raccorder, faire compromis. Ce qui resurgit dans le réel, gonflement Imaginaire, paranoïa, déchaînement psychotique fore-clos. Ce qui capitonne, ou bien à un moment donné ce qui ne tient plus, le symptôme comme barrage à la Jouissance ou cause de la Jouissance. Tout intégrisme, dans sa lecture extrême d’un texte sacré, d’une théorie, dans son interprétation totalitaire, quand il appelle implicitement ou explicitement au meurtre et à la haine, sert de terreau aux dérèglements. La peur ancestrale et archaïque infantile, cette peur Imaginaire fantasmatique, crée les représentations des hordes de musulmans qui vont venir nous envahir, alors bien sûr il devient logique de désirer les renvoyer dans des bateaux et des avions. Le raisonnement marche aussi dans l’autre sens : désirer le rejet des autres, donc être certain qu’ils vont venir. Prophétie auto réalisatrice dit-on souvent, mécanisme de la paranoïa.. (après « le suicide » ça y est « la soumission » c’est parti ça marche ; c’est peut-être ça la seule clé d’ailleurs choisir ce thème parce que ça va marcher… )

Le thème de l’invasion, de l’empoisonnement, est un des thèmes majeurs de la persécution paranoïaque psychotique. Esprits dérangés dit-on, jeunes égarés, enfants perdus…la médiatisation à outrance de tout cela n’aide pas dans cette période trouble. C’est une fausse idée de penser que tout doit toujours être dit. La Jouissance, on n’en est pas maître, on ne peut en calculer les effets. L’acte civilisateur c’est aussi  dire stop ! Belle initiative à cet égard que le discours du Président pour inaugurer (enfin !) le Musée de l’Immigration. (Mais qui en a vraiment parlé ?). Cela, ce n’est pas assez vendeur, pas assez fascinant, pas assez « glauque » ; car le névrosé est fasciné par la folie, envieux de cela qu’il pense tellement Jouissif.

*C’est là où la démocratie est à la peine. Que peut le politique ? Tout est dans tout et inversement, les frontières Réel-Symbolique-Imaginaire sont poreuses en permanence, et entretenues ainsi par tous les gigolos de la démagogie et du pouvoir, comme enjeu narcissique stricto sensu. Dérèglement de tous les sens, disait Rimbaud. Là où le poète s’autorise dans sa singularité, le dérèglement de notre communauté est quasi général. Les causes, (zadistes, black block..) qui souvent sont justes, sont mise au service d’agitations souvent infondées (on se croirait presque avant 68, et les agit’ contre l’ordre établi, sauf que là de l’ordre autoritaire, il y en avait vraiment beaucoup, à ce jour il n’y en a plus guère..). Ceux qui, au pouvoir, essaient de tenir la barre, le font hélas trop souvent en ordre désordonné et coups de menton inutiles, en déclarations à la hâte succédant à déclarations trop tardives (pourquoi tout de suite épingler de terroriste un acte sans doute désespéré ?) Le pouvoir se coltine un réel sans loi, fou. Le verbe marche tout seul, l’apparole jouissante (Lacan) se déchaîne sans fin, les marchands du temple médiatique en font leurs choux gras et quelques écervelés sans âme (dans une ville de France aujourd’hui on refuse une sépulture à un tout petit bébé rom…) explosent leur ignorance.

 Qui lui jettera la pierre, au « politique », de n’en pouvoir mais que les symboliques Nation/République, que l’ordre des Institutions, tiennent si mal le coup dans ce maëlstrom mondial ? Pourquoi demanderait-on encore un maître, voire un Père, que l’on dégomme à chaque coup, pourquoi, comment, incarner un stop à la Jouissance, qui trouve ses alliances dans les porte-voix, les caisses de résonance médiatiques ? Que chacun réfléchisse au(x) pire(s) qui pourrait venir qui n’est sans doute pas l’insurrection qui vient, même si celle-ci dans son aspect rêveur, utopiste, pourrait nous séduire tout autant. Que chacun pense bien, de sa place, dans son action quotidienne, de là où il est, où il opère, où il parle, chaque jour, dans la sphère publique, ou dans sa sphère privée, aux ravages possibles, sans retour. Beaucoup « jouent un jeu » dangereux tout en se proclamant dans le vrai, la « bonne » conscience, le pire, fascine toujours ; l’exaspération, le dénigrement continuel, la contrariété critique en boucle, rejet, déni, un état d’être furieusement mélancolique, humeur noire. Et au milieu le Bonimenteur le grimaçant avide, trace sa route, auprès de sa blonde.

*C’est tout de même aussi un idéal, des joies, des valeurs, des réussites, une démocratie. Un printemps après l’hiver.. Encore faut-il vouloir les relayer, lever la tête hors du marigot des soupçons nauséabonds. Cesser ce déferlement de critiques incessantes, déferlantes, des « petits » procureurs de partout, les plus « libertaires » n’étant pas les moins virulents! Attention à ne pas le générer ce pouvoir « fort » à venir ! A t on vraiment quitté l’ambiance vichyssoise ? Déjà NS fut élu sur l’éveil de sentiments d’envie, jalousie, discrimination, racisme, immigration; c’est bien reparti, et justifié d’ailleurs par des journalistes comme répondant à l’insécurité des français. Insatisfaction : ça ne va pas, c’est pas assez. Colères, exaspération, crispations rancœurs, aversion pour le politique, nostalgie, assomption identitaire. La RF en prend un coup de tous les bords. Veulent l’état protecteur, l’état providence, les bénéfices, mais pas les contraintes. Demandent qu’on leur donne des moyens, mais si c’est le cas, ne saisissent pas. Râlent. Encore. Donne-moi ce que tu n’as pas. Tout de suite. Eclatement des significations. Appauvrissement du sens de la vie : A France-Inter, Florence Aubenas raconte : »Dans un village où on a fermé la station service, « on a même plus le droit de consommer » dit un habitant » ..Terrible. Vouloir consommer de l’essence…

La crête du discours, la phrase, le S1 qui va faire mouche en boucle (on écoute pas les développements éclairant de Royal sur la Loi Transition Energétique, on ne retient que les autoroutes..). Intox. Ne pas dire ce qui marche. Amalgamer. Mais comment peut-on porter crédit à de telles sornettes ? Ça prend, ça fait mayonnaise, pas forcément sur la pauvreté, sinon morale et psychique. Entretenir l’insécurité affective mentale, assécher l’espoir, à quelles fins ? (marchandes ? armes? publicités ?) Tous ces penseurs sans courage, immobiles, méprisants, eux aussi dans leur certitude sans vision, sinon celle de leur conviction inébranlable, souvent figée dans une posture communautaire (quelle qu’elle soit). A rebours d’une avancée civilisatrice, quoi qu’ils en pensent et quel que soit le grand estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Tous ceux-là en portent une responsabilité.

Misère de la vertu disparue. De nos écrans en tout cas, car ailleurs loin des brouhaha médiatiques, c’est certain, des êtres œuvrent dans l’ombre, sans bruit, des médecins, des enseignants, des juristes, des soldats, des artistes, des ceci, des cela..

Sur le devant de la scène, que choisit on d’y mettre ? Qui choisit ? Vers où se précipite-t-on ? Qui peut le dire ? Sommes-nous dans « les années 30″ ou dans la propagande soviétique? Ou les deux à la fois après tout? Une nouvelle « dictature » qui viendrait.. sous forme de NS ou MLP. Qui n’aurait bien sûr pas la même forme, pas la même ossature caricaturale, mais.. dans la structure, au fond..

Que peut le politique ? Comment encore faire tenir ensemble ce qui nous rassemble comme communauté nationale, comme Nation, dans notre bien commun ? La cause commune, qui n’est en rien la cause de chacun pour lui-même, ce qui le cause dans son désir de sujet, même si faire lien, être ensemble, implique un nouage entre ces deux instances. Il n’y a pas ici maintenant de prophète, le politique n’est pas là pour exciter les peurs et les inquiétudes excluantes, le philosophe ne devrait sans doute pas nous faire prendre pour vérité les contorsions de sa propre confusion névrotique, obsédée par ses peurs anciennes, l’artiste œuvre d’abord pour lui-même, pour sa sublimation privée, ou alors s’il verse à l’obscurantisme réactionnel et réactionnaire, peut-on encore dire qu’il fait œuvre civilisatrice ?

*La parole politique quand elle est déterminée, franche, et qu’elle n’hésite pas à rappeler avec autorité l’éthique et les valeurs républicaines et humaines, à chaque fois que cela est nécessaire, quand elle fait œuvre civilisatrice, quand elle laisse à chacun sa liberté mais est garante de la liberté pour tous, sans doute peut-elle être là comme pare-feu à la haine qui monte. L’action publique, l’action politique, ne doit jamais se départir de sincérité, ni non plus d’audace. Elle ne doit s’en laisser compte par aucun conseiller de l’ombre qui roulerait pour sa chapelle ; elle devrait être irréprochable.

Vœu pieu, doux rêve ? Devant les épouvantails dressés, les récits d’horreur agités sans cesse, ne pas nier, ne pas reculer, ne pas céder. Se tenir debout et porter sa voix au plus près du Réel.

 

    Lorsque celui qui chemine dans l’obscurité chante, il nie son anxiété,  mais il n’en voit pas pour autant plus clair. Sigmund Freud

H : Il a l’air mélancolique F. : Non. …Pas du tout. Il rêve aux Iles Marquises

JLG Adieu au langage

Parce que cette douceur a été nécessaire pour enfanter la douleur  H : Une inquiétude douloureuse. F : Mais celle-ci n’aurait pu naître sans la douceur préalable.

    

« Moi, mon rôle c’est de dire : ne nous laissons pas emporter par ce climat, ne nous laissons pas dévorer par la peur, par l’angoisse. L’idée de la submersion, de l’invasion, de la soumission est une vieille idée. La France, elle a été parfois occupée, submergée, envahie, elle sait ce que c’est. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment on a été capable de résister, de nous dépasser? C’est ça, moi, qui m’intéresse. Qu’est-ce qu’il y a dans notre pays comme forces positives? Il y en a beaucoup, énormément! C’est sur les forces positives que je veux, moi, m’appuyer pour la France. »

– François Hollande (FInter 5 janvier 2015)

nota : ce billet a été écrit et publié la veille des terribles attentats…

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